« Le Consentement » : l’adaptation au cinéma de l’autobiographie bouleversante de Vanessa Springora sur l’emprise d’un écrivain pédophile, un film fort et nécessaire.

La réalisatrice Vanessa Filho nous offre une adaptation cinématographique choc du livre bouleversant de Vanessa Springora, « Le Consentement« . Avec Jean Paul Rouve dans un rôle terrifiant, ce film explore la relation toxique entre une jeune fille de 13 ans et l’écrivain pédophile Gabriel Matzneff. Ce long métrage est un véritable regard sur le pouvoir, l’emprise, le viol et le défi de briser le silence.

L’impact du livre « Le Consentement »

le-consentement-quand-le-cinema-brise-le-silence-sur-lemprise-pedophileSorti en janvier 2020, « Le Consentement » de Vanessa Springora n’a pas tardé à devenir l’un des sujets les plus discutés dans les médias, les cercles littéraires et au-delà suite aux violences sexuelles dont elle a été victime. Mais quel a été exactement l’impact de ce livre choc ?

Un tremblement dans le monde littéraire

Lors de sa publication, le livre a créé une onde de choc. Vanessa Springora y dévoile avec une clarté implacable l’emprise qu’a exercée sur elle l’écrivain Gabriel Matzneff et les relations sexuelles traumatiques alors qu’elle n’était qu’une adolescente et lui un homme de cinquante ans (rappelons que celui-ci n’a jamais été condamné par la justice vu que Vanessa, se sentant si coupable, n’a pas porté plainte). Ce témoignage bouleversant sur les attouchements sexuels, viols et abus sexuels a remis en question la place de Matzneff dans la littérature française et les éloges dont il bénéficiait malgré son attirance sexuelle connue pour les mineurs.

Une discussion renouvelée sur la pédophilie

Le livre a lancé une discussion nationale sur la pédophilie et les limites du consentement, en particulier lorsque l’une des parties est une figure d’autorité ou de renom. Des débats ont émergé sur la manière dont la société traite les victimes par rapport aux prédateurs sexuels sur les enfants, ainsi que sur la complaisance historique à l’égard des actes de figures célèbres.

Le mouvement Me Too renforcé

« Le Consentement » est paru dans le sillage du mouvement #MeToo, lui donnant encore plus d’écho en France. Le courage de Vanessa Springora à partager son histoire a encouragé d’autres victimes d’abus sexuels à s’exprimer et à exposer les atteintes sexuelles commises par des personnalités influentes dans d’autres domaines.

La complaisance culturelle

Le livre a mis en lumière la manière dont certaines figures peuvent être protégées par leur renommée ou leur talent. Le milieu littéraire, et plus largement culturel, a été contraint de se regarder dans le miroir et de s’interroger sur son propre rôle dans la protection ou l’ignorance des agressions sexuelles.

Une prise de conscience générale

Au-delà du monde littéraire, l‘histoire de Vanessa Springora a servi d’éveil pour la société en général. Elle a rappelé l’importance de protéger les plus vulnérables à savoir les mineurs abusés de viols et d’agressions sexuelles par un agresseur à ne plus être dans la culpabilité, à porter plainte (même si les victimes pensent qu’il y a un délai de prescription et que la justice ne pourra rien faire contre ce délit) afin qu’il soit mis en examen et soit emprisonné comme le code pénal devant les assises le prévoit lors d’infractions sexuelles sur mineurs et de questionner les dynamiques de pouvoir qui permettent les abus.

Une adaptation audacieuse et fidèle

Traduire la puissance d’un livre en images, surtout lorsqu’il s’agit d’une œuvre aussi chargée émotionnellement que « Le Consentement » de Vanessa Springora, est un défi monumental. Pourtant, Vanessa Filho, dans sa transposition cinématographique, a su relever ce défi avec audace tout en restant fidèle au message d’origine. Examinons de plus près comment cette adaptation s’est démarquée tout en respectant le cœur du récit.

Capturer l’essence sans sensationnalisme

Filho a réussi à éviter le piège du sensationnalisme qui pourrait facilement découler d’un sujet aussi délicat. Plutôt que de se focaliser uniquement sur les détails explicites, le film se concentre sur l’émotion, l’atmosphère et le ton du livre, rendant ainsi justice à la gravité du sujet traumatique au possible.

Une distribution impeccable

Le casting est formidable. La performance de Jean Paul Rouve en tant que Gabriel Matzneff est terrifiante, rendant justice à la complexité et à la monstruosité du personnage. La comédienne Kim Higelin, quant à elle, incarne brillamment Vanessa Springora, évoquant avec justesse l’innocence perdue et l’emprise qu’elle a subie.

« Jean-Paul a mis tout son talent au service de ce personnage. Je le trouve atrocement charismatique. Il est vraiment fascinant dans tout ce qu’il propose: dans sa partition, dans son jeu. Il a su chorégraphier l’emprise avec brio. Il fallait beaucoup de courage pour jouer un personnage qui ne provoque chez les spectateurs aucune empathie. »

Vanessa Filho

La voix off : un choix audacieux

Opter pour une narration en voix off, surtout avec les mots du prédateur pédophile, était un choix audacieux. Cela donne une profondeur et une dimension supplémentaire au film, permettant au public de pénétrer l’esprit manipulateur et pervers sexuel de Matzneff tout en ressentant le poids des mots et leur impact sur la jeune Vanessa.

Le respect de la trame narrative

Malgré les contraintes de durée et de format d’un film, Filho a maintenu la majorité des éléments clés du livre, garantissant que les spectateurs comprennent pleinement l’histoire, de cette infraction criminelle commise sur Vanessa et son impact.

Un équilibre entre visuel et émotionnel

La réalisation, bien que visuellement saisissante, n’a jamais éclipsé l’aspect émotionnel. Les séquences sont pensées pour accompagner les sentiments du livre, qu’il s’agisse de moments d’intense vulnérabilité ou d’horrible réalisation.

La force des mots et l’emprise du prédateur

Lorsqu’il s’agit d’emprise et de manipulation, la force des mots devient un outil redoutable. Dans « Le Consentement« , le prédateur utilise la littérature et le langage comme des instruments pour ensorceler, tromper et assujettir.

« Un prédateur n’agit jamais seul. Il est toujours entouré de ses complices », déclare, Vanessa Filho, réalisatrice du film « Le consentement.  avant de poursuivre:

« Le livre raconte vraiment la complaisance d’une époque. Le film se devait de montrer aussi ce contexte-là avec ses amis, les dîners. C’était très important pour moi de mettre en scène l’émission Apostrophes (où Gabriel Matzneff a été souvent interviewé, NDLR) pour raconter comment une société a permis à un individu comme Gabriel Matzneff d’agir avec autant d’impunité. »

L’emprise psychologique

Le contrôle ne s’arrête pas à la séduction initiale. À travers des lettres et des échanges, Matzneff continue d’exercer une emprise sexuelle sur Vanessa, renforçant sa domination psychologique et émotionnelle. Les mots deviennent un moyen de la garder attachée, la faisant douter d’elle-même et de la réalité de la situation.

 

 

Sophie Madoun