La régularisation des médecins étrangers en France tourne à l’exclusion. Le décret du 28 mai 2025 est dénoncé comme injuste par l’IPADECC.

 

Le décret du 28 mai 2025, censé permettre la régularisation des médecins étrangers exerçant dans les hôpitaux français, était annoncé comme une avancée majeure. Mais pour des milliers de praticiens à diplôme hors Union européenne (PADHUE), ce texte marque au contraire une profonde désillusion.

Derrière une façade juridique et technocratique, cette réforme n’intègre rien ni personne. Elle impose une sélection opaque, efface l’expérience acquise sur le terrain, et laisse sur le carreau ceux qui, depuis des années, font tenir debout les services hospitaliers les plus en tension.

L’association IPADECC, qui représente ces professionnels, dénonce une mascarade de régularisation. Ses représentants, les Dr Abdelhalim Bensaidi et Ali Alkhafagi, tirent la sonnette d’alarme. À travers leurs témoignages, cet article décrypte pourquoi cette réforme est vécue comme une trahison.

Qui sont les médecins étrangers concernés par cette régularisation ?

Des professionnels déjà indispensables

Les PADHUE sont des médecins diplômés à l’étranger, souvent en dehors de l’Union européenne, mais qui exercent déjà en France depuis des années. Ils travaillent dans les hôpitaux publics, là où personne ne veut aller : urgences, psychiatrie, EHPAD, médecine polyvalente, soins de suite…

Ils soignent, forment des internes, prennent des responsabilités. En 2025, ils sont plusieurs milliers, souvent à temps plein, à tenir à bout de bras un système hospitalier en crise. Leur situation, pourtant, reste précaire, faute d’un statut clair.

Un décret qui impose une épreuve déconnectée du réel

 

 Une soi-disant « voie interne » qui ne change rien

Le décret crée une voie interne censée faciliter la régularisation des médecins étrangers déjà en poste. En réalité, elle impose le même QCM théorique que le concours classique, sans aucune reconnaissance des années d’expérience.

« Même des collègues ayant obtenu 18/20 au QCM en 2024 doivent repasser l’épreuve ! Faut-il viser 21/20 pour être considérés comme compétents ? »
Dr Ali Alkhafagi, vice-président de l’IPADECC

Aucune prise en compte du terrain

L’épreuve pratique est supprimée. L’avis du chef de service, pourtant requis pour déposer un dossier, n’est même pas intégré à l’évaluation finale. Tout repose sur une épreuve académique abstraite, déconnectée des réalités hospitalières.

Un système injuste, opaque et sans recours

Une sélection arbitraire

Les dérives déjà dénoncées sont reconduites :

  • Barèmes non communiqués ;

  • Seuil d’admission fixé après l’épreuve ;

  • Nombre de lauréats inférieur aux postes ouverts ;

  • Aucun recours possible.

Même les plus brillants d’entre eux peuvent être éliminés, sans justification, sur la base d’un QCM qui ne reflète en rien leur compétence médicale.

Une expérience ignorée, un engagement effacé

« Soit nous avons exercé illégalement pendant des années, soit nous avons été exploités par un système hypocrite qui nous juge indispensables mais jamais légitimes. »
— Dr Abdelhalim Bensaidi, président de l’IPADECC

Ces médecins ne postulent pas : ils sont déjà dans le système. Ils ont été recrutés dans les services, assurent les gardes, gèrent les patients, et doivent maintenant prouver leur valeur sur table. Un non-sens.

« Ce n’est pas une intégration. C’est une sélection à huis clos, déconnectée du réel. Une mise en scène technocratique. »
— Dr Ali Alkhafagi

 Une fausse réponse à la crise de l’hôpital public

Le décret est arrivé peu après une grève de la faim de 10 jours, menée par des membres de l’IPADECC, restée ignorée par le ministère. Aujourd’hui, cette réforme est vendue comme une réponse à la pénurie médicale. Elle n’en est pas une.

« Ce décret ne reconnaît rien, ne répare rien. Il institutionnalise l’exclusion de ceux qui sont déjà là, compétents, engagés, et indispensables. »
— Dr Abdelhalim Bensaidi

Ce que demandent les médecins étrangers : reconnaissance, pas concours

Des propositions concrètes

Les praticiens concernés ne réclament pas un passe-droit. Ils demandent :

  • Une prise en compte de leur expérience réelle ;

  • L’intégration de l’avis des chefs de service ;

  • Une grille de sélection transparente ;

  • La possibilité d’un recours ;

  • Et surtout, la reconnaissance de leur travail.

 

Pour une vraie régularisation des médecins étrangers en poste

À l’heure où les hôpitaux manquent cruellement de bras, la France ne peut pas se permettre d’ignorer ceux qui sont déjà là, en poste, et compétents.

« Régulariser, ce n’est pas faire un cadeau. C’est réparer une injustice. C’est reconnaître ceux qui soignent déjà, et leur donner la légitimité qu’ils ont méritée. »
— Dr Ali Alkhafagi

Appel à l’action : soutenir ceux qui soignent

L’association IPADECC appelle citoyens, élus, patients et soignants à :

  • Relayer cet appel,

  • Interpeller les autorités,

  • Et refuser une réforme d’exclusion déguisée en progrès.

Parce que la régularisation des médecins étrangers, ce n’est pas seulement une question administrative.
C’est une urgence humaine et sanitaire.