Selon une étude française publiée dans le New England Journal of Medicine, l’aspirine serait nocive à long terme chez les patients cardiaques sous anticoagulant.
Selon une étude française publiée dans la prestigieuse revue New England Journal of Medicine, l’aspirine, pourtant réputée pour protéger le cœur, pourrait au contraire être nocive chez certaines personnes.
Les chercheurs ont montré qu’associée à un traitement anticoagulant, elle augmente le risque d’hémorragies graves sans offrir de protection supplémentaire contre les accidents cardiaques.
Autrement dit, dans certains cas, l’aspirine serait mauvaise pour le cœur.
Pourquoi l’aspirine peut devenir dangereuse chez les personnes cardiaques ?
L’aspirine agit sur les plaquettes du sang pour éviter qu’elles ne s’agglutinent et ne forment des caillots. C’est pour cela qu’elle est prescrite à faible dose à des millions de patients dans le monde. Mais tout dépend du contexte médical.
Lorsqu’une personne prend déjà un anticoagulant, qui fluidifie lui aussi le sang, la combinaison des deux traitements accentue le risque de saignement, notamment au niveau du tube digestif ou du cerveau.
« L’aspirine n’apporte pas de protection supplémentaire et augmente le risque d’hémorragies graves », explique le Pr Guillaume Cayla, cardiologue au CHU de Nîmes.
Cette situation est fréquente chez les personnes souffrant d’une maladie coronaire chronique, anciennement appelée “angine de poitrine stable”. Ces patients sont souvent sous anticoagulant à cause d’un trouble du rythme cardiaque, comme la fibrillation auriculaire.
Faut-il continuer le Kardégic quand on prend un anticoagulant ?
Le Kardégic est l’un des médicaments les plus connus contenant de l’aspirine à faible dose (entre 75 mg et 160 mg). Il est souvent prescrit à vie après un infarctus ou un pontage pour prévenir la formation de caillots. Ce traitement reste efficace et sûr lorsqu’il est pris seul, sous contrôle médical.
Cependant, quand un anticoagulant est ajouté, le sang devient trop fluide, et l’organisme n’a plus la capacité d’arrêter un saignement naturellement. C’est ce déséquilibre qui rend l’association dangereuse.
« Le pronostic des patients traités uniquement par anticoagulant est meilleur à long terme », souligne le Pr Martine Gilard, cardiologue au CHU de Brest.
Autrement dit, le Kardégic n’est pas dangereux en soi, mais il doit être utilisé avec discernement. Il n’a plus d’intérêt lorsque le patient reçoit déjà un anticoagulant, sauf cas exceptionnels évalués par un cardiologue.
Des chercheurs français à l’origine d’une découverte majeure
Cette étude a été menée conjointement par les CHU de Brest, Lille et Nîmes, auprès de près de 900 patients suivis pendant deux ans. Tous étaient atteints d’une maladie coronaire chronique et sous traitement anticoagulant.
Les résultats ont été si convaincants que l’étude a été arrêtée avant son terme, car l’ajout d’aspirine ne réduisait pas les récidives cardiaques et augmentait les hémorragies graves.
« C’est un vrai tournant thérapeutique : pour de nombreux malades, moins de médicaments signifie plus de sécurité », ajoute le Pr Gilles Lemesle, cardiologue au CHU de Lille.
Les chercheurs estiment que ces résultats vont influencer les futures recommandations internationales en cardiologie. L’objectif est clair : réduire les traitements inutiles et dangereux chez les patients déjà bien protégés par leur anticoagulant.
Aspirine et anticoagulant : deux mécanismes différents
Même s’ils semblent avoir le même rôle, ces deux types de médicaments agissent différemment.
L’aspirine agit sur les plaquettes, empêchant leur agrégation.
Les anticoagulants, eux, bloquent la coagulation, en inhibant certaines protéines du sang responsables de la formation des caillots.
Pris séparément, ils sont essentiels dans la prévention des maladies cardiovasculaires. Mais combinés, ils peuvent déséquilibrer le système et exposer à un risque hémorragique majeur.
Un enjeu de santé publique
En France, environ 1,5 million de personnes vivent avec une maladie coronarienne chronique et près de la moitié ont plus de 75 ans.
Les maladies cardiovasculaires demeurent la première cause de mortalité dans le monde.
Cette découverte française pourrait ainsi prévenir des milliers d’hémorragies graves chaque année et améliorer considérablement la sécurité des patients cardiaques.
Ce qu’il faut retenir
L’aspirine, même faiblement dosée, peut être dangereuse pour le cœur lorsqu’elle est associée à un anticoagulant.
Cette combinaison augmente le risque de saignements sans bénéfice démontré sur la protection cardiaque.
Les cardiologues recommandent donc de réévaluer régulièrement les prescriptions et de ne jamais cumuler ces traitements sans avis médical.
L’aspirine garde toute son utilité dans certains cas, mais son usage doit être adapté à chaque patient.
« L’enjeu, c’est d’individualiser les traitements. Ce qui était bénéfique hier peut devenir risqué aujourd’hui si l’on ne tient pas compte des nouvelles données », conclut le Pr Guillaume Cayla.
Vous aimerez aussi