La drépanocytose et la bêta-thalassémie sont deux maladies génétiques affectant l’hémoglobine et regroupées, par conséquent, dans la catégorie des bêta-hémoglobinopathies. Une équipe de scientifiques de l’Inserm, d’Université Paris Cité et de l’AP-HP au sein de l’Institut Imagine, a montré l’efficacité d’une approche de thérapie génique contre ces deux maladies. Le principe est de réactiver chez les patients la production d’une protéine – la globine fœtale – qui cesse normalement d’être exprimée après la naissance. Dans une étude publiée dans la revue Nature Communications, l’équipe de recherche décrit ainsi une approche prometteuse pour de futures applications thérapeutiques.
La drépanocytose et la bêta-thalassémie sont des maladies génétiques appelées bêta-hémoglobinopathies. Elles sont en effet causées par des mutations sur le chromosome 11 du gène à l’origine de la production de la globine bêta, une protéine constitutive de l’hémoglobine, le principal composant des globules rouges.
Dans la drépanocytose, la structure de la globine bêta est altérée, ce qui affecte l’intégrité des globules rouges et entraîne des anémies, des obstructions locales très douloureuses de la circulation sanguine (ou crises vaso-occlusives) et une altération progressive des organes. Dans la bêta-thalassémie, la production de globine bêta est drastiquement réduite, causant un déficit en hémoglobine et entraînant des anémies sévères.
Dans les années 1970, des chercheurs ont observé que de rares individus porteurs des mutations spécifiques de la drépanocytose et la bêta-thalassémie ne développaient pas la maladie. Leur point commun ? Tous étaient porteurs de mutations compensatrices sur un autre gène du chromosome 11, ayant pour effet de stimuler la production de globine fœtale (ou globine gamma). Cette protéine qui cesse normalement d’être produite à la fin de la vie fœtale est capable de se substituer avantageusement à la globine bêta adulte défectueuse pour former une hémoglobine saine, assurant ainsi la production de globules rouges parfaitement fonctionnels en quantité suffisante.
Une équipe de recherche dirigée par Annarita Miccio, chercheuse Inserm au sein de l’Institut Imagine (Inserm/Université Paris Cité/AP-HP) a réalisé une série d’expérimentations in vitro pour déterminer la stratégie la plus efficace pour stimuler la production de globine fœtale, en reproduisant ces mutations bénéfiques par thérapie génique à des fins thérapeutiques. L’approche la plus efficace consistait à insérer une mutation génétique générant, dans les globules rouges, un mécanisme moléculaire ayant le double avantage de stimuler la production de globine fœtale et de bloquer le mécanisme inhibant naturellement la production de cette dernière.
Par ailleurs, les chercheurs ont montré chez l’animal que cette stratégie est efficace sur le long terme, ce qui constitue un résultat très important dans le cadre d’une application thérapeutique.
« De nombreuses étapes sont encore nécessaires avant que cette nouvelle approche de thérapie génique soit applicable en clinique, précise Panagiotis Antoniou, premier auteur de l’étude, nous devons par exemple optimiser le protocole pour modifier génétiquement davantage de globules rouges, car seuls 60 % le sont avec le protocole actuel. Pour autant, nos travaux ouvrent la voie au développement clinique d’un traitement innovant et sûr pour les patients atteints de bêta-hémoglobinopathies, dans l’objectif d’améliorer leur qualité de vie », conclut le chercheur.