La publication, le 2 janvier, d’un article dans la revue Science affirmant que l’essentiel des cancers est dû au hasard et l’importance médiatique donnée à cet article visent à relancer l’idée qu’il n’y a pas d’épidémie de cancers et qu’au contraire le phénomène serait « naturel » [1]. Explications.
Les auteurs basent leur analyse sur une donnée biologique, c’est-à-dire la probabilité des cellules souches à muter. Ce phénomène ne permet en aucune façon d’en déduire que la majorité des cancers sont liés au hasard. Une telle affirmation nie l’essentiel des connaissances sur la réalité de l’épidémie de cancer. Des facteurs de risque comme le tabac pour le cancer du poumon ou l’alcool pour les cancers des Voies Aéro-Digestives sont suffisamment établis pour ne pas pouvoir être niés.
Les auteurs mettent par ailleurs curieusement de côté les cancers du sein et de la prostate, ce que l’on appelle les cancers hormono-dépendants. Le RES a organisé un colloque le 29 octobre dernier au Sénat autour de cette question, en partant du fait que selon les données du Centre International de Recherche sur le Cancer, la France est devenue le 1er pays au monde pour ce qui est de l’incidence, c’est-à-dire le nombre de nouveaux cas chaque année [2].
Ces cancers sont en augmentation partout dans le monde. Le cancer du sein est ainsi devenu le 1er cancer féminin pour 90 % de la population mondiale.
La preuve de l’origine environnementale des cancers vient des données épidémiologiques.
‒ L’incidence des cancers pris en charge au titre des affections de longue durée (ALD) en France a doublé en l’espace de 18 ans, alors que la population concernée progressait de 20 % pendant cette période [3];
‒ Les registres de jumeaux aboutissent à la conclusion que 2/3 des cancers sont liés à l’environnement au sens large
‒ Les migrants adoptent en général les cancers du pays d’accueil [5].
Les preuves sont aussi toxicologiques
L’article de Tomasetti et Vogelstein fait l’impasse sur une donnée scientifique majeure, à savoir le fait que l’origine des cancers ne procède pas seulement, comme on l’a cru longtemps, d’une mutation mais qu’il peut résulter d’une perturbation de l’expression des gènes. Les données toxicologiques montrent de façon indiscutable que des perturbateurs endocriniens comme le bisphénol A induisent ainsi des cancers du sein et de la prostate après exposition pendant la période de gestation. Ce résultat peut être extrapolé à l’espèce humaine comme le prouve le cas du distilbène, frère jumeau du BPA. Les « filles distilbène » ont un taux de cancer du sein augmenté de 80 % [6].
Au moment où se discute la loi santé, il est urgent de sortir du discours niant la réalité de la crise sanitaire, dont l’épidémie de cancer est une composante. Il est urgent qu’un axe santé environnement soit clairement inséré dans cette loi.
SOURCES
[1]. Tomasetti C, Vogelstein B. Cancer etiology. Variation in cancer risk among tissues can be explained by the number of stem cell divisions. Science. 2015 Jan 2;347(6217):78-81.
[2]. http://reseau-environnement-sante.fr/wp-content/uploads/2014/07/DP_Conf_Presse_Crise_sanitaire_17062014.pdf
[3]. http://www.ameli.fr/fileadmin/user_upload/documents/evolution_1990_2008.pdf
[4]. Lichtenstein Pet al . Environmental and heritable factors in the causation of cancer-analyses of cohorts of twins from Sweden, Denmark, and Finland. N Engl J Med. 2000 Jul 13;343(2):78-85.
[5]. G. Maskarinec et J. J. Noh, « The effect of migration on cancer incidence among Japanese in Hawaii », Ethnicity and Disease, vol. 14/3, 2004
[6]. R. N. Hoover et al., « Adverse health outcomes in women exposed in utero to diethylstilbestrol », New England Journal of Medicine, vol. 365/14