Le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) a publié un avis mercredi 29 mars pour lutter contre les violences gynécologiques, stipulant que les examens gynécologiques et intimes doivent être réalisés avec précaution et tact à chaque étape de la consultation, et que le consentement ne doit plus être présumé ou tacite.
Voici les recommandations du Comité d’éthique pour lutter contre les violences gynécologiques de la part des gynécologues-obstétriciens, de sages-femmes au sein d’un cabinet privé ou d’un hôpital.
Les violences gynécologiques c’est quoi ?
Le fait de commettre des violences obstétricales et gynécologiques se produit lorsqu’un professionnel de la santé adopte un comportement ou une pratique qui n’est pas médicalement justifié ou consenti par la patiente. Cela peut se produire avec un chirurgien ou un gynéco pendant des procédures telles qu’un avortement, une fécondation in vitro, un examen de grossesse ou un accouchement, et peut prendre différentes formes, telles que des violences physiques, psychologiques ou verbales.
Le rapport demandé par Marlène Schiappa, alors secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, publié en juin 2018 a révélé que certaines formes de maltraitance sont plus répandues que d’autres, telles que :
- la réalisation d’épisiotomies (incision chirurgicale du périnée) sans le consentement de la patiente,
- la réalisation de points de suture vaginaux sans anesthésie
- et l’utilisation de l’expression abdominale (pression sur le ventre) pour accélérer l’accouchement, une pratique fortement déconseillée par la Haute Autorité de Santé (HAS) depuis 2007.
Le rapport a également souligné un manque de considération général envers la douleur des femmes et un manque de communication sur les procédures médicales que ce soit dans un centre hospitalier ou en cabinet.
Depuis la parution du rapport de 2018, il y a eu peu de mesures prises par le gouvernement français et d’autres autorités médicales pour lutter contre les violences obstétricales et gynécologiques. En fait, l’Ordre des médecins, responsable de la rédaction du Code de déontologie médicale et du traitement des plaintes, a été vivement critiqué par la Cour des comptes en 2019 pour sa gestion déplorable des plaintes des patientes.
Que dit la loi ?
D’après la loi Kouchner de 2002, les médecins sont tenus de solliciter le consentement des patients avant de procéder à tout acte médical. Si les professionnels ne respectent pas cette obligation et commettent un acte de pénétration sexuelle « par violence, contrainte, menace ou surprise », cela constitue en France un viol, conformément à l’article 222-23 du Code pénal.
Le Comité d’Éthique appelle les médecins au respect
Le groupe de travail du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) a passé huit mois à interroger plus de 30 personnes impliquées dans le sujet, y compris des représentants de patients, des professionnels de santé tels que des gynécologues et des sages-femmes, ainsi que des doyens et des internes. Ils ont recueilli leurs opinions et plaintes sur un sujet complexe et parfois délicat. Dans son Avis 142, le CCNE a redéfini les termes d’intimité, de pudeur et d’intégrité, et a rappelé les différentes formes d’« atteintes illégitimes et disproportionnées » mentionnées dans le rapport du Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes en 2018. Bien que la plupart des actes mentionnés concernent les femmes, cette réflexion concerne également les hommes.
Toucher au corps pas à l’intime
En moyenne, une femme subit entre 50 et 80 consultations gynécologiques au cours de sa vie. Ces consultations médicales sont asymétriques par nature et encore plus lorsque l’intimité est en jeu. De plus, les gestes gynécologiques impliquent des aspects complexes et fondamentaux de l’être humain, tels que l’intimité, la nudité, l’identité de genre et la sexualité.
Le CCNE rappelle que les examens impliquant l’intimité nécessitent une attention particulière à chaque étape de la consultation, notamment en termes de savoir-être, de précaution et de tact. Il est important d’écouter et de prendre en compte les sentiments et les expressions des patients, de respecter leur pudeur et leur besoin d’intimité, et de faire preuve d’attention à la douleur ou à l’inconfort éventuels que l’examen peut causer, qu’ils soient exprimés ou non.
Les professionnels de santé sont majoritairement soucieux du bien-être de leurs patients, mais ils et elles affirment tous que la pédagogie requiert du temps dont ils ne disposent pas suffisamment. Les contraintes auxquelles ils font face les obligent souvent à adopter des automatismes qui entravent une lecture fine des interactions et des réticences. Pour répondre aux spécificités des examens gynécologiques, les principes de nécessité, de subsidiarité et de proportionnalité doivent être continuellement réévalués. Le CCNE souligne l’importance de l’effort de compréhension réciproque entre patients et soignants pour les examens touchant à l’intimité, afin de restaurer la confiance entre eux.
Cette discussion sur les conditions des examens touchant à l’intimité et sur les modalités de recueil du consentement est d’actualité dans plusieurs pays. Les plaintes de certaines patientes à l’encontre de praticiens, notamment pour manque d’explication des gestes et de leurs effets ou pour absence de consentement, sont une source de tension et altèrent la confiance entre patients et soignants, ce qui n’est pas propre à la France.
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