Pourquoi-les-patients-atteints-de-leucémie-rechutent-santecoolPour la première fois des chercheurs du Centre de Recherches en Cancérologie de Toulouse (CRCT, Inserm) et de l’Institut universitaire du cancer Toulouse-Oncopole (IUCTO) peuvent expliquer pourquoi et comment les patients atteints de leucémie aiguë myéloïde* peuvent rechuter. Pour cela, ils ont utilisé un modèle animal mimant l’évolution de la maladie à partir de cellules de patients. Un mécanisme observable pour d’autres pathologies. Le journal international « Cancer Discovery » vient de publier ces résultats.

Lorsque le professeur Christian Récher, responsable du service d’hématologie à l’IUCT-O, rencontre Jean-Emmanuel Sarry, ils partagent une même envie : comprendre pourquoi une majorité de patients atteints de leucémie aiguë myéloïde (LAM) en rémission complète après une chimiothérapie intensive rechutent quelques mois après. L’explication jusqu’alors avancée reposait sur la responsabilité des cellules souches cancéreuses, considérées comme résistantes à la chimiothérapie.

Une hypothèse jamais véritablement vérifiée dans un contexte similaire. Au moment de leur rencontre en 2009, Jean-Emmanuel Sarry travaillait aux États-Unis sur une approche innovante: le modèle animal de xénogreffes. Il s’agit de greffes de cellules humaines malades sur des souris très immunodéficientes et donc permissives à toute cellule humaine. C’est le concept qu’il propose à Christian Récher pour valider ou invalider le rôle des cellules souches dans la résistance à la chimiothérapie et le processus de rechute. Les bases de leur collaboration sont jetées. La responsabilité des cellules souches battue en brèche

En 2010, Jean-Emmanuel Sarry rejoint le CRCT pour lancer ce projet de recherche translationnelle en partenariat étroit avec le Centre régional d’exploration fonctionnelle et de ressources expérimentales dirigé par le Docteur Yara Barreira et le service d’Hématologie du CHU de Toulouse. Ils fondent l’équipe Inserm RESISTAML en 2014. Sept années après, la responsabilité des cellules souches est battue en brèche. Les résultats de leur étude publiée dans le journal « Cancer Discovery » en avril 2017 le démontrent et révèlent de nouvelles perspectives: « Nous avons greffé les cellules de 25 patients atteints de LAM sur ces modèles murins pour pouvoir reproduire les caractéristiques exactes de la maladie de chaque patient. C’est le concept de souris compagnon. Le modèle animal a reçu le même traitement que son patient avec une réponse et un résultat clinique identique », explique Jean-Emmanuel Sarry.

L’analyse biologique des cellules survivantes résiduelles après le traitement dans ces modèles murins (avant et après traitement) a prouvé que les cellules souches sont, comme les autres, détruites par la chimiothérapie. En revanche, les chercheurs découvrent que des cellules leucémiques résistent. Leur point commun : une hyperactivité énergétique de leurs mitochondries. Sur-stimulées, elles sont capables d’affronter les assauts des traitements.

« Ce sont elles, et pas nécessairement les cellules souches leucémiques, qui favoriseraient les rechutes » avance le professeur Christian Récher. L’activité métabolique excessive de ces cellules devient dès lors une cible thérapeutique. Pour la première fois, un modèle animal de LAM bâti à partir de cellules de patients explique les récidives du patient après les traitements et permet de les étudier de façon exhaustive. Des essais de phase I et II sur l’homme sont et vont être lancés pour valider cette hypothèse. Ces approches sont très onéreuses et nécessitent une congruence d’expertises, de technologies et de moyens financiers. Nous faisons partie d’une poignée de laboratoires au monde qui pouvent mettre en oeuvre ce type d’approche en routine.

Les voies ouvertes par cette découverte

Cette confirmation scientifique, non attendue, qui réduit la responsabilité des cellules souches cancéreuses a servi immédiatement de point de référence à plusieurs équipes dans le monde. Des projets de développement clinique de nouveaux inhibiteurs de la mitochondrie prennent appui sur cette étude.
Et déjà, de nouvelles pistes s’ouvrent : ce même mécanisme est observable pour d’autres cancers. «Le modèle animal qui mime l’évolution de la maladie d’une personne sur un temps plus court que celui du patient dans la plupart du temps pourra nous permettre d’anticiper les rechutes et les prévenir », explique Jean-Emmanuel Sarry avant de poursuivre, « Ensuite, nous voulons approfondir cette connaissance et comprendre, par exemple, quelles sont les interactions entre ces cellules résistantes hyperactives et leur microenvironnement. Pourquoi le microenvironnement met-il à leur disposition autant d’énergie ? Y-a-t-il une symbiose (intérêt réciproque) ou la cellule leurre-t-elle son environnement et le pirate à ses propres fins de survie et d’adaptation?. Parallèlement, nous avons également mis en évidence des cibles thérapeutiques nouvelles surexprimées par ces cellules chimiorésistantes ce qui nous permettra d’encore mieux nous armer pour prévenir la rechute ».
Enfin, ce modèle animal n’est qu’un point de départ. L’objectif à moyen terme est de modéliser l’évolution de la maladie et sa réponse au traitement par des algorithmes mathématiques.
*La Leucémie aiguë myéloïde est la plus fréquente des leucémies aiguës chez l’adulte. On diagnostique environ 3500 leucémies aiguës par an. Ce sont des maladies qui engagent rapidement le pronostic.

Pour en savoir plus : www.iuct-oncopole.fr