Emmanuelle Béart révèle dans un documentaire avoir été victime d’inceste pendant son enfance. Témoignage bouleversant et courageux qui doit nous pousser à briser le silence autour de ce fléau.
(Mise à jour le 15 septembre 2023) Dans un documentaire qui sera diffusé le 24 septembre prochain sur M6, Emmanuelle Béart dévoile un douloureux secret qui a pesé sur elle pendant plus de 45 ans. Victime d’inceste entre l’âge de 10 et 14 ans, l’actrice a choisi de briser le silence pour sensibiliser le public à cette réalité dévastatrice et pour donner une voix à d’autres survivants.
Témoignage choc d’Emmanuelle Béart victime d’inceste
« J’ai 11 ans, c’est la nuit, j’en suis sûre. Tu déchires mon sommeil comme tu déchires sans bruit ma chemise de nuit. Comme si cet arrêt dans le temps, ce silence polaire te laissait tout l’espace. Et comme si déjà, il était inscrit que personne jamais ne témoignerait. J’ai très froid. Aucun cri ne sort de ma bouche, les mots ne se forment pas dans ma bouche, ma bouche est cousue. Quand il fait jour à nouveau, tout semble intact, comme si de rien n’était ».
Emmanuelle Béart
L’actrice française de 60 ans, Emmanuelle Béart, révèle dans un documentaire, « Un silence si bruyant », qu’elle a été victime d’inceste entre l’âge de 10 et 14 ans, mettant ainsi fin à plus de 45 ans de silence. Pourtant, au fil de sa vie, elle a discrètement laissé des indices, comme lorsqu’elle confiait lors d’une interview avec le magazine Elle en 2007 : « Mon enfance porte une cicatrice, une blessure profonde et irréparable. Je ne souhaite pas en dire davantage. Comme souvent chez les enfants, au lieu de me percevoir comme une victime, je me suis sentie coupable… »
« Il faut imaginer que l’inceste, c’est un pouvoir sur un plus faible. L’inceste, c’est un acte de domination qui passe par le sexe. C’est une façon de nier, d’écraser le plus petit, donc l’enfant […], a expliqué Emmanuelle Béart sur RTL. Mais, l’enfant parle, moi j’en suis convaincue. Peut-être pas avec des mots qui rentreraient dans un cadre juridique, mais si on est très à l’écoute, on se rend compte que l’enfant parle avec d’autres mots. »
Bien qu’elle ne divulgue pas l’identité de son agresseur, elle affirme que ce n’était pas son père, Guy Béart, décédé en 2015.
« Je ne voulais pas prendre la parole, je voulais faire un espace de parole pour les autres. Confrontée à eux, à leur sincérité, à leur courage, je me suis dit que je devais moi aussi parler », a déclaré l’actrice dans un message vidéo projeté à la presse avant le film, relayé par l’AFP.
Dans une vidéo adressée à la presse avant la sortie du film, Emmanuelle Béart a expliqué : « Je ne voulais pas parler, je voulais créer un espace de parole pour les autres. En les confrontant, en voyant leur sincérité et leur courage, j’ai réalisé que je devais moi aussi m’exprimer. »
« L’inceste, c’est un acte de domination qui passe par le sexe. C’est une façon de nier, Donc c’est bouche cousue. Il est très très difficile pour un enfant, qui est isolé par la personne qui lui fait subir ces violences sexuelles incestueuses, isolé et silencieux la plupart du temps« .
Sa grand-mère avait compris
Sa grand-mère, Nelly, avait compris qu’Emmanuelle Béart avait été abusé sexuellement par un membre de la famille. Malheureusement décédée en 2011, elle a été le salut de sa petite-fille, d’après les propres mots de l’actrice :
« C’est à ma grand-mère que j’en parle. Je ne suis pas sûre qu’elle comprenne, mais instinctivement, elle se dit qu’il faut en parler à mes parents et qu’il faut que je parte de l’endroit où je suis. […] Je lui ai dit exactement ce qui s’était passé pendant quatre ans. Je crois que je la gênais et pourtant elle m’a sauvée », a expliqué Emmanuelle Béart, jeudi 14 septembre au micro de RTL.
« Sans l’intervention de ma grand-mère et sans avoir été placée dans ce train à l’âge de 15 ans pour rejoindre mon père, je doute que j’aurais survécu. C’est aussi brutal que cela, c’est aussi concret que cela. »relate Emmanuelle Béart.
Il est important de rappeler qu’elle avait quitté sa résidence dans le Var pour rejoindre son père en banlieue parisienne.
« Il y a le temps de survie et le temps pour agir. On est dans ce temps-là. Il faut une réponse politique, car l’inceste est un traumatisme collectif. »
Les limites de la Justice
Interrogée par le magazine Elle, elle a expliqué pourquoi elle n’avait jamais porté plainte et gardé le silence pendant si longtemps : »
Je n’aurais pas pu supporter le risque que l’on nie la réalité des faits. Un non-lieu est terrifiant, et c’est ce qui arrive dans la plupart des cas lorsque l’on porte plainte. Aujourd’hui, ma notoriété me permet de financer ce film et de donner une voix à d’autres victimes, mais elle me met également en danger, ainsi que de nombreuses autres personnes. Que gagnerions-nous à dévoiler l’identité de l’agresseur dans les médias maintenant ? La justice ne répond pas à nos attentes. »
L’actrice césarisée a expliqué, au micro de RTL, qu’elle n’avait pas porté plainte « parce que je sais que 70 % des plaintes sont sans suite. La justice aujourd’hui ne semble pas être à la hauteur de ce qui se passe dans notre pays. […] Force est de constater que le système judiciaire, pour le moment, n’a pas l’air de protéger nos enfants parce qu’il est trop long, parce qu’il est encombré, parce que sans doute, il n’y a pas assez de gens qui sont sur ces dossiers ».
« Aucun cri ne sort de ma bouche«
Emmanuelle Béart
L’importance sociétale de ce documentaire
La rencontre fortuite avec la réalisatrice Anastasia Mikova a été le point de départ qui a permis à cette éminente figure du cinéma français de briser le silence qui l’accablait. Cependant, « Un silence si bruyant » ne se limite pas à exposer l’inceste dont Emmanuelle Béart a été victime durant son adolescence.
« Dans une classe de trente enfants, trois ont probablement été abusés sexuellement »
Selon une enquête menée par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) auprès d’un échantillon de 28 010 personnes représentatives de la population française, il est estimé que 5,5 millions d’adultes vivant aujourd’hui ont été victimes de violences sexuelles pendant leur enfance, ce qui équivaut à 10,7 % de l’ensemble des adultes (14,5 % pour les femmes et 6,4 % pour les hommes). Pour donner une idée plus concrète de ces chiffres, cela signifie qu’environ trois enfants sur trente dans une classe ont probablement été victimes d’abus sexuels, comme le souligne Emmanuelle Béart dans le magazine Elle.
1 français sur 10 a été victime d’inceste
Et le film où il y a le bouleversant témoignage d’Emmanuelle Béart explore, également, les histoires de trois adultes, Norma, Pascale, et Joachim, ainsi que celle d’un enfant. Anastasia Mikova qualifie le documentaire de « choral » et « collectif », soulignant ainsi l’ampleur du problème de l’inceste en France, avec des statistiques alarmantes : selon un sondage de l’IPSOS publié en 2020 « 10% de la population française, soit 6 millions de personnes sont victimes d’inceste. »
Lors de l’avant-première, Emmanuelle Béart a également souligné l’importance sociétale de ce documentaire, au-delà de son propre vécu.
La Secrétaire d’État chargée de l’enfance a réagit au témoignage d’Emmanuelle Beart victime d’inceste
La Secrétaire d’État chargée de l’Enfance, Charlotte Caubel, a salué la prise de parole d’Emmanuelle Béart et des autres victimes sur X (ex-Twitter) en disant : « Je salue le courage d’Emmanuelle Béart et de celles et ceux qui témoignent à ses côtés. Il est essentiel de sensibiliser l’opinion publique à ce fléau qui continue de détruire la vie de tant d’enfants. Toutes les trois minutes, un enfant devient victime de violence sexuelle. Brisons le silence. »
Une capagne choc contre l’inceste
Chaque minute un enfant est victime d’inceste. Le gouvernement s’apprête à lancer une campagne de sensibilisation visant à rompre le silence qui entoure ce fléau, de ce tabou.
« C’est la première fois qu’un gouvernement utilise le mot ‘inceste’ dans une campagne, la première fois qu’il parle de ces violences sexuelles au sein de la famille« , a déclaré la secrétaire d’État à l’Enfance Charlotte Caubel à l’AFP.
À travers cette nouvelle campagne, le gouvernement souhaite « faire la lumière sur l’ampleur et la gravité de ces violences » mais également donner « des solutions concrètes en matière de détection et de signalement pour que les victimes ne portent plus seules le lourd secret qui leur est imposé« , détaille le communiqué.
« C’est notre petit secret rien qu’à nous 2«
La campagne sera une vidéo de 30 secondes. Une petite fille d’environ huit ans, assise sur son lit dans sa chambre d’enfant, raconte son calvaire. Avec sa voix intérieure, on l’entend dire : « Il m’a dit ‘c’est notre petit secret, rien qu’à nous deux‘. Il est venu dans ma chambre, il m’a dit qu’on pouvait faire des trucs de grands tous les deux. Ce soir, c’est lui qui vient me garder, je n’ai pas très envie, mais je ne peux pas le dire. C’est un secret. »
S’affiche ensuite cette phrase : « Les violences sexuelles sur les enfants sont un secret trop bien gardé. Toutes les trois minutes, un enfant est victime d’inceste, de viol ou d’agression sexuelle. » La voix off invite à appeler le 119, « au moindre doute ». Cette ligne 119-Enfance est le numéro national d’appel d’urgence, gratuit et confidentiel, concernant les violences faites aux enfants« .
Au cœur de cette nouvelle initiative gouvernementale se trouve une vidéo percutante dont l’objectif principal est de dénoncer le secret qui entoure l’inceste. Cette campagne s’inspire du modèle de sensibilisation utilisé dans le domaine de la sécurité routière, et vise à faire réaliser l’ampleur de ce problème tout en fournissant un numéro d’urgence pour l’aide nécessaire. Au-delà de la protection des enfants, cette campagne encourage également les adultes à parler.
« Sans aucun doute, cette campagne éveillera des consciences. De nombreux enfants osent parler, mais il est bien connu que s’exprimer est une tâche ardue. Nous faisons référence aux adultes protecteurs, à ceux qui peuvent aider les enfants à se confier. Je pense qu’il est crucial qu’un adulte prenne la parole et vienne en aide à ces enfants« , insiste Isabelle Debré, présidente de l’association « L’Enfant bleu ».