Le 6 mars dernier, le ministère namibien de l’environnement, des forêts et du tourisme (MEFT) annonçait dans un communiqué l’exportation de 22 éléphants sauvages vers un zoo des Émirats arabes unis (EAU). Les exportations ont été confirmées un jour seulement avant une réunion de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES), au cours de laquelle les pays doivent justement examiner la légalité des ventes d’éléphants par Windhoek.
La Namibie exporte 22 éléphants sauvages au mépris du droit international ! Après plus d’un an de spéculations, la déclaration du ministère namibien de l’environnement, des forêts et du tourisme (MEFT) vient confirmer ce que la communauté internationale redoutait : la Namibie a toujours eu l’intention d’exporter ses éléphants hors d’Afrique, comme elle l’a fait dans le passé vers Cuba et le Mexique. Or, techniquement, la Namibie n’est autorisée à exporter des éléphants vivants que vers des programmes de conservation in situ (c’est-à-dire dans l’aire de répartition naturelle de l’espèce en Afrique), conformément aux termes de l’inscription de sa population d’éléphants à la CITES. Afin de justifier les termes de cette vente, la Namibie se base sur une interprétation très controversée.
Ce communiqué est d’autant plus choquant qu’il intervient un jour seulement avant le début de la 74e réunion du Comité permanent de la CITES (SC74), qui se tient cette semaine à Lyon, en France, et qui examinera justement, mercredi 9 mars, la légalité de l’interprétation que fait la Namibie en ce qui concerne les exportations d’éléphants vivants. Le Burkina Faso, un État de l’aire de répartition des éléphants qui participe à la réunion, a soumis au SC74 un avis juridique qui démontre pourquoi ces exportations ont été et sont réalisées en violation de la CITES.
La Namibie exporte 22 éléphants sauvages au mépris du droit international et le MEFT tente de justifier ces ventes en arguant qu’elles font office « d’intervention dans les cas croissants de conflits entre l’homme et la faune sauvage, en particulier ceux impliquant des éléphants… ». Pourtant, les 22 éléphants en question ont été capturés dans la zone d’agriculture commerciale de Kamanjab – une zone qui, selon un rapport de 2021, fait partie de la région aride de Kunene, au nord-ouest de la Namibie, où le nombre d’éléphants est dangereusement faible. Cette situation est principalement due à des années de sécheresse et aux activités de l’homme, notamment la chasse au trophée et l’empiètement des activités agricoles sur les habitats naturels des éléphants.
Pour le Dr Keith Lindsay, expert en biologie des éléphants, les justifications de Windhoek ne tiennent pas. « Le nombre extrêmement faible de mâles reproducteurs et le taux de mortalité infantile élevé (100 % depuis 2014) de la population dans cette zone de la région de Kunene constituent une préoccupation majeure. Le projet du MEFT de retirer les éléphants vivants de cette zone spécifique n’est pas viable. En outre, puisque les effectifs d’éléphants sont très faibles, les incidences de conflit homme-éléphant (CHE) sont eux aussi dérisoires, beaucoup plus que dans d’autres parties de la Namibie, en particulier dans le nord-est », explique-t-il.
Selon la déclaration du MEFT, les éléphants ont été vendus en premier lieu à un éleveur d’animaux sauvages namibien, G. H. Odendaal, qui les a ensuite revendus aux EAU. Il est étrange que le MEFT ait autorisé Odendaal, en sa qualité de particulier, à s’occuper des exportations plutôt que de traiter directement avec les EAU. Cette démarche va à l’encontre de la rhétorique habituelle selon laquelle le gouvernement commercialise sa faune sauvage au nom de l’amélioration de la pauvreté des communautés rurales. Cette exportation a donc tout l’air d’être une simple transaction lucrative, qui ne profite qu’à un riche propriétaire terrien namibien blanc.
Face à la gravité de la situation, Vera Weber, présidente de la Fondation Franz Weber, espère des sanctions : « Ce gouvernement doit être sanctionné par le Comité permanent cette semaine, à la fois pour avoir violé les règles de la CITES et pour avoir menacé, sous le faux prétexte de résoudre les incidences du CHE, la viabilité d’une population d’éléphants déjà ébranlée par des années de sécheresse et de persécution humaine », martèle-t-elle.
« En 2019, une majorité de membres de la CITES ont interdit le commerce international d’éléphants vivants, capturés à l’état sauvage et destinés à être utilisés en captivité, y compris l’UE qui est à la tête d’un mouvement mondial de protection et de préservation de la biodiversité internationale. Cette exportation barbare d’éléphants vivants devraient être condamnée par les décideurs politiques à Bruxelles, Paris, Berlin et bien au-delà. »