Le 14 janvier dernier, le Premier ministre a confirmé que la santé mentale serait érigée Grande cause nationale pour l’année 2025. Un geste nécessaire alors que le système de soins psychiatriques en France traverse une crise sans précédent : un Français sur cinq est touché par un trouble psychiatrique. Le Comité d’Éthique appelle à une réforme urgente pour répondre à cette crise sanitaire, humaine et sociétale et à ce que la psychiatrie soit une urgence nationale.

 

Alors que la santé mentale est désormais érigée Grande cause nationale pour l’année 2025, le Comité Consultatif National d’Éthique pour les sciences de la vie et de la santé (C.C.N.E.) publie aujourd’hui son Avis 147 : « Enjeux éthiques relatifs à la crise de la psychiatrie : une alerte du C.C.N.E. ». Ce rapport met en lumière l’urgence de répondre à une crise de la psychiatrie d’une ampleur inédite, et souligne les enjeux éthiques, sociaux et humains fondamentaux liés à la prise en charge des troubles psychiatriques, qui concernent un peu plus de 13 millions de français.

 

Pour que la psychiatrie devienne une urgence nationale

Malgré une prise de conscience croissante de son importance, le secteur psychiatrique demeure fragile. La psychiatrie qui constitue un pilier essentiel de la prise en charge clinique des souffrances psychiques les plus complexes, est confrontée à des défis majeurs : conditions d’accès dégradées, pénurie de moyens, inégalités territoriales marquées. Cette situation engendre de graves répercussions, tant pour les patients que pour leurs familles, et plus largement pour la société dans son ensemble.

 

« La fragilité de la psychiatrie révèle un paradoxe insoutenable : alors que les besoins augmentent, les moyens restent insuffisants, amenant à une saturation complète du système de soins. Cette crise dépasse la question des soins, c’est un signal d’alarme pour une société qui sous-estime encore l’impact de la souffrance psychique. » 

Angèle Consoli, PU-PH psychiatre, co-rapporteure de l’Avis 147 et membre du C.C.N.E.

 

Face à cette crise, le CCNE appelle à la mise en œuvre rapide d’un Plan Psychiatrie, reposant sur trois priorités stratégiques :

  1. Garantir un accès à des soins psychiatriques dignes et renforcer la vigilance autour de la santé mentale de tous – Il est crucial d’assurer des soins accessibles, équitables et de qualité sur tout le territoire.
  2. Lutter contre la stigmatisation et l’exclusion des personnes vivant avec des troubles psychiatriques – Promouvoir une éthique d’intégration, dans le respect des principes de liberté, d’équité et de dignité, pour mettre fin aux discriminations et à l’isolement.
  3. Renforcer la formation et la recherche dans toutes les disciplines qui concourent à la prise en charge psychiatrique – Développer les compétences des professionnels et soutenir les innovations scientifiques et cliniques pour améliorer les traitements et la compréhension des troubles psychiatriques.

 

Le CCNE insiste sur la nécessité de réaffirmer la psychiatrie comme une discipline clinique essentielle dans la prise en charge de la souffrance psychique. La crise actuelle de la psychiatrie en France, comme dans d’autres pays européens, révèle une fracture plus large au sein de nos sociétés, caractérisée par une précarité croissante et des tensions sociales exacerbées. Dans ce contexte, les soins psychiatriques ne peuvent être appréhendés uniquement sous l’angle des soins individuels : ils doivent être envisagés comme une question collective, intégrant les dimensions sociales, épidémiologiques et politiques des souffrances contemporaines.

 

« La psychiatrie est le miroir des fractures sociales et des tensions de nos sociétés. Réaffirmer son rôle, c’est reconnaître que la santé mentale est une responsabilité collective, au croisement de la précarité, des inégalités et des vulnérabilités contemporaines. » 

Fabrice Gzil, professeur associé de philosophie et d’éthique à l’Université Paris Saclay, co-directeur de l’Espace de réflexion éthique d’Île-de-France co-rapporteur de l’Avis 147 et membre du C.C.N.E.

 

Le CCNE appelle à une mobilisation collective urgente, impliquant une coordination renforcée entre les acteurs publics, les professionnels de santé, les chercheurs et les associations. Cette mobilisation nécessite également un soutien politique affirmé, accompagné de moyens financiers conséquents et d’une vision claire des réformes à engager.

 

« Répondre à la crise de la psychiatrie exige bien plus qu’un simple ajustement des moyens. Il faut une mobilisation coordonnée, portée par une volonté politique forte, qui fédère les institutions, les professionnels et la société civile autour d’un projet clair : replacer la dignité humaine et la santé mentale au cœur de nos priorités »

Sophie Crozier, praticien hospitalier neurologue, co-rapporteure de l’Avis 147 et membre du C.C.N.E.

 

Dans un contexte de crises multiples, il est primordial de redonner à la psychiatrie les moyens d’agir comme un lieu d’accueil et de traitement digne pour ceux qui souffrent psychiquement. Pour le C.C.N.E., il est impératif de ne plus différer les décisions : investir aujourd’hui dans un Plan Psychiatrie, c’est non seulement répondre à une urgence sanitaire, mais aussi préserver la cohésion sociale et construire une société plus solidaire et résiliente.

 

L’Avis 147 et le détail de ses préconisations pour que la psychiatrie devienne une urgence nationale sont disponibles sur ccne-ethique.fr/fr.