Les infections fongiques, également connues sous le nom de mycoses, sont des affections causées par des champignons microscopiques. Bien que moins courantes que les infections bactériennes ou virales, les infections fongiques peuvent devenir résistantes.  Voici ce que vous devez savoir sur les risques qu’elles posent, ainsi que les efforts des chercheurs pour les comprendre et les combattre.

Les champignons, omniprésents dans notre environnement, jouent souvent un rôle vital dans la décomposition de la matière organique. Cependant, lorsque l’équilibre entre l’humain et ces micro-organismes est perturbé, les champignons peuvent se transformer en une menace pour notre santé. Ce déséquilibre peut conduire à des infections fongiques résistantes à tous traitements, de plus en plus préoccupantes à l’échelle mondiale.

Quand les champignons deviennent une menace pour notre santé

Les infections fongiques résistantes responsables du décès de près de 1,6 million de personnes dans le monde, sont en constante augmentation et posent désormais un véritable défi pour la santé publique.

Mais les champignons, qu’ils soient visibles ou invisibles, sont omniprésents. Ils se trouvent dans l’environnement, chez les animaux et même chez les humains. Toutefois, ils ne deviennent une menace que lorsque notre système immunitaire présente une faille. Cette vulnérabilité peut résulter de traitements comme la chimiothérapie ou de greffes d’organes, créant ainsi un terrain propice aux infections fongiques telles que les candidoses, les pneumocystoses ou les aspergilloses.

Il est essentiel de prendre conscience de cette menace grandissante et de la nécessité de mieux comprendre ces infections pour les prévenir et les traiter efficacement. Face à l’augmentation des cas et à la gravité croissante de ces infections, une attention particulière et des recherches approfondies sont indispensables pour protéger notre santé.

« On porte tous des Candida au sein de notre organisme : dans notre tube digestif ou sur notre peau, sans pour autant qu’ils soient pathologiques. Avoir une baisse significative des défenses immunitaires ou encore subir des gestes invasifs liés à des chirurgies sont des facteurs de risques pouvant entraîner une infection »

Fanny Lanternier, responsable du Centre national de référence des Mycoses invasives et antifongiques (CNRMA)

« L’opportunisme des mycoses invasives est lié à l’espèce du champignon et à la faille du système immunitaire : pour la pneumocystose, on peut avoir été en contact jeune avec le champignon Pneumocystis jirovecii sans que cela n’ait engendré d’infection. On peut être en contact alors qu’on vient de subir une chimiothérapie, et l’infection se déclare », ajoute Sarah Dellière, chercheuse à l’Institut Pasteur.

Qu’est-ce qu’une infection fongique ?

Une infection fongique se produit lorsque des champignons envahissent une partie du corps et se multiplient de manière excessive. Les champignons responsables des infections fongiques sont généralement des levures ou des moisissures. Ces champignons peuvent envahir différentes parties du corps, y compris la peau, les ongles, la bouche, les organes génitaux, les poumons et le système digestif. Les infections fongiques varient en gravité, allant de légères à graves.

Les infections fongiques portent différents noms en fonction de la partie du corps touchée et du type de champignon responsable. Voici quelques exemples de noms courants d’infections fongiques :

Candidose : elle est provoquée par le champignon Candida, qui peut affecter la bouche (muguet), les organes génitaux (candidose vaginale), la peau (candidose cutanée) et d’autres parties du corps.

Aspergillose : elle est causée par le champignon Aspergillus, qui affecte les poumons et peut être grave chez les personnes immunodéprimées.

Dermatophytoses : ce sont des infections fongiques cutanées, des ongles et des cheveux, généralement causées par des dermatophytes.

Pneumocystose : c’est une infection pulmonaire sévère qui touche principalement les individus immunodéprimés.

Mycose des ongles :  également connue sous le nom d’onychomycose.

Cryptococcose : elle est due au champignon Cryptococcus, qui affecte les poumons et le système nerveux central.

Mucormycose : c’est une infection rare mais grave causée par les champignons du genre Mucor, qui peut envahir les sinus, les yeux, le cerveau et d’autres parties du corps.

Coccidioïdomycose : c’est une infection fongique provoquée par le champignon Coccidioides, qui affecte principalement les poumons et est endémique dans certaines régions.

Histoplasmose : elle est causée par le champignon Histoplasma, qui  affecte les poumons et d’autres organes chez les personnes exposées à des excréments d’oiseaux ou de chauves-souris.

Blastomycose : elle est due au champignon Blastomyces, qui affecte souvent les poumons et peut se propager à d’autres parties du corps.

Causes des infections fongiques

Plusieurs facteurs peuvent favoriser le développement d’une infection fongique, notamment :

Affaiblissement du système immunitaire : un système immunitaire affaibli par des maladies, des médicaments immunosuppresseurs ou d’autres facteurs de stress rend les personnes plus susceptible d’avoir une infection fongique.

Milieu humide et chaud : les champignons prospèrent dans les environnements chauds et humides. Par conséquent, les infections fongiques de la peau sont courantes dans les régions où la transpiration est abondante.

Contact direct avec des champignons : le contact avec des champignons, tels que ceux présents dans les sols, peut entraîner des infections fongiques, en particulier si la peau est blessée.

Usage excessif d’antibiotiques : la prise fréquente et inappropriée d’antibiotiques perturbe l’équilibre naturel des micro-organismes dans le corps, favorisant ainsi la croissance de champignons pathogènes.

Quels sont les symptômes ?

infections-fongiques-résistantes-quand-les-champignons-deviennent-une-menace-pour-notre-santeLes symptômes des infections fongiques peuvent varier en fonction du type de champignon impliqué et de la partie du corps affectée. Voici quelques symptômes courants associés à différentes infections fongiques :

Candidose :

    • Muguet buccal : Plaques blanchâtres dans la bouche, sur la langue et les muqueuses.
    • Candidose vaginale : Démangeaisons, irritations, écoulements vaginaux anormaux.
    • Candidose cutanée : Éruptions cutanées, rougeurs, démangeaisons, fissures.

Aspergillose :

    • Fièvre.
    • Toux persistante.
    • Essoufflement.
    • Douleurs thoraciques.

Dermatophytoses (mycoses cutanées) :

    • Démangeaisons.
    • Rougeurs.
    • Desquamation de la peau.
    • Formation de plaques ou de cercles rouges.

Pneumocystose :

    • Fièvre.
    • Toux sèche.
    • Essoufflement.
    • Fatigue extrême.

Mycose des ongles (onychomycose) :

    • Épaississement de l’ongle.
    • Décoloration jaunâtre ou blanchâtre de l’ongle.
    • Fragilité de l’ongle.
    • Déformation de l’ongle.

Cryptococcose :

    • Fièvre.
    • Maux de tête.
    • Raideur de la nuque.
    • Confusion mentale.

Mucormycose :

    • Symptômes dépendent de la zone infectée, mais peuvent inclure des douleurs, un gonflement, des saignements et des ulcérations.

Coccidioïdomycose :

    • Fièvre.
    • Toux.
    • Essoufflement.
    • Douleurs thoraciques.

Histoplasmose :

    • Fièvre.
    • Maux de tête.
    • Douleurs musculaires.
    • Symptômes semblables à ceux de la grippe.

Blastomycose :

    • Fièvre.
    • Toux productive.
    • Douleurs thoraciques.
    • Fatigue.

Il est important de noter que les infections fongiques peuvent également devenir graves et systémiques, affectant plusieurs organes du corps, en particulier chez les personnes ayant un système immunitaire affaibli. Si vous présentez des symptômes persistants ou inexpliqués qui pourraient être liés à une infection fongique, consultez un professionnel de la santé pour un diagnostic précis et un traitement approprié. Une intervention précoce est souvent essentielle pour une récupération réussie.

Prévention des infections fongiques

Bien que les infections fongiques ne puissent pas toujours être évitées, il existe des mesures préventives qui peuvent réduire les risques :

Maintenir une hygiène personnelle adéquate : se laver régulièrement, surtout après avoir transpiré, peut aider à prévenir les infections fongiques de la peau.

Éviter les environnements humides et chauds : dans la mesure du possible, essayez de garder les zones de votre corps sujettes à la macération (comme les plis cutanés) propres et sèches.

Éviter le contact direct avec des champignons : lorsque vous jardinez ou manipulez des sols, portez des gants et des vêtements de protection.

Utilisation prudente des antibiotiques : prenez des antibiotiques uniquement lorsque cela est nécessaire et prescrit par un professionnel de la santé.

Traitement des infections fongiques

Le traitement des infections fongiques dépend de leur type et de leur gravité. Il peut comprendre :

Médicaments antifongiques : ces médicaments peuvent être administrés par voie topique, orale ou intraveineuse, en fonction de l’emplacement et de la gravité de l’infection.

Changements de mode de vie : en cas d’infection fongique de la peau, il est essentiel de maintenir une bonne hygiène et d’éviter les facteurs qui favorisent la croissance fongique.

Chirurgie : dans certains cas graves, une intervention chirurgicale peut être nécessaire pour éliminer la partie infectée du corps.

Prise en charge sous-jacente : si une maladie sous-jacente affaiblit le système immunitaire et favorise les infections fongiques, elle doit également être traitée.

Identifier et surveiller les menaces des infections fongiques  résistantes

L’Institut Pasteur abrite le Centre national de référence des Mycoses invasives et des antifongiques (CNRMA), une entité dédiée à l’identification des champignons responsables d’infections invasives et à l’évaluation de leur sensibilité aux médicaments antifongiques disponibles. Le CNRMA joue également un rôle crucial dans la surveillance nationale de ces menaces et des résistances aux antifongiques.

Fanny Lanternier, responsable du CNRMA, explique : « Nous collaborons avec les mycologues de 50 centres en France qui déclarent tous les cas d’infections invasives survenant dans leurs hôpitaux. Cela nous permet de suivre l’évolution de ces infections et d’alerter Santé publique France en cas d’augmentation inhabituelle de cas liée à une espèce particulière. » Le CNRMA fournit également des conseils pour le diagnostic et la prise en charge des patients atteints de ces infections, tout en proposant des formations en mycologie médicale.

Quels sont les champignons résitants aux traitements ?

Les champignons peuvent développer une résistance aux médicaments antifongiques, tout comme les bactéries peuvent développer une résistance aux antibiotiques. Certains champignons sont plus susceptibles de devenir résistants que d’autres en raison de leur capacité à muter rapidement. Voici quelques exemples de champignons résistants ou potentiellement résistants :

Candida auris : Ce champignon a émergé ces dernières années comme une menace sérieuse en raison de sa résistance aux médicaments antifongiques couramment utilisés. Il peut provoquer des infections graves et est souvent difficile à traiter.

Aspergillus fumigatus résistant aux azoles : Les azoles sont une classe courante de médicaments antifongiques. Cependant, certaines souches d’Aspergillus fumigatus ont développé une résistance aux azoles, rendant le traitement plus compliqué.

Cryptococcus neoformans : Ce champignon peut causer la cryptococcose, et certaines souches sont résistantes aux médicaments antifongiques, ce qui rend le traitement plus difficile.

Candida glabrata : Cette espèce de Candida est parfois moins sensible aux médicaments antifongiques que d’autres espèces de Candida, ce qui peut compliquer le traitement des infections qu’elle provoque.

Mucorales résistants : Les champignons du genre Mucorales sont responsables de mucormycoses, et certaines souches ont montré une résistance aux médicaments antifongiques.

La résistance fongique est préoccupante car elle peut rendre le traitement des infections fongiques plus difficile, prolonger la durée du traitement et augmenter le risque de complications. Pour lutter contre la résistance fongique, il est essentiel de surveiller de près l’utilisation des médicaments antifongiques, de suivre les directives de traitement de manière appropriée et de développer de nouveaux antifongiques pour diversifier les options thérapeutiques. La recherche continue dans ce domaine est cruciale pour faire face à ce problème croissant de santé publique.

Traitements des infections fongiques résistantes

Afin de mieux comprendre ces infections fongiques résistantes, les chercheurs se penchent sur les interactions entre les protéines du système immunitaire humain et les champignons. Sarah Dellière explique : « Pour l’aspergillose, nous tentons d’identifier les protéines humaines favorisant l’infection, ainsi que celles participant à la lutte contre le champignon. Ces observations nourrissent des concepts de thérapies basées sur des molécules du système immunitaire, qui, étant naturelles, ne devraient pas entraîner de toxicité. »

Tout comme les bactéries, les champignons développent des résistances aux traitements en mutant, un phénomène accentué par le mésusage des antifongiques, notamment dans l’agriculture et l’horticulture pour protéger les cultures. Le changement climatique perturbe également la répartition mondiale des champignons, contribuant à l’émergence de nouvelles espèces ou de résistances.

Aujourd’hui, le choix d’antifongiques pour le traitement de ces infections reste limité en comparaison avec les antibiotiques. Le défi est de développer de nouveaux antifongiques non toxiques pour les humains, présentant peu d’effets secondaires. Pour relever ce défi, l’Institut Pasteur mène des recherches fondamentales sur un large éventail de sujets, notamment le diagnostic, la prévention et le traitement des infections fongiques, avec l’espoir de trouver des solutions plus efficaces et sûres pour l’avenir.

« Pour diversifier l’arsenal thérapeutique de lutte, d’autres pistes sont à l’étude. Nous travaillons sur les mycovirus qui infectent et détruisent les champignons. D’autres solutions sont explorées comme les immunothérapies dont l’objectif est de renforcer le système immunitaire des personnes présentant une déficience afin qu’elles luttent mieux contre l’infection fongique », explique Sarah Dellière.

Au sein de l’institut, les scientifiques se penchent avec détermination sur les mécanismes complexes des mycoses invasives et sur les moyens par lesquels ces champignons développent des résistances. Cette démarche essentielle nous ouvre la voie vers des solutions innovantes pour lutter efficacement contre ces envahisseurs fongiques.

 

Sophie Madoun