Plus de la moitié des étudiants en France souffrent de troubles du sommeil, ce qui est particulièrement préoccupant étant donné que ces problèmes peuvent avoir des conséquences négatives sur leur réussite scolaire ainsi que sur leur santé physique et mentale. Des chercheurs de l’Inserm, de l’université et du CHU de Bordeaux ont mené une nouvelle étude publiée dans Psychiatry Research afin d’évaluer les risques pour la santé liés à ces troubles du sommeil, qui représentent un véritable enjeu de santé publique. Ils se sont plus spécifiquement penchés sur la consommation de cannabis chez les étudiants, sachant que les 18-25 ans ont tendance à consommer cette substance à un taux élevé en France. Les résultats ont montré que la consommation de cannabis augmentait le risque de troubles du sommeil, avec un doublement de la fréquence de l’insomnie chez les fumeurs quotidiens.

Près de 55 % des étudiants seraient touchés par des troubles du sommeil, tandis que 19 % d’entre eux souffriraient d’insomnie. Ces altérations du sommeil sont particulièrement préoccupantes car elles ont des effets néfastes sur la santé mentale et physique ainsi que sur les capacités cognitives des étudiants, ce qui peut impacter leur réussite universitaire.

Des études ont déjà examiné les causes de ces perturbations, en particulier en ce qui concerne la consommation de cannabis, qui est très répandue chez les jeunes en France : 13,9 % des 18-25 ans déclarent consommer du cannabis mensuellement, tandis que 4 % en consomment quotidiennement[1].

Dans cette nouvelle recherche, des scientifiques de l’Inserm, de l’université et du CHU de Bordeaux, au sein du centre de recherche Bordeaux Population Health, ont mené pour la première fois une analyse approfondie de l’association entre la consommation de cannabis et les troubles du sommeil chez un large échantillon d’étudiants universitaires. L’échantillon était composé de 14 787 personnes, toutes faisant partie de la cohorte i-Share, qui se concentre sur la santé générale des étudiants et est dirigée par Christophe Tzourio, dernier auteur de l’étude.

Les étudiants ont répondu à un auto-questionnaire en ligne portant sur leur consommation de cannabis au cours de l’année précédente (quotidienne, hebdomadaire, mensuelle ou rare/jamais), ainsi que sur la qualité de leur sommeil au cours des trois derniers mois, avec une question spécifique sur l’insomnie. D’autres questions ont porté sur leurs caractéristiques socio-démographiques, leurs habitudes de vie (telles que leur consommation d’alcool ou de tabac) et leur santé mentale afin d’affiner l’analyse et d’éviter tout biais ou facteur de confusion.

Les étudiants consommant du cannabis dorment deux fois plus mal

Les résultats de cette étude ont confirmé l’existence d’une association entre la consommation de cannabis et les troubles du sommeil, en particulier l’insomnie, chez les étudiants. La probabilité de souffrir d’insomnie serait 45 % plus élevée chez les consommateurs de cannabis par rapport aux non-consommateurs. Cette probabilité est même deux fois plus élevée chez les consommateurs quotidiens de cannabis par rapport aux consommateurs occasionnels ou rares.

« L’originalité de cette étude réside sur le fait que nous avions accès à un échantillon particulièrement large d’étudiants ayant renseigné des données précises sur leur consommation de cannabis et la qualité de leur sommeil. La richesse des données recueillies grâce aux questionnaires donne de nouvelles preuves de l’association entre insomnie et consommation de cannabis », explique Julien Coelho, premier auteur de l’étude.
« Bien que la causalité ne puisse pas être affirmée avec certitude, ces résultats suggèrent l’importance de multiplier les messages de santé publique pour faire de la prévention auprès des étudiants, mais aussi des professionnels de santé sur les dangers d’une consommation élevée de cannabis sur la santé des jeunes », conclut Christophe Tzourio.
[1] Source : Baromètres santé de Santé publique France, exploitation OFDT
[2] Les volontaires étaient interrogés sur quatre variables : la qualité subjective de leur sommeil ; l’insomnie ; la qualité de l’éveil pendant la journée, et la sensation de privation de sommeil.