Le stress modifie le microbiote intestinal, qui à son tour perturbe la mémoire. C’est en étudiant un modèle surprenant, la caille japonaise, qu’une équipe d’INRAE a mis en lumière l’interconnexion entre stress, état du microbiote et troubles de la mémoire. Le microbiote intestinal joue le médiateur entre le stress et la mémoire ! Ces conclusions sont publiées dans la revue Psychoneuroendocrinology le 20 novembre 2021.
Le microbiote intestinal est un écosystème complexe qui cache encore de nombreux mystères. Tantôt protecteur de notre santé contre des pathogènes, tantôt responsable de troubles, cet « organe » plastique peut être modifié par son environnement, par exemple par le stress. Or le stress réduit les capacités de mémorisation. Ces atteintes de la mémoire dues au stress seraient-elles liées à ce microbiote modifié ? Le microbiote intestinal joue le médiateur entre le stress et la mémoire.
C’est l’hypothèse qu’a testée une équipe interdisciplinaire d’INRAE, réunissant différents grands champs de recherche de l’Institut. Pour investiguer l’existence d’un lien éventuel, les scientifiques ont utilisé un modèle animal pour le moins surprenant mais tout à fait pertinent : la caille japonaise. Ce petit oiseau est bien connu des scientifiques, qui savent reconnaitre ses états de stress et les conséquences physiologiques associées.
Du microbiote de cailles adultes stressées a été transféré à des cailleteaux nouveaux-nés, encore dépourvus de microbiote. Pour mesurer l’impact de ce transfert de microbiote un autre groupe de cailleteaux a reçu du microbiote de cailles non stressées.
Ces cailleteaux ont été élevés sans être soumis à des situations stressantes, puis leurs comportements et leurs capacités de mémoire ont été analysés. Le résultat est net, les cailles qui ont reçu le microbiote d’animaux ayant subi un stress se comportent comme si elles avaient elles-mêmes subi un stress : elles sont peureuses et elles ont un taux d’hormone de stress semblable à celui de cailles stressées. Mais, en plus de ces indicateurs d’un état de stress, elles présentent des désordres cognitifs : leur mémoire est perturbée et elles font davantage d’erreurs dans un test où elles doivent retrouver l’emplacement d’un pot qui habituellement contient des vers de farine qu’elles adorent. Le transfert de microbiote a suffi, à lui seul, à reproduire les effets du stress sur le comportement émotionnel, les hormones du stress et les capacités de mémorisation.
Une boucle alimentée par le stress relie bien la mémoire et le microbiote intestinal, le stress perturbant le microbiote qui lui-même recrée un état de stress et perturbe la mémoire. Une nouvelle voie d’exploration se dessine grâce à ces travaux : l’étude du microbiote et des désordres intestinaux chez les personnes souffrant de troubles cognitifs. Un rééquilibrage du microbiote pourrait limiter les altérations de la mémoire dues au stress.
Références
Narjis Kraimi, Flore Lormant, Ludovic Calandreau, Florent Kempf, Olivier Zemb, Julie Lemarchand, Paul Constantin, Céline Parias, Karine Germain, Sylvie Rabot, Catherine Philippe, Aline Foury, Marie-Pierre Moisan, Anaïs Vitorino Carvalho, Vincent Coustham, Hugues Dardente, Philippe Velge, Thierry Chaumeil, Christine Leterrier, Microbiota and stress: a loop that impacts memory, Psychoneuroendocrinology, 2021, 105594,ISSN 0306-4530, https://doi.org/10.1016/j.psyneuen.2021.105594.