Alors que le CHU de Reims, où est hospitalisé Vincent Lambert depuis 2008, a annoncé qu’il allait procé- der, à partir de ce lundi 20 mai, à l’arrêt des soins, les parents de ce dernier ont annoncé qu’ils allaient déposer de « nouveaux recours .

Depuis 2013 et la première pro-cédure d’arrêt des traitements, suspendue par une décision de justice, les parents de Vincent Lambert demandent le transfert de leur fils dans un établisse-ment « EVC-EPR », pour patients en « état végétatif chronique ou pauci-relationnel ».

Parce que la confiance avec l’équipe médicale du CHU de Reims était dès lors rompue. Parce que leur fils y aurait été pris en charge très différemment, assurent-ils, « dans un projet de vie et non dans un pro- jet de mort », résume le professeur Xavier Ducrocq, chef d’un service de neurologie et conseil des parents. « Ces établissements EVC-EPR sont faits pour des patients dont l’état de conscience est altéré, et ce quel que soit leur niveau de conscience, explique un autre de leurs conseils, le docteur Bernard Jeanblanc. Cet état peut fluctuer : les personnes peuvent sembler plus ou moins “présentes” en fonction des moments. Ce sont en tout cas des personnes qui ont besoin d’être stimulées, alors que Vincent Lambert, lui, est allongé dans un lit depuis cinq ans, à regarder le plafond. C’est inhumain. » Des critiques que rejette fermement son ancien médecin et directeur de service au CHU, Éric Kariger.

« Dire cela est faux et c’est une insulte à l’équipe médicale. Vincent Lambert est déjà dans un service spécialisé pour les patients cérébrolésés, il est même dans l’unité régionale dédiée à ces patients. La vulnérabilité, c’est mon champ d’action depuis toujours et je vous assure que Vincent Lambert a toujours été respecté. C’est un patient qui a eu toutes ses chances, médicales et aussi juridiques. » Ce médecin a toujours contesté la nécessité d’un transfert : « On  transfère quand le médecin ou l’équipe s’estiment incompétents ou quand on pense que le patient n’est pas au bon endroit, mais ce n’est pas le cas. Son épouse, qui a été désignée et confirmée en justice comme sa tutrice, n’a d’ailleurs jamais demandé ce transfert. » Ce conflit particulier renvoie à un débat plus large sur la prise en charge des patients cérébrolésés.

« Il y a deux types de structures en France, estime le professeur Ducrocq. Celles, majoritaires, qui sont proactives, développent et cherchent des techniques nouvelles pour éveiller et stimuler les patients ; et des équipes plus passives, c’est le registre de celle de Reims, davantage tournées vers l’accompagnement, le nursing. Vincent Lambert bénéficie à cet égard de soins remarquables. Mais ça ne peut pas suffire pour un patient durablement stabilisé dans un état de conscience altéré : il n’est pas stimulé, il n’est pas sorti, il n’a plus de kiné, il est en situation d’isolement affectif… Il n’y a pas de projet de vie, même de vie limitée, pour lui. »

L’unité où est hospitalisé Vincent Lambert se trouve au sein des services de soins palliatifs et non de réadaptation, relève aussi le docteur Jeanblanc, convaincu que la prise en charge s’en ressent. « La circulaire de 2002 sur les prises en charge des patients EVC-EPR dit qu’ils doivent bénéficier de séances de kiné six fois par semaine ! Il aurait besoin d’une stimulation multisensorielle, d’être levé, de sortir, et non de rester comme ça, enfermé. » À l’inverse, le docteur Kariger rappelle que Vincent Lambert, en état végétatif sans possibilité d’amélioration d’après les experts et dans l’impossibilité de vivre sans hydratation et nutrition artificielles, est en situation d’acharnement thérapeutique : « Tout ce dont cet homme a besoin désormais, c’est d’un accompagnement et d’une gestion de ses inconforts, pour une fin de vie digne et apaisée, dans le respect de ses volontés particulières. »

Les évêques recommandent d’attendre l’ONU

Le groupe bioéthique de la Conférence des évêques de France, dirigé par Mgr Pierre d’Ornellas, archevêque de Rennes, a publié, le 18 mai, un texte appelant à ne pas céder à la « précipitation » à conduire Vincent Lambert « vers la mort ». Les signataires, six évêques et deux théologiens, demandent que soit suspendue la décision d’arrêter l’alimentation et l’hydratation artificielles du patient. « N’y a-t-il pas urgence à trouver la juste voie éthique ? » Il est important que la décision des médecins soit compréhensible par tous, insistent ils, et que la France respecte le recours auprès de la Convention internationale des droits des personnes handicapées. Plusieurs évêques ont, ces derniers jours, livré leurs réflexions sur le cas de Vincent Lambert. Le diocèse de Reims, où il est hospitalisé, a proposé aux paroisses une intention de prière pour lui, sa famille, « les médecins, le personnel infirmier et soignant qui s’occupent de lui » et afin que « notre société française ne s’engage pas sur la voie de l’euthanasie ».

 

la-croix.com

Flore Thomasset