La crise sanitaire a bougé les lignes et les repères de notre quotidien : travail, vie sociale, éducation, rapport à soi et aux autres, à notre environnement. Le confinement inattendu a provoqué un choc, une remise en question de notre culture de la liberté. Nos concitoyens ont du s’adapter, par la force des choses et non par choix. Un confinement qui a été lui même, source de peurs. Le déconfinement suscite autant d’interrogations. Quels son les effets émotionnels du confinement et du déconfinement? Et dans quel « état » sortirons-nous de ce défi ?
Au moment où notre pays s’apprête à reprendre ses activités, la plus grande perte ressentie est le contact humain, qui a été a été rompu. La sidération n’est pas passée dans la mesure où les populations étaient entrées dans un réflexe “de survie”. Ces deux mois ont généré l’effet d’un stress post traumatique qui, selon les personnes et leur histoire personnelle et familiale, a réveillé des pans de vies enfouies, des histoires de famille transgénérationnelles refoulées. Bref, des stress que l’on croyait simplement « oubliés ». C’est sans parler, pour certains, d’un contexte de vie au présent déjà douloureux et que le confinement aura fini d’alourdir un peu plus, quand cela n’aura pas viré au drame.
Les effets émotionnels du confinement et du déconfinement ont été très durs. La société va mettre du temps à réaliser et constater à quel point le confinement a été coûteux sur le plan émotionnel. En effet, des mesures ont restreint temporairement, nos activités et nos libertés individuelles, nous obligeant à réduire et optimiser notre temps passé à l’extérieur et avec les autres.
L’humain s’est illusionné d’exister par ses possessions, par son consumérisme. Or, il est bon de se souvenir qu’un individu n’a d’existence et ne s’épanouit que dans le rapport aux autres. Être privé de contacts humains, d’échanges spontanés et libres est mortifère, à l’image d’une plante que l’on viendrait à priver de lumière. Indiscutablement, le confinement nous a fait vivre dans l’ombre de nous-mêmes.
En tant que kinésiologues, nous utilisons la technique psycho-corporelle et énergétique notamment lors du test musculaire où l’on touche l’Autre. Il met en relief l’importance de la relation entre le « toucher » et la respiration. Quand on parle de « toucher », on pense spontanément à l’aspect tactile. Or, on peut être touché par nos cinq sens : une parole, par un regard, par un geste. La façon dont ces différents aspects ont été encodés dans notre corps, car associés à des ressentis spécifiques, va se révéler être, soit une source de plaisir, soit aura été douloureux voire insécurisant et reste un danger potentiel réactivé.
Lorsque ce toucher a été douloureux, le corps a appris à se protéger et s’est fermé en construisant autour et en lui une carapace dont la pièce maîtresse est la restriction de l’amplitude de la respiration. Tant de gens se privent d’une respiration pleine et développée, vivant en apnée.
Or, la respiration polarise notre corps par un échange d’ions positifs/négatifs dont les premiers relais sont les glandes parathyroïdes derrière le pharynx et parfois le thymus. Cela met en évidence le lien avec nos fonctions endocriniennes, musculaires et immunitaires. Si pour des raisons conscientes ou inconscientes, ces fonctions sont perturbées, des symptômes apparaissent.
Ce petit détour invite à réfléchir sur la façon dont nous avons appris à « relationner » et à interroger le genre de « toucher » que notre code familial et/ou social nous a autorisé à tolérer, à supporter ?
L’autoprotection mentionnée plus haut, amène à bloquer sa respiration, à se sentir en insécurité, voir même coupé en deux, non-aimé, au point de ne plus se sentir en adéquation dans nos relations aux autres.
Cela peut déclencher une colère parfois sourde car inacceptable pour la société ; colère de se sentir impuissants devant une situation où au contraire, nous avons tant besoin de ce contact quelle que soit sa forme. Et pour supprimer ces sensations, nous bloquons notre respiration. Sans respiration adaptée, point d’oxygénation suffisante et sans oxygénation correcte de notre cerveau, nos réflexes de survie s’enclenchent : la pensée devient confuse et n’est plus assez perspicace pour décrypter le monde en nous et celui qui nous entoure. Nos facultés d’adaptation s’en trouvent perturbées. L’information adéquate sur l’échelle de nos pensées, de nos émotions, nous empêchent de poser des actions adaptatives.
Alors, que faire en post confinement ?
Notre société a besoin de se repositionner sur la façon dont tout un chacun crée, vit et entretient la relation. Il n’est pas nécessaire de se sauter dans les bras ou au cou pour être dans une relation satisfaisante.
La distanciation physique préconisée dans les gestes barrières n’est pas à vivre comme une peur supplémentaire de l’Autre. C’est plutôt une marque de respect, laissant cet espace de rencontre entre deux personnes différentes, qui mettent entre eux, un pont pour se relier l’un à l’autre, se parler.
Notre société a besoin de retrouver de vraies relations, de vrais rapports humains et environnementaux où chacun retrouve sa place et son espace. Ou encore de laisser du vide pour que la création de la nouveauté émerge, pour faire place à autre chose.
La kinésiologie est une technique toute indiquée pour explorer ces facettes de nos capacités d’adaptation, à nous renouveler dans la façon dont nous communiquons avec nous –mêmes et avec les autres de la parole à nos actes.
Pour conclure, les effets émotionnels du confinement et du déconfinement sont un véritable défi à relever. Sortir de l’ombre se mettre à la lumière et faire face aux nouveaux choix qui se présentent. C’est un défi collectif pour renouer le contact, la solidarité, le soutien. C’est un agent de mutation qui force la réflexion quant à savoir quel genre d’humanité nous voulons, car nous sommes tous individuellement partie prenante et sommes donc co-créateurs.
Sarah Alimondo, Présidente du Syndicat National des Kinésiologues