France Assos Santé et le Collectif ALERTE font état de leurs préoccupations concernant la dégradation de la santé des personnes en situation de précarité et la multiplication des zones de non-droit. À chaque étape de la crise sanitaire du COVID-19, leurs conditions de vie, déjà difficiles, se détériorent encore davantage avec des conséquences souvent dramatiques pour leur santé. À l’aube du déconfinement, et parce que les manquements de l’État se sont accumulés, nous appelons à des mesures d’urgence pour que certaines populations ne soient pas reléguées hors du système de santé.
Des foyers de contamination perdurent et sont susceptibles d’entretenir la pandémie, a fortiori après le déconfinement ! Sans surprise et de façon intolérable, la crise sanitaire et économique a renforcé les inégalités sociales de santé et en a produit de nouvelles qu’il faut anticiper.
Celles et ceux qui vivent sans ressources, sans logement ou mal-logés, sans papiers, exposés du fait de leurs consommations, sans accès aux besoins essentiels et aux droits fondamentaux, ceux qui devraient attendre de notre société protection et solidarité voient leurs conditions de vie se dégrader encore davantage. Les associations constatent de multiples freins dans l’accès ou le renoncement aux soins et une aggravation de l’état de santé pour nombre d’entre eux : qu’il s’agisse de pertes de chance, d’augmentation du nombre de décès – notamment dans la rue -, de malnutrition.
L’aide alimentaire pour les plus démunis : les actions du gouvernement
Face à une situation sanitaire exceptionnelle, le Gouvernement est entièrement mobilisé pour qu’à la crise épidémique ne s’ajoutent pas des drames sociaux. A la demande du Président de la république et en coordination avec les associations de lutte contre la précarité, le ministère des Solidarités et de la Santé met en œuvre les mesures nécessaires pour que la Solidarité nationale continue de protéger nos concitoyens les plus vulnérables.
C’est pourquoi les décisions suivantes ont été prises :
- Les préfets, avec l’appui des commissaires à la lutte contre la pauvreté, sont chargés de coordonner la poursuite des activités de distribution alimentaire avec les collectivités locales – en particuliers les services sociaux des Mairies (centre communaux d’action sociale), les agences régionales de santé, les associations et acteurs privés (grande distribution, agro-alimentaire, agriculteurs) pouvant apporter leur concours.
- Les dons et la collecte de denrées alimentaires sont élargis à titre exceptionnel à toutes les associations et non plus aux seules associations habilitées au titre de l’aide alimentaire. Les contrôles seront levés tant que durera l’épidémie.
- L’État se charge de coordonner au niveau national et au niveau déconcentré la mise à disposition des stocks proposés par une série de nouveaux donateurs : CROUS, restaurateurs, industriels, cuisines centrales, … Les moyens habituellement mobilisés par l’État via le FEAD et les crédits pour les épiceries sociales sont évidemment maintenus pendant la crise (30% des volumes de l’aide alimentaire).
- L’ensemble des structures mobilisées devront veiller au respect strict des consignes sanitaires et de sécurité, pour protéger autant les bénéficiaires que les bénévoles et le personnel. Les modalités de distribution pourront à ce titre être adaptées, notamment en allongeant les créneaux d’ouverture, en utilisant dans la mesure du possible des locaux plus grands et en prévoyant la préparation à l’avance de colis pour diminuer le temps de présence sur place. Les actions de distribution bénéficieront de dérogations aux mesures de restriction à la circulation.
- Pour soutenir l’activité des associations et des structures d’aide alimentaire, le Gouvernement et les associations ont appelé à la mobilisation bénévole des Français. Sur jeveuxaider.gouv.fr, toute personne qui souhaite se porter volontaire pour intégrer la réserve civique et participer aux distributions d’aide alimentaire proche de chez elle. La mobilisation de la réserve sociale à travers les étudiants en travail social volontaires viendra également soutenir l’activité des associations et des structures sociales.
- Les dispositifs de soutien à l’activité des entreprises mises en place de façon exceptionnelle par le Gouvernement seront aussi ouverts aux associations et notamment aux associations d’aide alimentaire.
- Une surveillance accrue des lieux de stockage des denrées est également demandée aux préfets pour éviter toute recrudescence des actes de vol.
- Les Caisses d’allocations familiales pourront par ailleurs débloquer pour les familles qui en font la demande une aide financière individuelle d’urgence, leur permettant de subvenir à leurs besoins.
Aidons les personnes les plus fragiles à se soigner
La santé des personnes en situation de précarité est en danger. Et la situation alarmante, souvent liée à des défaillances du service public : l’accès aux droits est difficile faute de continuité des services publics en présentiel, de capacité de ces populations à faire des démarches, notamment numériques, multipliant les points de rupture dans les parcours de santé.
La santé des personnes en situation de précarité : une double peine pour des personnes dont les effets du confinement sont déjà décuplés par des conditions de vie pathogènes.
Alors que les remontées de terrain s’accumulent et face au manque criant de données objectives, France Assos Santé et le collectif ALERTE font part de leurs plus vives inquiétudes quant à la dégradation de l’accès aux soins et à la santé des plus précaires ! Tandis que le déconfinement s’organise, nous appelons les pouvoirs publics à agir de toute urgence :
• En garantissant (enfin) l’accès aux droits pour les personnes en situation de vulnérabilité sociale
L’accès aux droits et à la santé doit être simplifié et amélioré, quel que soit le statut administratif des personnes, notamment en maintenant les facilités mises en place pendant la crise du COVID-19 (demandes d’asile, Aide Médicale d’État, Complémentaire Santé Solidaire, Puma etc..), et en accélérant le traitement des dossiers. Il est également indispensable de revenir sur les mesures prises fin 2019, visant à restreindre l’accès à l’AME et l’accès à la PUMA des demandeurs d’asile. Elles ne sont pas compatibles avec les impératifs de santé publique, soulignés aujourd’hui par la crise sanitaire.
Les personnes doivent pouvoir bénéficier d’un plan global de soutien financier et d’un recours facilité aux équipes de soins et de suivi.
Enfin, une plateforme médico-sociale doit être mise en place afin de leur proposer un dépistage, les informer sur leurs droits, les aider dans leurs démarches, centraliser les dossiers.
La médiation en santé doit être développée pour y contribuer.
• En instaurant une stratégie globale et massive de dépistage en direction des personnes en situation de précarité et vulnérabilité, et pas seulement auprès de celles qui ont été mises à l’abri ou hébergées en centres collectifs, et en mettant à leur disposition des masques gratuitement
• En reconnaissant le rôle des associations qui pallient les manquements de l’État
La reconnaissance du rôle majeur des associations dans la gestion de la crise auprès de ces publics vulnérables impose la consultation systématique de celles-ci lors des prises de décision car comme nous le voyons la santé des personnes en situation de précarité est délétère. Il faut faciliter et soutenir leurs actions, en accordant les financements nécessaires afin qu’elles puissent accompagner, faire le lien, « aller vers », assurer une information adaptée, indispensable à un déconfinement progressif. Pour les collectivités territoriales et l’État, il est urgent de capitaliser les expériences associatives afin de construire un plan de prévention en amont de toute crise (construire et assurer la mise en œuvre des réponses aux besoins fondamentaux).
• En mettant un terme à toutes les formes de discriminations liées à la situation de crise
La prise en charge de la santé des individus sur notre sol en ces temps de pandémie doit éthiquement être égalitaire, non discriminante, retrouvant les principes de notre humanité première.