Face à la gravité de la pandémie liée au coronavirus et aux appels au confinement encore trop souvent pris à la légère par les Français, on peut se demander si la France ne devrait pas s’inspirer de la Corée du Sud et suivre par GPS les personnes infectées via leur smartphone. Alors, faut-il traquer les français via leur smartphone? Mais qu’en est-il de nos libertés? Comment ce système pourrait-être mis en place sans que nous soyons traqués? Éléments de réponse.
L’Inserm s’est associé à Orange pour étudier l’impact du confinement sur la mobilité des populations et pour analyser la manière dont l’usage des données agrégées issues des téléphones mobiles pourrait permettre de mieux prédire l’évolution de la pandémie de Covid-19. “Nous n’allons pas nous intéresser aux déplacements d’un individu particulier, en regardant comment il a bougé et où. Nous allons plutôt analyser des données quantitatives anonymisées qui rendent compte de la mobilité entre zones géographiques grâce à la localisation des antennes relais qui gèrent le signal de communication (appel, texte), qui font état du nombre de déplacements effectués d’un canton à l’autre en France”, explique le chercheur Inserm Eugenio Valdano, qui travaille sur le projet avec Vittoria Colizza celle-ci collabore depuis plusieurs années avec Orange pour étudier les liens entre la mobilité des populations et la diffusion de bon nombre de maladies, principalement en Afrique.
Mobilité et propagation de la pandémie
Dans cette étude, les données fournies par Orange seront utilisées de deux manières.
- Dans un premier temps, Vittoria Colizza et ses collègues vont analyser la mobilité avant et après le confinement. Ils s’intéresseront notamment aux changements spontanés dans la mobilité des personnes, apparus avant même la mise en place du confinement. L’objectif est de mieux appréhender comment les personnes changent elles-mêmes leurs comportements en réponse à une épidémie. Par ailleurs, l’étude des données de mobilité enregistrées suite au confinement permettra de mieux comprendre l’impact de celui-ci sur l’évolution de la pandémie, et d’évaluer la manière dont il est respecté par la population.
- Dans un second temps, les données seront aussi intégrées dans des modèles de diffusion de la pandémie développés par l’équipe, afin de mieux prévoir la propagation du virus en tenant compte de la mobilité des personnes mais aussi d’identifier les régions à risque de devenir un foyer épidémique et de modéliser l’impact sur le système sanitaire. “Disposer de ces données est très important afin de mieux conseiller les décideurs publics sur la manière dont ils doivent allouer les ressources de santé et pour les informer sur les régions les plus vulnérables”, souligne Eugenio Valdano.
Alors que de tels travaux peuvent habituellement prendre plusieurs mois à être réalisés, les premiers résultats de cette étude devraient être connus dans les prochaines semaines, tenant compte de l’urgence liée à l’évolution rapide de la pandémie.
Traquer les francais via leur smartphone, un risque pour la liberté?
Coronavirus : faut-il traquer les Français via leur smartphone ? Entre questions éthiques et libertés individuelles d’un côté, hôpitaux saturés et centaines de morts de l’autre, la question de prendre des mesures encore plus drastiques semble se poser naturellement. Voici l’avis de Ramzi Larbi, spécialiste en intelligence artificielle.
Le système de suivi par Smartphone est-il efficace ?
Dans quelle mesure pourrait-il être mis en place en France ?
Quels seraient les objectifs poursuivis ?
faut-il traquer les Français via leur smartphone? Quelles en seraient ses limites ?
Coronavirus : faut-il traquer les Français via leur smartphone ? Les recommandations de l’Académie Nationale de Médecine
Plusieurs conditions d’ordre éthique et juridique devront alors impérativement être garanties :
- une large communication devra précéder la mise en œuvre de ce dispositif, avec une information précise, factuelle, compréhensible par tous et loyale sur les systèmes d’information mis en place et le circuit de transmission des données nominatives ;
- il devra être possible pour toute personne informée de son infection Covid-19 de s’opposer à la transmission des informations le concernant, sans que ce choix n’ait de conséquence sur sa propre prise en charge médicale ;
- toutes les données transmises pour exploitation devront se limiter strictement à ce qui sera nécessaire pour la lutte contre l’épidémie et être protégées par un code d’anonymat ;
- les autorités et les salariés ayant accès à ces informations seront précisément listés, chacune de ces personnes n’ayant accès qu’aux seules données utiles à son intervention ;
- toute personne entrant ainsi en possession d’informations nominatives sur les patients infectés sera tenue au plus strict respect du secret professionnel ;
- les systèmes d’information créés devront être hautement protégés et fonctionner pendant une durée limitée, ne devant en aucun cas excéder le temps nécessaire à la lutte contre l’épidémie ; un terme maximum devra être énoncé ;
- toutes mesures devront être prises afin qu’aucune des données nominatives ainsi collectées ne soit conservée après ce terme.
Sous réserve du respect absolu de ces 7 prérequis, l’Académie nationale de Médecine :
– donne un avis favorable à la mise en place temporaire d’un système d’information et à l’adaptation temporaire de systèmes d’information existants, visant au contrôle de l’épidémie de Covid-19 ;
– recommande une évaluation en cours et terminale pour vérifier la stricte observation de ces sept conditions et pour s’assurer que le caractère temporaire de cette autorisation, fixé par une date butoir, a évité toute pérennisation.
[1] Sénat, Projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions, n° 414, 2 mai 2020