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Vous pensez peut-être que votre attention n’est en aucun cas altérée si vous téléphonez et conduisez en même temps ? Vous faites donc partie de près d’un conducteur européen sur deux1 à téléphoner au volant sans crainte. Grave erreur dont vous trouverez explications et attitude à adopter ci-après.

 

 

La Fondation Vinci Autoroutes publie les résultats d’une étude scientifique inédite, réalisée dans le cadre de son programme de recherche dédié à la prévention de l’hypovigilance et de la somnolence au volant.

Ce travail de recherche, réalisé pour partie sur le réseau autoroutier en conditions réelles, auprès de 3 500 conducteurs, et pour partie sur simulateur en laboratoire, a été mené par le Centre d’investigations neurocognitives et neurophysiologiques de l’Université de Strasbourg (Ci2N).

Il permet de mesurer les effets des conversations téléphoniques sur les capacités attentionnelles des conducteurs, en faisant apparaître une détérioration de la conscience de l’environnement routier, ainsi qu’un impact délétère sur la bonne exécution des tâches de conduite.

  • Diminution de 30% des informations enregistrées par le cerveau
  • Réduction de 50% de l’exploration visuelle de la scène routière
  • Allongement des temps de réaction (+100 mètres à 130 km/h)
  • Maîtrise plus aléatoire des dépassements et des trajectoires

Une dégradation importante de la conscience de l’environnement routier

L’expérience menée sur le réseau autoroutier consistait à confronter les conducteurs à des images d’événements ou d’objets (panneaux d’information lumineux ou touristiques, véhicules de service à l’arrêt, monuments…) jalonnant les 50 derniers kilomètres parcourus, et à des « événements-leurres » qui n’étaient pas présents sur leur trajet. Les automobilistes devaient indiquer s’ils avaient – ou non – vu ces éléments au cours de leur trajet.

Une altération de l’attention

Les résultats montrent que les personnes qui téléphonent en conduisant, avec ou sans kit mains libres2, enregistrent 30% d’informations en moins, tous types d’évènements routiers confondus, que celles qui ne téléphonent pas.

Cette dégradation de la conscience de l’environnement routier peut aller jusqu’à 50% lorsque les informations demandent une attention plus soutenue, par exemple pour lire un message sur un panneau lumineux.

L’altération des capacités d’attention et de mémorisation est encore plus marquée lorsque le conducteur se trouve confronté à un « événement-leurre » : 40% des automobilistes téléphonant au volant pensent en effet l’avoir vu, contre seulement 9% des automobilistes qui ne téléphonent pas.

Comme l’explique le professeur André Dufour, directeur du Ci2N et pilote de l’étude, « affirmer qu’un évènement qui n’existe pas a été vu est révélateur d’une perception très vague de l’environnement routier, résultant d’un processus d’encodage aléatoire du cerveau».

Téléphoner en conduisant présente nettement plus de risque que de parler avec son passager

 

Plusieurs indicateurs relevés par l’étude menée en laboratoire permettent de mesurer précisément la dégradation de l’attention et des performances de conduite induite par une conversation téléphonique. 1

Aucune différence de performance au test n’a pu être mise en évidence entre l’utilisation du bluetooth, de l’oreillette, du haut-parleur du téléphone ou du téléphone tenu contre l’oreille.

– Les mouvements horizontaux des yeux, se trouve significativement réduite (-50% par rapport à la conversation avec un passager ou en l’absence de conversation). Ce déficit majeur de prise d’information visuelle explique le rétrécissement du champ visuel, observé dans d’autres étude3

– Les conversations téléphoniques ont également un impact négatif sur la bonne exécution des tâches élémentaires de conduite, qui se trouvent perturbées :

– le temps passé sur la voie de dépassement est sensiblement plus important, en raison d’une vitesse moyenne plus faible (-7 km/h en moyenne par rapport à la conversation avec un passager, et -15 km/h par rapport à la conduite sans conversation) et de rabattements moins fréquents (-50% par rapport à la situation de contrôle) ;

– la variation de la trajectoire du véhicule, très sensible à des baisses d’attention liées à une distraction ou à une diminution du niveau d’éveil, est plus importante (+20% par rapport à la conversation avec un passager ou sans conversation) ;

– la capacité de réaction se trouve également sensiblement amoindrie ; ainsi, à 130 km/h la distance de décélération lorsque survient un événement se trouve allongée en moyenne de 100 mètres (soit +33%) par rapport à la situation sans conversation, et de 70 mètres (soit +23%) par rapport à la situation de conversation avec un passager.

– Enfin, l’examen du débit de la conversation fait apparaitre que le temps de latence entre les questions posées par l’interlocuteur et la réponse apportée par le conducteur est sensiblement plus court (-12%) en cas de conversation téléphonique, signe que le conducteur est plus distrait par la conversation lorsque son interlocuteur n’est pas présent avec lui dans le véhicule et ne partage donc pas sa vision de la route.

 

Des réflexes simples pour éviter de se mettre en danger

« L’omniprésence des téléphones portables dans la vie quotidienne s’accompagne d’un manque d’autorégulation de la part de leurs utilisateurs, y compris dans des situations où cela risque de les mettre en danger », analyse Bernadette Moreau, Déléguée générale de la Fondation Vinci Autoroutes, commanditaire de l’étude.

« La recherche constante d’optimisation du temps, y compris pendant les déplacements, amène de nombreux conducteurs à effectuer au volant des tâches qui n’ont rien à voir avec la conduite, voire qui la perturbent. C’est le cas des conversations téléphoniques, qu’elles soient effectuées avec ou sans kit mains libres ».

 

Face à cette pratique aujourd’hui répandue, quelques réflexes simples méritent d’être adoptés par les conducteurs :

anticiper, mieux s’organiser, s’arrêter : téléphoner avant de prendre la route, lors des pauses, ou passer le volant à un tiers lorsque c’est possible ;

informer ses interlocuteurs : avant le départ, activer un message vocal indiquant l’impossibilité de décrocher en cas d’appel ;

protéger ses interlocuteurs : lorsque la personne appelée se trouve en situation de conduite lui proposer systématiquement de la rappeler ;

– en dernier ressort, lorsque la conversation téléphonique est absolument nécessaire, réduire au maximum sa durée.

Méthodologie de l’étude en conditions réelles : perception de la route

L’étude a été réalisée sur une aire de services de l’autoroute

A11, entre Paris et Chartres. Les 3 500 conducteurs interrogés ont été invités à répondre à un test de reconnaissance d’événements (panneaux, monuments, véhicules) qui se trouvaient sur le tronçon de 50 km précédant le lieu de l’enquête. Les réponses proposées contenaient à la fois des événements réels, qui se trouvaient effectivement sur le trajet des répondants, et des scènes prises sur un autre axe routier (leurres). A chaque question, les personnes interrogées devaient indiquer le degré de certitude de leur réponse. Trois sous-tests permettaient d’évaluer les capacités de mémorisation 3

Expertise collective Inserm/Ifsttar « Téléphone et sécurité routière » – 2011