Santé en danger ? L’Anses alerte sur les risques des aliments ultra-transformés. Dans cette interview exclusive, David Garbous (Collectif En Vérité) et Bart Peuchot (Nudj) décryptent les enjeux et les conséquences de l’ultra-transformation sur notre santé. Découvrez les révélations et solutions possibles.
En quoi ce rapport est-il une révolution pour faire avancer la réglementation et les industriels pour une alimentation plus saine ?
Ce rapport est une avancée majeure car il apporte une analyse scientifique détaillée des procédés de transformation susceptibles d’engendrer des risques pour la santé. Au-delà de la classification existante de Nova, il met en avant les techniques spécifiques de transformation qui peuvent poser un problème (raffinage, etc.) ainsi que les additifs et autres auxiliaires technologiques utilisés et pour lesquels il y a un grand manque de transparence. Il souligne l’absence de cadre réglementaire clair sur les Aliments Ultra-Transformés (AUT) .
Le rapport de l’Anses établit-t-il un lien de causalité entre la consommation d’aliments ultra-transformés et l’augmentation du risque de maladies chroniques et de mortalité ?
L’Anses reconnaît qu’il existe une association forte entre la consommation d’aliments ultra-transformés et le risque accru de maladies chroniques. Cependant, elle souligne également que le niveau de preuve de ce lien est encore faible.
Plusieurs facteurs expliquent cette difficulté à établir un lien de causalité direct :
- Manque d’études épidémiologiques à long terme : Les études actuelles reposent principalement sur des données observationnelles, qui ne permettent pas de démontrer une relation de cause à effet.
- Complexité des mécanismes en jeu : les aliments UT sont souvent riches en sucres, en graisses saturées et en sel, mais pauvres en fibres, en vitamines et en minéraux. Ils contiennent également des additifs, des composés néoformés et des contaminants d’emballage, dont les effets sur la santé sont encore mal connus.
- Difficulté à isoler l’effet des aliments UT: les personnes qui consomment beaucoup d’ aliments UT ont souvent d’autres habitudes de vie peu saines (tabagisme, sédentarité, etc.), ce qui rend difficile l’isolement de l’impact spécifique de ces aliments.
Malgré ces difficultés, il est important de noter que l’absence de preuve de causalité directe n’invalide pas la pertinence des études observationnelles. La consommation d’aliments ultra-transformés (AUT) a fortement progressé ces dernières décennies, représentant désormais 50 à 60 % de l’apport énergétique quotidien dans plusieurs pays occidentaux. Parallèlement, la prévalence du surpoids et de l’obésité n’a cessé d’augmenter. Dans ce contexte, l’étude de cohorte Nutrinet-Santé, qui suit une large population de volontaires sur plusieurs années, a analysé les liens entre la consommation d’AUT, l’évolution de l’indice de masse corporelle (IMC) et le risque de surpoids et d’obésité. Les résultats de cette étude prospective observationnelle montrent qu’une consommation élevée d’AUT est associée à une augmentation de l’IMC ainsi qu’à des risques accrus de surpoids et d’obésité.
De plus, le lien entre le tabagisme et le cancer du poumon a été établi sur la base d’études observationnelles, alors qu’il est impossible de mener des expérimentations à long terme sur l’humain pour des raisons éthiques.
Ce rapport est-il une avancée en matière de transparence alimentaire ?
Oui, ce rapport est une avancée car il met en lumière des éléments méconnus du grand public sur l’ultra-transformation des aliments. Cette prise de conscience de l’ultra-transformation par une agence de Santé est un signal fort. Pour qu’un système d’information transparent et une réglementation soient mis en place, comme ce fut le cas pour le Nutri-Score, il est essentiel que les agences gouvernementales s’emparent du sujet.
Aujourd’hui, l’Anses ouvre la voie à une prise de conscience collective. Il est essentiel de continuer à informer et sensibiliser le public sur les enjeux de l’ultra-transformation pour faire pression en faveur de plus de transparence et de régulation dans l’industrie agro-alimentaire.
Qu’est-ce qu’un AUT ?
Les mono- et diglycérides d’acides gras, les carraghénanes, les amidons modifiés, les lécithines, les phosphates, les celluloses, les gommes et les pectines, l’huile hydrogénée, le sirop de glucose… l’amidon modifié, le E 300, E 104, E 129, la gomme de xanthane, le carboxyméthylcellulose, les nitrites, l’acésulfame K, le glutamate, …
https://www.inserm.fr/c-est-quoi/pas-si-super-cest-quoi-un-aliment-ultra-transforme/
David Garbous, co-fondateur et Président du Collectif en Vérité & Bart Peuchot, co-fondateur de Nudj
Sophie Madoun