Une étude, publiée dans la revue internationale Anesthesia and Analgesia (2022), révèle les possibles conséquences cérébrales d’une exposition précoce à l’anesthésie générale en pré-clinique puis chez l’Homme. Elle met en évidence que l’anesthésie générale dans l’enfance entrainerait une diminution localisée de volume de la substance grise associée à des modifications émotionnelles liée à une exposition précoce à l’anesthésie générale.

Trois études cliniques récentes, de haut niveau de preuve, ont montré qu’une exposition unique et courte à l’anesthésie générale dans l’enfance pour une chirurgie ne modifierait pas les mesures de l’intelligence générale (quotient intellectuel). Néanmoins, une limite de ces trois études est de ne pas avoir évalué l’effet de cette exposition sur le cerveau. C’est ainsi, tout l’enjeu de l’étude préclinique (animal) et clinique (Homme) parue dans la revue Anesthesia and Analgesia, fruit d’une collaboration entre l’unité Inserm-UNICAEN UMR-S U1237 (« Physiopathology and Imaging of Neurological Disorders », Pr. Denis Vivien, Caen) et le Laboratoire de Psychologie du Développement et de l’Éducation de l’enfant (UMR CNRS 8240 – Université Paris Cité, Pr. Borst, Paris), coordonnée par le Dr Jean-Philippe Salaün, Centre Hospitalier Universitaire Caen Normandie.

Les conséquences sur le cerveau

Chez l’animal, les chercheurs de l’unité Inserm-UNICAEN UMR-S U1237 et du Laboratoire de Psychologie du Développement et de l’Éducation de l’enfant ont mis en évidence des modifications comportementales (régulation de la peur) associées à des modifications structurelles cérébrales en imagerie par résonance magnétique (diminution de 11 % du volume de matière grise périaqueductale) chez des souris exposées plusieurs fois à l’anesthésie générale en période post-natale.

Chez l’Homme, l’analyse rétrospective d’une cohorte de 102 enfants révèle des modifications au niveau cérébral (diminution de 6 % du volume du gyrus préfrontal droit) et au niveau comportemental (régulation de l’émotion) chez des enfants en bonne santé ayant bénéficié d’une seule anesthésie générale pour une chirurgie mineure dans l’enfance (âge moyen d’exposition : 4 ans). Les modifications cérébrales observées dans cette cohorte d’enfant étaient d’autant plus importantes que l’âge d’exposition à l’anesthésie pour chirurgie était précoce.

Si ces résultats ne permettent pas d’établir un lien de cause à effet entre l’exposition à l’anesthésie générale et les modifications cérébrales et comportementales observées, ils soulignent l’importance de mener rapidement des recherches afin d’évaluer les effets de l’anesthésie générale lors de la petite enfance sur le développement cérébral, cognitif et socio-émotionnel ultérieur de l’enfant et de l’adolescent. Ils invitent également les praticiens à une réflexion sur la période la plus propice pour mener une chirurgie au regard des effets potentiellement délétères de l’anesthésie générale sur le cerveau en développement.

Ensuite, dès lors que l’indication opératoire est retenue, il faut déterminer la surveillance la plus adaptée de l’ensemble des paramètres vitaux pour ainsi optimiser la prise en charge per-anesthésique des enfants.

1 enfant sur 7 exposé À l’anesthésie générale avant l’Âge de 3 ans

L’incidence de l’anesthésie générale pour une chirurgie pédiatrique est en constante augmentation. Environ un enfant sur sept sera exposé à l’anesthésie générale avant l’âge de trois ans. Cet âge de trois ans correspond par ailleurs au seuil fixé en 2017 par la Food and Drug Administration (l’autorité américaine de régulation du médicament) en dessous duquel l’anesthésie générale pourrait avoir un impact sur le développement cérébral. Cette alerte faisait écho à plusieurs publications scientifiques de la fin des années 1990.

En effet, l’étude des conséquences de l’anesthésie générale dans l’enfance sur le cerveau a suscité l’intérêt de la communauté scientifique, des familles de patients et du grand public depuis la parution ces dernières années de travaux chez l’animal. Ces études démontrent qu’une anesthésie générale précoce entraine des modifications cérébrales structurelles, fonctionnelles et comportementales à long terme.

Les premières études cliniques rétrospectives chez l’Homme ne mettent pas systématiquement en évidence un effet délétère sur le développement cérébral de l’anesthésie générale précoce ce qui a contribué à entretenir une controverse sur la pertinence de limiter l’anesthésie générale chez l’enfant.

 

 

Référence

Jean-Philippe Salaün, Audrey Chagnot, Arnaud Cachia, Nicolas Poirel, Valérie Datin-Dorrière, CléoDujarrier, Eloïse Lemarchand, Marine Rolland, Lisa Delalande, Pierre Gressens, Bernard Guillois, Olivier Houdé, Damien Levard, Clément Gakuba, Marine Moyon, Mikael Naveau, François Orliac, Gilles Orliaguet, Jean-Luc Hanouz, Véronique Agin, Grégoire Borst & Denis Vivien. »Consequences of general anesthesia in infancy on behavior and brain structure”.Anesthesia and Analgesia. 2022.

doi: 10.1213/ANE.0000000000006233

Coordinateurs & partenaires de l’étude

Une étude menée par les chercheurs de l’unité Inserm/université de Caen Normandie UMR-S U1237 « Physiopathology and Imaging of Neurological Disorders », Institut Blood and Brain @ Caen Normandie (BB@C), GIP CYCERON, Centre Hospitalier Universitaire Caen Normandie, dirigée par le Pr. Denis Vivien, Caen et le Laboratoire de Psychologie du Développement et de l’Éducation de l’enfant (LaPsyDÉ), UMR 8240 CNRS, Université Paris Cité, dirigée par le Pr. Grégoire Borst, Paris, et coordonnée par le Dr Jean-Philippe Salaün, Centre Hospitalier Universitaire Caen Normandie.