Terroristes et fous ? Les récentes attaques,qui ont frappé la France et l’Allemagne, montrent en tout cas la grande fragilité psychologique de ces criminels. Pour comprendre la psychologie des terroristes, La Croix sort le 26 juillet un dossier complet. Extraits.
Tous les terroristes ont-ils une pathologie psychiatrique?
Face à l’horreur des attaques de ces derniers jours, en France comme en Allemagne, le terme de « folie meurtrière » revient sur toutes les lèvres. D’autant que pour un certain nombre d’entre elles, les autorités ont évoqué les fragilités mentales de leurs auteurs. Ainsi de Mohamed Lahouaiej Bouhlel, le conducteur du « camion fou » de Nice, le 14 juillet, décrit comme « instable et violent », ou de David Ali Sonboly qui, une semaine plus
tard, a tué 9 personnes à Munich et souffrait selon la police allemande de « troubles psychiatriques ».
Faut-il dès lors systématiquement lier terrorisme et maladie mentale? Et ne voir dans les auteurs des dernières tueries de masse que des « fous », plutôt que des idéologues agissant avec une forme de rationalité? Pas si simple, répondent les experts, psychiatres en tête.
Pour le neuropsychiatre Boris Cyrulnik « il est rare » de diagnostiquer, chez les terroristes, des pathologies psychiatriques au sens strict du terme, comme par exemple la schizophrénie. En revanche, ils souffrent très souvent de « troubles psychopathologiques ». « On pense qu’il faut être fou pour tuer! Mais en réalité, il faut être mégalomaniaque et paranoïaque. Or ce sont des troubles de la personnalité plutôt que des maladies mentales », note son confrère Roland Coutanceau, président de la Ligue française pour la santé mentale.
Précisément quels sont les troubles en jeu?
D’après Boris Cyrulnik, les troubles « psychopathologiques »peuvent avoir des origines diverses : une culture diluée, une famille absente ou très conflictuelle, une incapacité à trouver du travail et donc une place… Autant de carences éducatives et affectives propices à des formes de fragilité sur lesquelles des idéologies comme celle de Daech peuvent prospérer. « Pour faire écho à l’historien Michelet, “les sorcières apparaissent dans les déserts de sens”. C’est précisément ce qui se passe, observe Boris Cyrulnik : des jeunes en grande souffrance, sans véritable relais, peuvent être tentés de s’en remettre à des gourous pour trouver un sens à leur vie. »
« Généralement, ce sont des pathologies qui rendent difficile l’insertion, ou alors il s’agit d’une insertion de façade, ajoute la psychologue clinicienne Carole Damiani, de l’association Paris Aide aux victimes, qui assure le suivi des auteurs lors de procès. Souvent, leur vision du monde est coupée entre le noir et le blanc, sans nuance. La part qu’ils n’acceptent pas doit être éliminée. »
« Beaucoup souffrent d’un état très torturé marqué par une intolérance à la frustration, avec un ego surdimensionné, et globalement un manque d’empathie en vers les autres » , complète un psychologue de la police judiciaire, qui travaille à Fresnes auprès de détenus. Pour ce dernier, la meilleure preuve qu’ils ne sont pas fous, c’est que Daech recherche leur profil. « Ces organisations veulent des gens dont ils peuvent conditionner le comportement pour mieux s’en servir. Or, un fou est par définition une personne ingérable » , observe l’expert. Carole Damiani conçoit toutefois que l’analyse soit difficile, notamment pour le grand public lorsque la barbarie fait irruption dans le quotidien : « Les terroristes ne sont pas tous fous, mais leur combat ou leurs actessont tellement fous que c’est difficile d’y voir clair pour le profane.
Le dossier La folie terroriste est à retrouver sur www.la-croix.com.