Mesurer l’empreinte immunitaire pour prédire le pronostic des femmes atteintes d’un cancer du sein triple négatif voilà ce que les chercheurs* viennent de mettre en avant.

Les femmes atteintes d’un cancer du sein triple négatif ne bénéficient malheureusement pas de manière équivalente des progrès réalisés dans la prise en charge de ces cancers en général. Ils demeurent plus difficiles à traiter et souvent de moins bon pronostic. Déterminer pour chaque femme la façon dont le cancer va évoluer permettrait de leur proposer des innovations thérapeutiques quand cela est possible. Une étude poolée révèle que leur pronostic peut être évalué grâce à un nouveau biomarqueur (sTILs) qui consiste à déterminer l’empreinte immunitaire de la tumeur au moment du diagnostic. Le score pronostique est calculé par un algorithme entrainé sur les données de plus de 2 000 patientes issues de 9 études cliniques internationales.

Cette étude sur le cancer du sein triple négatif a notamment été menée par des chercheurs de Gustave Roussy, l’Inserm et l’Université Paris-Sud, en collaboration avec le Peter MacCallum Cancer Centre à Melbourne, Australie. Les résultats sont publiés dans la première revue internationale de cancérologie clinique, Journal of Clinical Oncology.

« En corrélant l’empreinte immunitaire de la tumeur au pronostic des patientes grâce à l’algorithme, nous espérons, en fonction de leur risque, favoriser leur participation à de futures études cliniques incluant des femmes atteintes de cancers du sein triple négatif » précise Stefan Michiels, responsable de l’équipe Oncostat à Gustave Roussy.

L’analyse a été menée à partir des données individuelles de 2 148 patientes issues de 9 études réalisées dans plusieurs pays portant sur des patientes atteintes du cancer de sein triple négatif. L’objectif premier était d’examiner la valeur pronostique de l’empreinte immunitaire c’est-à-dire la présence de lymphocytes dans l’environnement extra-cellulaire de la tumeur (stromal tumor-infiltrating lymphocytes ou sTILs) chez les patientes atteintes d’un cancer du sein triple négatif primitif de stade précoce.

Les résultats démontrent que plus le taux de lymphocytes est élevé dans la tumeur au moment du diagnostic, meilleure est la survie de ces patientes après une chimiothérapie adjuvante à base d’anthracycline. Ils soutiennent l’intégration du calcul du score biomarqueur sTILS dans un modèle pronostique pour les patientes atteintes d’un cancer du sein triple négatif de stade précoce.

L’outil de calcul du score du biomarqueur est mis gratuitement à la disposition de la communauté médicale https://www.tilsinbreastcancer.org/prognosis-tool/ dans l’objectif de pouvoir proposer aux patientes, en fonction de leur risque, d’intégrer des études cliniques futures

Le cancer du sein demeure la première cause de décès par cancer chez les femmes de moins de 65 ans. Les cancers du sein triple négatif se caractérisent par l’absence à la surface de la tumeur de récepteurs hormonaux (progestérone et œstrogène) et de protéine de surface caractéristique (HER2) ; ces trois protéines sont des cibles des traitements innovants (trastuzumab, thérapies ciblées et hormonothérapie). Les cancers du sein triple négatif représentent 15 % des cancers du sein et sont de mauvais pronostic. Les possibilités de traitement restent limitées aux chimiothérapies classiques qui s’avèrent inefficaces chez environ la moitié des patientes.

 

*L’étude a principalement été menée par l’équipe Oncostat à Gustave Roussy (Inserm U1018, Université Paris-Sud, Université Paris-Saclay), le Service de Biostatistique et d’Epidémiologie à Gustave Roussy et le Peter MacCallum Cancer Centre à Melbourne, Australie (Translational Breast Cancer Genomics Laboratory), en partenariat avec Unicancer.

Le projet a bénéficié du financement de l’ANR et du CGI (RHU MyPROBE, ANR-17-RHUS-0008).

 

 

Sources sur les recherches du cancer du sein triple négatif :

Tumor-Infiltrating Lymphocytes and Prognosis: A Pooled Individual Patient Analysis of Early-Stage Triple-Negative Breast Cancers

Journal of Clinical Oncology, publication avancée en ligne du 16 janvier 2019

DOI : https://doi.org/10.1200/JCO.18.01010

Sherene Loi, MD1 ; Damien Drubay, PhD2,3; Sylvia Adams, MD4 ; Giancarlo Pruneri, MD5 ; Prudence A. Francis, MD1 ; Magali Lacroix-Triki, MD6 ; Heikki Joensuu, MD7 ; Maria Vittoria Dieci, MD8,9; Sunil Badve, MD10; Sandra Demaria, MD11; Robert Gray, PhD12; Elisabetta Munzone, MD13; Jerome Lemonnier, PhD6 ; Christos Sotiriou, MD14; Martine J. Piccart, MD14; Pirkko-Liisa Kellokumpu-Lehtinen, MD15; Andrea Vingiani, MD16; Kathryn Gray, PhD12; Fabrice Andre, MD2 ; Carsten Denkert, MD17; Roberto Salgado, MD1,18; and Stefan Michiels, PhD2,3,6

1 Peter MacCallum Cancer Centre, University of Melbourne, Melbourne, VIC, Australia

2 Université Paris-Saclay, Villejuif, France

3 Université Paris-Sud, Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale, Villejuif, France

4 New York University School of Medicine, New York, NY

5 Fondazione Istituto di Ricovero e Cura a Carattere Scientifico–Isituto Nazionale dei Tumori, Universita degli Studi di Milano, Milan, Italy

6 R&D UNICANCER, Paris, France

7 Helsinki University Central Hospital, Helsinki, Finland

8 University of Padova, Padova, Italy

9 Veneto Insitute of Oncology–IOV-IRCCS, Padua, Italy

10 Indiana University, Indianapolis, IN

11 Weill-Cornell Medicine, New York, NY

12 Dana-Farber Cancer Institute, Boston, MA

13 European institute of Oncology, Milan, Italy

14 Institut Jules Bordet, Université Libre de Bruxelles, Brussels, Belgium

15 Tampere University Hospital, Tampere, Finland

16 University of Milan, Milan, Italy

17 Charite Universite Hospital, Berlin, Germany

18 GZA, Antwerp, Belgium