Théo Ribeton nous plonge dans une réflexion passionnante au cœur de la dynamique vegan. Pour la première fois, il en dresse un état des lieux social et culturel, mettant ainsi en lumière les résistances. Pourquoi le monde est-il en train de devenir vegan ? Quel rapport entretenons-nous avec ce phénomène ? Quel impact sur notre gastronomie et notre culture ? Quel poids font peser les lobbies sur notre prise de conscience ? Qui sont les adversaires ? Comment les politiques s’en emparent-ils ?
Être vegan suscite beaucoup de questions. Alors que la bataille des arguments moraux et environnementaux est déjà gagnée depuis plus de quarante ans, les habitudes et traditions opposent pourtant une série d’obstacles invisibles aux contours flous.
C’est avec la volonté de parler d’un monde qui hésite, en plein glissement de valeurs, que l’auteur analyse les manifestations d’un changement en profondeur dont il est essentiel de prendre la mesure.
Les bonnes feuilles de V comme vegan
« Deux Français sur trois connaissent la “tendance” vegan. Certes, ils ne sont sans doute pas tous pour : on a même vu apparaître récemment des professionnels du contre, c’est-à-dire des polémistes spécialisés dans la sauvegarde de la viande, ce qui peut ressembler à un recul mais constitue en fait une avancée — c’est le signe que la bidoche est perçue comme menacée de déclin et qu’elle a besoin d’avocats pour plaider sa défense. »
(Avant-propos, p.25)
« Comme le dit Martin Gibert, “les arguments pour le véganisme étaient déjà présents il y a quarante ans dans La Libération animale de Peter Singer. Ce n’est plus très intéressant d’un point de vue philosophique.” Contrairement à une idée reçue, les philosophes actifs sur les questions relatives à l’animal et à l’antispécisme ont en effet dépassé depuis belle lurette la cap de la réflexion sur la légitimité du véganisme : les digues ne sont plus argumentaires, mais psychologiques et culturelles »
(chapitre 1, p.74)
« À y bien regarder, il devrait être tout à fait possible d’appeler le fromage végétal du fromage végétal voire, tout simplement… du fromage. C’est vrai pour un certain nombre de produits très concernés par les substituts végétaux, et susceptibles de faire l’objet de polémiques similaires : les steaks, les saucisses, les nuggets désignent tous automatiquement un produit animal, alors qu’un court examen étymologique suffit à reconsidérer la chose […]. En effet, steak est un anglicisme, lui-même issu du vieux norrois steik, qui signifie “rôti”; saucisse renvoie, lui, à une conservation par le sel, à travers le latin salsicius; nugget fait référence à une forme, ovale ou oblongue, et qu’on utilise également en anglais dans seulement deux autres cas pour désigner une pépite d’or ou une tête de marijuana; fromage, également, renvoie à une forme, ou plutôt à l’opération qui permet d’obtenir cette forme, le formage. »
(chapitre 2, p.97)
« S’il y a un terrain sur lequel les polémistes pro-viande s’aventurent très précautionneusement, c’est le terrain éthique : celui où la rhétorique du petit paysan, de la viande heureuse et de la bonne chère se ramasse durement la figure. On ne peut pas répondre reflets de France et plaisirs de la table à une question sur le fondement de notre droit moral à tuer : il y a une forme d’obscénité dans la comparaison qui est peu commode, même pour un carnivore revendiqué. »
(chapitre 3, p.121)
« […] le mythe du consentement animal: l’idée que lorsque l’élevage est pratiqué respectueusement, il prodigue à l’animal une meilleure vie, et probablement une meilleure mort, que s’il avait vécu à l’état sauvage; surtout l’idée que partant de là, l’animal consentirait sans le savoir à sa propre exploitation. […] On pourrait lui opposer une réponse développée, mais parfois la clarté et la brièveté valent mieux, comme le prouve la formule d’Enrique Utria, contributeur des Cahiers antispécistes: “l’animal donne ce qu’il est impuissant à refuser.” »
(Chapitre 3, p.131)
« Il y a à l’origine de ce livre la volonté tout à fait affirmée d’être exagérément optimiste. Il y a la volonté de parler d’un monde à venir en constatant par soubresauts son imminence, si ce n’est déjà sa présence: un monde aux valeurs basculées, où l’animal n’est certes pas encore émancipé, mais où il n’est déjà plus intrinsèquement une chose et une marchandise.
[…] Je ne fais pas encore moi même partie de ce monde à venir que je me suis employé à décrire. Je fais partie du monde qui hésite. Tout le monde en fait partie, et tout le monde pressent où mènera cette hésitation.»
(Épilogue, p.179)
A LIRE