Plus de la moitié des adultes âgés de plus de 65 ans sont atteints d’au moins deux maladies chroniques. La multimorbidité, ou la présence de multiples affections chroniques chez la même personne, est un défi majeur de santé publique. Si la littérature scientifique a apporté les preuves cohérentes d’une association entre la durée du sommeil et le risque de développer différentes maladies chroniques comme les maladies cardiovasculaires et les cancers, aucune étude ne s’était intéressée jusqu’alors au lien entre le sommeil et la multimorbidité. Des chercheurs ont découvert que dormir peu augmenterait le risque de développer des maladies chroniques.
Nous passons un tiers de notre vie à dormir et l’importance du sommeil pour la santé n’est plus à démontrer. Il régule en effet plusieurs fonctions dont l’humeur, la cognition, le métabolisme ou encore l’immunité. De plus, plusieurs études scientifiques ont observé une association entre la durée du sommeil, qu’elle soit courte ou longue, et le développement d’une maladie chronique (comme l’apparition d’un cancer ou encore d’une maladie cardiovasculaire).
À mesure que les populations vieillissent, leurs habitudes de sommeil changent. Or on sait que plus de la moitié des adultes âgés de plus de 65 ans sont atteints d’au moins deux maladies chroniques. Si les recommandations actuelles[1] préconisent 7 à 8 heures de sommeil par nuit, la question de savoir si la durée du sommeil au milieu et à la fin de la vie augmente ou non le risque de multimorbidité n’a pas été étudiée.
Des scientifiques de l’Inserm et d’Université Paris Cité ont examiné comment la durée du sommeil est associée à l’évolution des maladies chroniques au cours du vieillissement. Ils ont pour cela utilisé les données de 7 000 britanniques collectées dans le cadre de l’étude Whitehall II[1] de l’University College London.
Les participants ont effectué une auto-évaluation de leur durée de sommeil à plusieurs reprises entre 1985 et 2019 ce qui a permis d’extraire des données sur la durée du sommeil à l’âge de 50, 60, et 70 ans pour chaque participant. Un groupe de participants (4 000 personnes) a également porté une montre connectée (ou à accéléromètre) pendant une semaine, ce qui a permis d’avoir une mesure précise de la durée de sommeil et de vérifier la précision des estimations. Ces données ont été croisées avec des informations sur l’état de santé des participants obtenues au cours de leur suivi[2] jusqu’en mars 2019.
Les chercheurs ont ainsi pu examiner le lien entre la durée du sommeil à différents âges, son évolution entre 50 et 70 ans, et le risque de survenue de multimorbidité. Ils ont également étudié plus spécifiquement le rôle de la durée du sommeil à l’âge de 50 ans dans le risque de transition d’un état sain vers une première maladie chronique, vers la multimorbidité et vers la mortalité.
Les résultats obtenus suggèrent d’abord qu’il existe une association robuste entre une courte durée de sommeil (inférieure ou égale à 5 heures) aux âges de 50, 60 et 70 ans et un risque plus élevé de multimorbidité de l’ordre de 30 à 40% en fonction de l’âge.
« L’ensemble de ces résultats soutiennent l’importance de la promotion d’une bonne hygiène du sommeil des populations. Pour cela, il est nécessaire de cibler les habitudes de vie et les conditions environnementales qui affectent la durée et la qualité du sommeil », explique Séverine Sabia, chercheuse Inserm et première auteure de l’étude.
[2] Les informations de santé sont obtenues grâce à des questionnaires ainsi qu’à des examens cliniques réalisés tous les 5 ans dans le cadre du suivi de la cohorte (examens sanguins et électrocardiogrammes). Elles sont complétées par des données électroniques de santé (accès par exemple au registre des hospitalisations).
2 Department of Epidemiology and Public Health, University College London, London, UK
3 Université Paris Cité, EA 7330 VIFASOM (Vigilance Fatigue Sommeil et Santé Publique), Paris, France
4 APHP, Hôtel-Dieu, Consultation de pathologie professionnelle Sommeil Vigilance et Travail, Centre du Sommeil et de la Vigilance, Paris, France
5 Clinicum, University of Helsinki, Helsinki, Finland
Plos Medicine, 18 octobre 2022
DOI : 10.1371/journal.pmed.1004109