Les conséquences dévastatrices de l’été 2022 en Europe marqué par des vagues de chaleur record a entrainé près de 61 000 décès, dont 5 000 en France. Ils sont  attribués à cette canicule sans précédent. Plongez dans les résultats choquants d’une étude scientifique révélant l’urgence d’agir face à cette menace croissante.

L’été 2022 restera gravé dans les mémoires en Europe, non seulement en raison de ses températures torrides, mais aussi de ses conséquences tragiques. Une récente étude menée par des chercheurs de renom dévoile les chiffres alarmants : plus de 61 000 décès ont été enregistrés, avec près de 5 000 en France, tous attribués à la chaleur extrême. Plongeons dans les détails de cette période marquée par des vagues de chaleur sans précédent, des incendies dévastateurs et des records de sécheresse.

Les chiffres choquants : plus de 61 000 décès en Europe, 5 000 en France

L’été 2022 a été le plus chaud jamais enregistré en Europe, caractérisé par une intense série de vagues de chaleur qui ont battu des records de température, de sécheresse et d’incendies de forêt. Bien qu’Eurostat avait déjà fait état d’une surmortalité inhabituellement élevée pour ces dates, la fraction de la mortalité attribuable à la chaleur n’avait pas été jusqu’à présent quantifiée. C’est précisément ce qu’a fait une étude menée par des scientifiques de l’Inserm et de l’Institut de Barcelone pour la Santé Globale (ISGlobal). Leur analyse estime qu’entre le 30 mai et le 4 septembre 2022, il y aurait eu 61 672 décès attribuables à la chaleur en Europe. Ces résultats suggèrent que les stratégies d’adaptation à la canicule dont nous disposons aujourd’hui pourraient encore être insuffisantes.

Une étude révélatrice : les conséquences dévastatrices de l’été 2022

En 2003, l’Europe a connu l’une des plus grandes canicules de son histoire, qui a causé plus de 70 00 décès. Depuis, des stratégies d’adaptation ont été développées pour tenter de réagir rapidement en cas de forte chaleur et pour protéger les populations les plus vulnérables. Alors que les épisodes de canicules ne cessent de se multiplier ces dernières années, et qu’il est estimé que leur nombre pourrait doubler d’ici 2050, il est crucial de mieux caractériser la mortalité associée et d’évaluer l’efficacité des stratégies mises en place.

Alors que l’été 2022 a été le plus chaud jamais enregistré en Europe, des scientifiques de l’Inserm au sein de l’UMS France Cohortes[1] et de l’Institut de Barcelone pour la Santé Globale se sont donc intéressés au nombre de décès liés à la chaleur sur cette période.

L’équipe de recherche a obtenu des données de température et de mortalité pour la période 2015-2022 dans 823 régions de 35 pays européens, regroupant une population totale de plus de 543 millions de personnes. Ces données ont été utilisées pour estimer des modèles épidémiologiques permettant de prédire la mortalité attribuable aux températures pour chaque région et semaine de la période estivale.

Les registres révèlent d’abord que les températures étaient supérieures à la moyenne durant toutes les semaines de la période estivale. La plus grande anomalie thermique a été enregistrée entre le 11 juillet et le 14 août, période durant laquelle, selon les chercheurs, la mortalité due à la chaleur a causé 38 881 décès. Dans cette période, il y a eu une vague de chaleur paneuropéenne plus particulièrement intense, située entre le 18 et le 24 juillet, à laquelle un total de 11 637 décès sont attribués à l’excès de chaleur. Au total, l’analyse révèle qu’entre le 30 mai et le 4 septembre 2022, il y aurait eu 61 672 décès attribuables à la chaleur en Europe.

La France est le pays qui a enregistré la plus forte augmentation de température par rapport aux moyennes de saison, avec +2,43ºC au-dessus des valeurs moyennes de la période 1991-2020, suivie de la Suisse (+2,30ºC), Italie (+2,28 ºC), Hongrie (+2,13 ºC) et l’Espagne (+2,11 ºC).

Des analyses par pays, âge et sexe

A partir des modèles épidémiologiques qu’ils ont construits, intégrant les données sur la température et sur le nombre de décès[2], les scientifiques ont également pu proposer une analyse par pays. Ils ont ainsi montré qu’en termes absolus, le pays avec le plus grand nombre de décès attribuables à la chaleur tout au long de l’été 2022 a été l’Italie, avec un total de 18 010 décès, suivi de l’Espagne (11 324) et de l’Allemagne (8 173). La France arrive en 4e position, avec 4807 décès liés à la chaleur[3].

Mortalité attribuable au record de chaleur de l’été 2022 : les femmes plus touchées

Au-delà de l’estimation du nombre de décès imputables à la chaleur, l’étude a également inclus une analyse en fonction de l’âge et du sexe. A l’échelle de l’Europe, les résultats mettent en lumière une augmentation très marquée de la mortalité dans les tranches d’âge supérieures. La grande majorité des décès de l’été 2022 avec son record de chaleur se concentre dans la tranche d’âge des 80 ans et plus.

Concernant l’analyse par sexe, les données indiquent que la mortalité prématurée attribuable au record de chaleur de l’été 2022 était 63% plus élevée chez les femmes que chez les hommes. Cette plus grande vulnérabilité des femmes à la chaleur s’observe dans l’ensemble de la population et, surtout, chez les plus de 80 ans, où le taux de mortalité est supérieur de 27 % à celui des hommes. En revanche, le taux de mortalité masculine est 41 % plus élevé chez les moins de 65 ans et 13 % plus élevé entre 65 et 79 ans.

Pour l’équipe de recherche, ces résultats devraient nous inciter à agir pour mettre en place des mesures de prévention et de protection plus robustes. En effet, le fait que de nombreux pays disposaient déjà de plans de prévention actifs, contrairement à 2003, suggère que les stratégies d’adaptation dont nous disposons aujourd’hui pourraient encore être insuffisantes.

« L’accélération du réchauffement observée au cours des dix dernières années souligne l’urgence de réévaluer et de renforcer en profondeur les plans de prévention, en accordant une attention particulière aux différences entre les pays et les régions d’Europe, ainsi qu’aux écarts d’âge et de sexe, qui marquent actuellement les différences de vulnérabilité à la chaleur« , explique Hicham Achebak, chercheur à l’Inserm et dernier auteur de l’étude.

L’Europe, en proie à un réchauffement sans précédent, dépasse d’un degré Celsius la moyenne mondiale. Les projections de l’équipe laissent entendre que si aucune mesure d’adaptation efficace n’est prise, le continent devra faire face à une hausse alarmante du nombre de décès estivaux : plus de 68 000 supplémentaires d’ici 2030, puis plus de 94 000 d’ici 2040.

Sources :

Heat-related mortality in Europe during the summer of 2022

Joan Ballester 1 , Marcos Quijal-Zamorano1,2, Raúl Fernando Méndez Turrubiates1, Ferran Pegenaute1, François R. Herrmann3,4, Jean Marie Robine 5,6,7, Xavier Basagaña 1,2,8, Cathryn Tonne1,2,8, Josep M. Antó1,2,8,9 & Hicham Achebak1,10

1 ISGlobal, Barcelona, Spain.
2 Universitat Pompeu Fabra, Barcelona, Spain.
3 Medical School of the University of Geneva, Geneva, Switzerland.
4 Division of Geriatrics, Department of Rehabilitation and Geriatrics, Geneva University Hospitals, Thônex, Switzerland.
5 Molecular Mechanisms in Neurodegenerative Dementia, University of Montpellier, Montpellier, France.
6 École Pratique des Hautes Études, Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale, Montpellier, France.

7 PSL Research University, Paris, France.
8 CIBER Epidemiología y Salud Pública, Barcelona, Spain.
9 Hospital del Mar Medical Research Institute, Barcelona, Spain.
10 Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale, France Cohortes, Paris, France

 

L’étude complète est publiée dans la revue Nature Medicine le 10 juillet 2023 : Nature Medicine : https://www.nature.com/articles/s41591-023-02419-z

 

INSERM