De récentes recherches en psychologie et neurosciences ont montré à quel point le pouvoir, la solitude et le stress influençaient nos comportements. Les conditions actuelles d’exercice de la fonction suprême, entre toute-puissance d’une monarchie républicaine et accélération temporelle de la pression médiatique, produisent à n’en pas douter un cocktail explosif pour les cerveaux humains. Quels sont les effets du pouvoir politique et quel rôle joue-t-il dans les impairs que nous avons récemment pu observer ?
La toute puissance présidentielle serait-elle responsable de dérives comportementales de nos présidents ? Attitude agressive de Nicolas Sarkozy -tout le monde se souvient du désormais célèbre « casse-toi pauvre con »-, décisions solitaires et incompréhensibles de François Hollande -comme l’a illustré, par exemple, l’affaire Léonarda-, les deux derniers quinquennats ont été émaillés d’incidents, parfois inexplicables, qui ont choqué et accru la défiance des français. Nicolas Sarkozy et François Hollande prétendaient, chacun à leur façon, transformer la fonction présidentielle mais ont aussi, en retour, été changés par elle. Quant à Emmanuel Macron, son attitude autoritaire et certaines de ses saillies peu jupitériennes sur « les cyniques » et « les fainéants » posent, elles aussi, la question d’un « pétage de plomb » présidentiel. Comme si le pouvoir avait plus d’effet sur le cerveau que le cerveau sur le pouvoir.
Quand le pouvoir déconnecte de la réalité
« Déconnectés, isolés, lointains … Le sommet de l’État serait coupé des citoyens. Depuis dix ans que je couvre la politique pour la chaîne Public Sénat, c’est ce que je ne cesse d’entendre, y compris de la part des politiques eux-mêmes. De ceux qui ont approché le sommet du pouvoir et qui reviennent parmi nous, déçus et dépités. Comme si notre cinquième République et son faste monarchique portaient en eux les germes d’une dérive personnelle…
J’ai moi-même pu constater combien l’accélération de la vie politique, dans nos démocraties d’information en continu, nuisait à la réflexion et à la prise de décision. J’ai pu en discuter avec des conseillers politiques de premier plan. J’ai aussi pu mesurer l’état d’épuisement dans lequel finissent mes collègues qui couvrent les déplacements des campagnes présidentielles » explique Hélène Risser.
Et si la Cinquième République nuisait aux capacités mentales?
« Le chaos de la campagne présidentielle de 2017, les deux derniers quinquennats et celui qui vient de commencer ne seraient-ils pas en passe de prouver que le pouvoir tel que la Cinquième République et les conditions d’exercice actuelles l’envisagent nuit aux capacités mentales et cognitives de ceux qui le détiennent ou sont en passe de l’exercer ? J’aimerais vérifier cette hypothèse en m’appuyant sur les dernières recherches dans le domaine du psychisme humain : la psychanalyse, la psychologie sociale, comportementale mais aussi les neurosciences ont apporté ces dernières années de précieuses informations sur le sujet. J’ai pu mesurer l’ampleur des découvertes réalisées à la rédaction du magazine Psychologies pour lequel je tente depuis neuf ans, de décrypter et d’éclairer notre fonctionnement cérébral. Notre cerveau plastique mais aussi fragile se modifie en fonction de notre environnement. Certaines conditions, certaines interactions le stimulent ; d’autres, l’abîment : hyper connectivité, hyperstimulation sensorielle, hyper-narcissisme, « infobésité », accélération et perte des repères spatio-temporels, isolement… Tous ces phénomènes nocifs, le chef de l’Etat et les « gros » candidats de la campagne présidentielle y sont confrontés plus que n’importe qui. Mon objet n’est pas d’excuser mais de comprendre pourquoi et comment nous en sommes arrivés là » déclare Hélène Fresnel.
Mais ces dysfonctionnements sont-ils une question d’homme?
Sont-ils étroitement liés à la personnalité de ces deux présidents ou est-ce la fonction qui produit les dérives? Des convergences dans les témoignages nous permettront de voir qu’au-delà des différences flagrantes entre ces deux personnalités, il y a bien des similitudes dans leur évolution à la tête du pouvoir. Des similitudes qui leur ont fait croire, à l’un et l’autre, qu’ils pourraient, à eux seuls et de façon solitaire, faire évoluer la fonction, l’un vers l’hyperprésidence, l’autre vers la présidence normale. Le tournage de ce documentaire se déroulant après la présidentielle, lors des premiers mois du
nouveau président, nous complèterons ces analyses par celle de l’attitude d’Emmanuel Macron, là aussi à partir de l’analyse de quelques moments emblématiques tels que « je suis votre chef », affirmation en tribune de la toute puissance présidentielle, les sorties sur les « cyniques » et les « fainéants » ou encore la remarque sur les employés de GM&S qui feraient mieux de chercher du travail « au lieu de foutre le bordel »… Là encore, ces extraits seront mis en perspective par le témoignage de proches que nous questionnerons sur l’effet « déconnectant » que le pouvoir a pu
produire sur le nouveau chef de l’État.
A partir de ces extraits et des témoignages des proches racontant les coulisses de la vie Élyséenne, les experts formuleront leur diagnostic, confirmant ou infirmant certaines de nos hypothèses, chacun dans son domaine. Cela permettra d’exposer de façon inédite les effets du pouvoir absolu de la Cinquième République et de les nuancer en fonction, évidemment, des individus et du contexte dans lequel ils l’exercent.
Aucune étude scientifique française ne s’étant à ce jour emparée de cette question, Hélène Risser et Hélène Fresnel ont mené l’enquête et propose de faire vivre aux spectateurs une expérience grandeur nature à travers les analyses de spécialistes chevronnés du fonctionnement psychologique et cérébral. Une expérience qui nous aide à mieux comprendre le mal dont semble souffrir notre démocratie…
Rendez-vous le 7 avril sur Public Sénat
Un documentaire d’Hélène Risser et Hélène Fresnel
Coproduction Day for Night & Public Sénat I 52 min I Inédit I 2018
Rediffusions : samedi 14 avril à 22H30, dimanche 15 avril à 9H, dimanche 22 avril à 18h, samedi 29 avril à 14H
0H30 : Débat animé par Nora HAMADI