Comment expliquons-nous les réponses immunitaires plus efficaces des femmes face aux hommes à certaines infections virales, en particulier les virus à ARN comme le SRAS-CoV-2 qui causent le Covid-19 ? Quelle est la différence immunitaire entre les femmes et les hommes ? Réponses.

Quelle est la différence immunitaire entre les femmes et les hommes ? Les manifestations de la réponse immunitaire à l’infection virale varient selon le sexe biologique : contre des virus comme la grippe, le VIH ou le SARS-CoV-2, qui cause le Covid-19, les femmes développent généralement une immunité plus efficace que les hommes.

Une grande partie des gènes de l’immunité se situe sur le chromosome sexuel X, présent en deux exemplaires chez les femmes, contre un seul chez les hommes.

Des recherches récentes suggèrent que les hormones (œstrogènes) et les chromosomes sexuels sont impliqués dans ces différences. L’expression des gènes sur le deuxième chromosome X est en grande partie supprimée, mais 15 à 23 % de ces gènes restent actifs, ils sont donc plus fortement exprimés chez les femmes que chez les hommes. Ce récepteur est présent dans les cellules immunitaires appelées « cellules dendritiques plasmocytoïdes[1] », leur permettant de reconnaître l’ARN viral et de déclencher l’immunité en sécrétant des molécules antivirales et immunomodulatrices (interférons de type I).

On pense que la capacité des cellules dendritiques plasmacytoïdes femelles à produire plus d’interférons de type I est l’une des raisons pour lesquelles elles ont montré une meilleure résistance au Covid-19 que les mâles.

Cependant, jusqu’à présent, les chercheurs ne savaient pas si cet « avantage immunitaire » persistait chez les femmes très âgées. ont étudié l’effet du sexe et de l’âge sur la production d’interféron alpha (IFN-α), une sous-classe d’interférons de type I, et ont tenté d’identifier les cellules responsables de cette production.

Une équipe de recherche de l’Institut toulousain des maladies infectieuses (Inserm/CNRS/Université Toulouse III – Paul Sabatier) menée par Jean-Charles Guéry, directeur de recherche Inserm, en collaboration avec l’équipe du professeur Antoine Blancher du CHU de Toulouse a souhaité savoir quelle est la différence immunitaire entre les femmes et les hommes.

Dans un groupe de 310 femmes et hommes en bonne santé âgés de 19 à 97 ans, les chercheurs ont mesuré la production d’IFN-γ suite à une stimulation avec des substances capables d’activer divers récepteurs immunitaires innés, tels que les récepteurs Toll. -7 et STING, exprimés par différentes cellules immunitaires dans le sang.

Les chercheurs ont observé que seules les cellules dendritiques plasmacytoïdes produisaient de l’IFN-α après stimulation spécifique du récepteur Toll-7. Parmi les sept molécules inflammatoires étudiées, l’IFN-α était la seule à montrer une différence de production liée au sexe : sa production restait significativement élevée chez les femelles lors de la stimulation du récepteur Toll-7.

Bien que le nombre de cellules dendritiques plasmacytoïdes diminue avec l’âge et soit plus prononcé chez les femmes, la sécrétion d’IFN-α reste très élevée chez les participantes, même chez les plus âgées (plus de 80 ans). En revanche, la production d’IFN-α associée à la stimulation du récepteur STING semble être indépendante du sexe, de l’âge ou du nombre de cellules dendritiques plasmacytoïdes. Cette production est liée à l’abondance d’autres cellules immunitaires, selon l’étude : les monocytes, dont le nombre dans le sang augmente passé 60 ans, en particulier chez les hommes.

«Ces résultats montrent pour la première fois que les monocytes sont la source prééminente de production d’IFN-α dans le sang, via l’activation du récepteur STING, suspecté d’être à l’origine de la production délétère car tardive d’interférons de type I dans l’infection Covid-19 ». Or, les interférons de type I sont en revanche clairement bénéfiques lorsqu’ils interviennent durant la phase précoce de l’infection, « comme ceux produits par les cellules dendritiques plasmacytoïdes via l’activation de Toll-7 » explique Jean-Charles Guéry.

C’est ainsi que la production d’IFN-α, avec la stimulation du récepteur Toll-7, contribuerait, même chez les femmes âgées à renforcer la résistance contre le SARS-Cov-2 et d’autres infections virales.

« Cependant, le fait que la différence de production d’IFN-α entre les sexes persiste avec l’âge et demeure plus importante chez les femmes bien au-delà de la ménopause, ne peut pas être expliqué par un effet des hormones sexuelles, et suggère un rôle clé des facteurs génétiques liés au chromosome X », ajoute Jean-Charles Guéry.

Ces travaux ouvrent ainsi la voie à de nouvelles pistes dans la recherche des gènes de l’immunité présents sur le chromosome X et susceptibles d’être surexprimés chez les femmes.

 

[1] Les cellules dendritiques plasmacytoïdes sont des cellules du système immunitaire inné circulant dans le sang, et présentes au niveau des tissus barrières comme les poumons. Elles assurent les premières lignes de défense contre les infections virales en produisant des interférons de type I.

INSERM