Nouvelle étude controversée de Didier Raoult sur l’hydroxychloroquine : l’ANSM saisit la justice pour des recherches non autorisées. Analyse des faits.

 

Une nouvelle étude signée par le professeur Didier Raoult, ancien directeur de l’IHU Méditerranée Infection à Marseille, a une nouvelle fois provoqué la controverse. Publiée en août 2024 dans la revue scientifique Acta Scientific Microbiology, cette publication affirme démontrer l’efficacité de l’hydroxychloroquine dans le traitement des patients atteints du Covid-19. L’article est co-signé par Philippe Brouqui, ancien collaborateur de Raoult, et repose sur des données collectées auprès de 1 276 patients traités à l’IHU, dont certains avec l’hydroxychloroquine.

Selon l’étude, les résultats montrent une efficacité du traitement à base d’hydroxychloroquine, une affirmation qui défie le consensus scientifique international. Depuis le début de la pandémie, la majorité des études ont conclu que ce médicament n’apportait pas de bénéfices contre le Covid-19, et son utilisation pourrait même comporter des risques graves pour certains patients, notamment des effets indésirables cardiaques.

 

Réactions immédiates de l’APHM et de la Fondation Méditerranée Infection

 

L’Assistance Publique – Hôpitaux de Marseille (APHM) et la Fondation Méditerranée Infection, deux institutions étroitement liées à l’IHU, ont rapidement réagi en se désolidarisant de cette nouvelle publication. Elles ont signalé l’étude à l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé), accusant l’article d’utiliser des données de patients non autorisées. Selon l’APHM, l’étude aurait dû être réalisée sous la supervision d’un comité de protection des personnes (CPP) et recevoir l’approbation de l’ANSM, car elle implique des Recherches Impliquant la Personne Humaine (RIPH) de catégorie 1.

L’APHM précise que cette nouvelle publication est basée sur des méthodes non conformes aux exigences légales. Dans une déclaration à l’AFP, l’institution a souligné que cette méthodologie repose sur « l’utilisation de données de patients et de recherches non autorisées ». En conséquence, l’ANSM a annoncé qu’elle allait saisir à nouveau la justice.

 

L’ANSM saisit la justice

Le 6 septembre 2024, l’ANSM a confirmé son intention de « saisir de nouveau la justice » en raison des irrégularités entourant cette étude. L’agence du médicament estime que les données utilisées dans cette recherche « auraient dû être recueillies dans le cadre d’une RIPH de catégorie 1 », c’est-à-dire qu’elles auraient nécessité « un avis favorable d’un comité de protection des personnes (CPP) et d’une autorisation de l’ANSM ».

Cette action n’est pas une première pour Didier Raoult. En novembre 2023, une autre étude co-signée par le professeur avait également été signalée pour avoir utilisé des données sans les autorisations nécessaires. Cette étude portait également sur l’hydroxychloroquine, et Raoult avait alors déclaré qu’il s’agissait uniquement d’une étude « observationnelle », une affirmation qui avait été largement remise en cause par de nombreux experts.

 

Un passé marqué par des pratiques cliniques controversées

Les critiques entourant Didier Raoult et son équipe à l’IHU Méditerranée Infection ne sont pas nouvelles. Sous sa direction, plusieurs essais cliniques menés durant la pandémie de Covid-19 ont été accusés de ne pas respecter les normes éthiques, en particulier concernant le consentement éclairé des patients.

En 2022, l’ANSM avait déjà saisi la justice après un rapport accablant qui dénonçait des pratiques illégales à l’IHU. Ce rapport faisait écho aux révélations de L’Express et de Mediapart, qui avaient révélé des essais cliniques non autorisés et un manque de surveillance des effets indésirables sur les patients. Selon ces révélations, l’IHU, sous la direction de Raoult, aurait conduit plusieurs études qualifiées de « sauvages ».

Depuis, le parquet de Marseille enquête sur ces soupçons de recherches cliniques illégales. Bien que Didier Raoult soit à la retraite depuis l’été 2021, ces affaires continuent d’éclabousser son héritage scientifique et ses méthodes. Raoult a été remplacé à la tête de l’IHU par Pierre-Édouard Fournier, un autre chercheur ayant travaillé étroitement avec lui.

 

L’hydroxychloroquine : un traitement rejeté par la communauté scientifique

Malgré les multiples études scientifiques prouvant l’inefficacité de l’hydroxychloroquine dans le traitement du Covid-19, Didier Raoult a toujours défendu son utilisation. Dès le début de la pandémie, il avait proposé ce médicament comme une solution possible contre le virus, suscitant à la fois espoir et controverse.

Cependant, des études menées par des institutions prestigieuses telles que l’OMS et plusieurs centres de recherche internationaux ont conclu que l’hydroxychloroquine n’avait pas d’impact significatif sur la guérison des patients atteints de Covid-19 et pouvait même causer des complications, notamment cardiaques. En raison de ces résultats, son usage a été largement rejeté par la communauté médicale internationale.

 

Une bataille judiciaire à venir

 

L’annonce de l’ANSM de saisir de nouveau la justice marque un nouvel épisode dans les démêlés juridiques de Didier Raoult. Alors que l’IHU Méditerranée Infection tente de se dissocier de cette nouvelle étude, les pratiques de l’institut continuent de faire l’objet d’enquêtes et de critiques.

La persistance de Didier Raoult à promouvoir l’hydroxychloroquine, malgré le consensus scientifique qui déconseille son usage, continue de susciter des débats houleux dans le monde médical. Tandis que Raoult et son équipe maintiennent leur position, les autorités de santé, et en particulier l’ANSM, intensifient leurs actions pour garantir que les recherches menées en France respectent les règles éthiques et légales.

 

 

Sophie Madoun