Les efforts menés en 2021 par le gouvernement et les industriels ont porté leurs fruits et permis d’améliorer l’attractivité de la France pour la recherche clinique. Malheureusement, le contexte actuel de régulation extrêmement pénalisant pour l’industrie pharmaceutique risque de remettre en cause les progrès observés.
Chaque année, le Leem dresse un état des lieux des essais cliniques initiés par les industriels sur le sol français et permet de positionner la France au sein de la compétition internationale. Cette 12e édition de l’enquête « Attractivité de la France pour la recherche clinique », menée sur l’année 2021, rapporte des résultats encourageants.
La France, dans le trio de tête européen
La dynamique enclenchée par la mise en œuvre du plan Innovation Santé 2030 – pour « faire de la France un leader en Europe sur les essais cliniques » – s’observe dans les chiffres. La France se positionne dans le trio de tête des essais cliniques réalisés chez les patients, toutes pathologies confondues avec une participation à 13 % des essais internationaux (au même niveau que l’Allemagne, et derrière l’Espagne). Avec 170 essais initiés sur le territoire français en 2021, elle se distingue particulièrement dans le domaine de l’oncologie, notamment pour les essais de phases précoces.
En outre, les actions mises en place ont permis de réduire de façon substantielle les délais d’autorisation des essais cliniques (20 jours de moins), accélérant ainsi leur démarrage en France (176 jours pour inclure le premier patient versus 204 jours avant le COVID-19).
Mais la compétition au sein de l’Europe reste forte. L’enquête montre que plus de 300 essais internationaux n’ont pas associé la France alors qu’ils étaient implantés chez nos principaux voisins européens.
Des progrès cependant menacés par un contexte devenu défavorable
Le contexte national actuel pourrait toutefois fragiliser cette embellie. En effet, l’attractivité d’un territoire pour la recherche clinique ne se résume pas à la qualité intrinsèque de l’écosystème de recherche du pays ou aux seuls délais d’autorisation. Elle résulte également d’une politique globale, tenant compte de multiples paramètres. Ainsi, les efforts du CSIS ne suffiront malheureusement pas à contrebalancer un projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2023 qui va considérablement dégrader l’attractivité du territoire pour les entreprises de recherche et d’innovation.
« Si nous ne sommes pas en mesure d’attirer la recherche clinique sur notre territoire, c’est l’accès des patients aux innovations qui sera en danger. Mais aussi l’ensemble de la chaîne de valeur du médicament à commencer par les activités de production, explique Thierry Hulot, président du Leem. C’est particulièrement vrai avec les nouveaux médicaments issus des sciences du vivant pour lesquels le développement et la production industrielle sont de plus en plus liés ».
Une Europe en perte de vitesse
L’Europe elle-même est en déclin, prise en tenaille entre les États-Unis et l’Asie qui poursuit sa progression spectaculaire année après année (participation à 41 % des essais en 2021 vs 27 % en 2017).
La fédération européenne des industries pharmaceutiques, l’EFPIA, a publié le 7 novembre 2022 un rapport réalisé par Charles River Associates sur l’attractivité de l’Europe. Il confirme ce recul, avec une part de l’Europe dans l’activité mondiale des essais cliniques sur les médicaments innovants tombée à 19% en 2020, alors qu’elle était de 25% en moyenne au cours des 10 dernières années. Dans le même temps, les dépenses américaines de recherche et développement ont bondi, si bien qu’elles dépassent désormais de 20 milliards de dollars celles de l’Europe, alors qu’en 2002, l’Europe n’était distancée que de 2 milliards de dollars.
Le règlement européen sur la recherche, qui sera effectif au 31 janvier 2023, accompagné d’un plan d’action de l’Agence européenne du médicament, devraient permettre d’harmoniser les pratiques et de faciliter ainsi la réalisation des essais cliniques sur notre continent.
« Le Leem suit ces évolutions avec attention car la place de l’Europe au niveau mondial, tout comme celle de la France en Europe, se jouent maintenant. Si nous prenons davantage de retard, il sera difficile, pour ne pas dire impossible, de le rattraper » conclut Thierry Hulot, le Président du LEEM.