Les fake news en cancérologie pullulent sur la toile. Dangereux au possible! Afin de remettre les pendules à l’heure le Professeur Arnaud Mercier nous en explique les raisons et les manières de dénouer le vrai du faux.

Les dangereuses messages que l’on peut voir sur internet portant sur des traitements miracles soignant les cancers prolifèrent. Pour contrer les fake news en cancérologie lisez vite l’entretien avec le Professeur Arnaud Mercier.

Les fake news touchent-elles aussi le domaine de la cancérologie ?

Bien sûr que la cancérologie est aussi concernée par la dissémination de fake news. Comme beaucoup de maladies qui font peur, on va trouver des patients très stressés pour leur avenir ou très désespérés par l’échec de premiers traitements. À propos de cancers comme de vaccins, il existe un discours parallèle au discours médical et scientifique qui trouve des explications simples, pour ne pas dire simplistes, à des bilans cliniques complexes où la science et les médecins sont contraints à faire l’aveu de leur perplexité voire de leur impuissance.

Dès lors, se développe un « marché parallèle » du conseil aux malades où on leur explique soit que ce sont justement les traitements subis qui les intoxiquent et les rendent encore plus malades (faisant fi des milliers de vies sauvées avec ces traitements certes agressifs mais efficaces), soit que des traitements existent mais la médecine moderne ne les valide pas, alors qu’ils seraient pourtant si efficaces. Le discours peut alors tomber dans le complotisme car on fera des laboratoires pharmaceutiques des grands méchants qui mettent sous l’éteignoir ces traitements alternatifs pour protéger leurs intérêts commerciaux et continuer à vendre leurs traitements qui pourtant ne marcheraient pas.

On a ainsi pu voir passer des fake news sur l’usage du bicarbonate de soude pour soigner les cancers. Et pourquoi pas le savon au miel ou les chewing-gum à la chlorophylle !  C’est totalement grotesque mais cela peut attirer l’attention de personnes désespérées au sens le plus étymologique du terme. Elles n’ont plus d’espoir, elles ont peur de mourir (ou leur entourage a peur) et deviennent des proies faciles pour l’exploitation numérique de la crédulité.

A quoi cela est-il dû ? Une tendance sociétale ? Un manque d’expertise ?

Plusieurs facteurs convergent pour favoriser le succès des fake news. Il faut d’abord insister sur le fait qu’elles prolifèrent grâce à l’écosystème socio-numérique de l’information qui fait que de plus en plus de gens ont accès à de l’information sur Internet et via les réseaux socio-numériques. Réseaux qui sont utilisés par beaucoup de personnes comme un lieu d’information alternatif dès lors qu’ils n’ont plus confiance dans les médias traditionnels et les journalistes et/ou qu’ils ne trouvent pas les informations qu’ils souhaiteraient entendre, parce qu’en réalité elles ne sont pas validées scientifiquement, parce qu’elles ne sont pas étayées par des preuves tangibles que les journalistes peuvent retrouver.

Mais qu’importe, certaines personnes ont acquis un tel niveau de certitude sur leurs convictions et sont enfermées dans un tel rejet des « sachants » (experts, journalistes, personnel politique…) que le fait de ne pas trouver dans les médias certaines données les convainc que le « système » est pourri, que le « système » se protège et que c’est bien la preuve que leurs croyances sont justes. On voit la trappe argumentative qui se met en place : si les médias et les autorités ne parlent pas de tel traitement, n’évoquent pas tel risque imaginé, c’est bien la preuve que c’est vrai ! Dans pareil contexte, les charlatans qui ont des choses à vendre agissent comme des poissons dans l’eau, vendant leurs produits, leurs conseils, leurs consultations, à coup d’énoncés mensongers, de dénigrements des autorités sanitaires et des figures médicales, avec des montages de pseudo-informations pour tromper leur auditoire, les fameuses fake news. 

Les médias peuvent aussi avoir leur part de responsabilité, s’ils relaient complaisamment (parce que le sujet est jugé concernant comme ils disent), une rumeur ou une accusation fantaisistes liées à une peur médicale. C’est exactement ce qui est arrivé au Pays de Galles où un journal régional a orchestré à l’été 1997 une campagne de presse instillant le doute sur l’existence d’un possible lien entre le vaccin contre la rougeole et l’autisme chez de jeunes enfant. Ce qu’aucune étude scientifique sérieuse n’a jamais pu démontrer. Qu’importe, le média a contribué à crédibiliser cette rumeur et elle persiste aujourd’hui encore sous forme d’informations mensongères, avec pour résultat une baisse de la couverture vaccinale, à cause de parents suspicieux, et le retour d’une maladie mortelle qu’on croyait éradiquée ou presque.

Comment contrer ces fake news et informer de manière plus juste ?

C’est un défi extrêmement compliqué car il faut considérer les fake news comme un révélateur du climat de défiance généralisé que certains citoyens éprouvent vis-à-vis des autorités porteuses d’un savoir. A long terme, le travail doit être de rétablir des liens de confiance. Cela passe par l’éducation, par la modification des attitudes des « sachants » vis-à-vis de la nécessité d’expliquer mieux, de se mettre à la hauteur des citoyens, ici des patients. Face à la démocratisation de la prise de parole permise par les réseaux socio-numériques, le corps médical doit sans nul doute accepter de mieux expliquer et partager son savoir en ligne, là où les rumeurs et les mensonges prospèrent sans assez de contradiction. 

Sur le court terme, il faut que les États continuent à mettre la pression sur les plates-formes qui véhiculent ces fake news en cancérologie, y compris parce qu’elles en retirent des bénéfices hélas. Car les fake news marchent bien sur internet, elles font du clic, donc génèrent du trafic et des recettes publicitaires. Il faut arriver à casser les reins à ce trafic, au deux sens du terme : audience et exploitation financière des mensonges. Rien de simple donc. Rien qui ne se règlera par un coup de baguette magique, car les fake news ne sont qu’un révélateur de failles qui fracturent nos sociétés. Mais après tout, les médecins sont censés savoir réduire les fractures, non ?

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Santé, science doit-on tout gober? Florian Gouthière – Belin