Dans le cadre de son travail d’analyse des forces politiques françaises, la Fondation Jean-Jaurès publie « Les questions de genre et de lutte contre le sexisme dans le vote à la présidentielle, un frein au zemmourisme ? », une note rédigée par Louise Jussian, chargée d’études à l’Ifop et membre de notre Observatoire de l’opinion. Alors, les femmes avec Zemmour ? Elle constate que l’électorat féminin est moins perméable aux discours du presque candidat Éric Zemmour car ce dernier fait craindre a beaucoup d’électrices une remise en cause des droits des femmes.
1/ La candidature d’Éric Zemmour réactive le « radical gender gap ». Alors que Marine Le Pen était parvenu à le neutraliser, l’électorat féminin apparait moins perméable à l’extrême droite de Zemmour : 12% des femmes ont l’intention de voter pour le polémiste, contre 17% des hommes.
2/Éric Zemmour, l’homme qui fait peur aux femmes ? Plus d’une femme sur trois (66%) se disent inquiètes pour leurs droits à l’idée que ce dernier soit élu président de la République.
3/ Le droit des femmes déterminant pour les jeunes femmes (86% des moins de 25 ans le prendront en compte dans leur vote pour 2022) mais pas pour toute les femmes (47% des Françaises jugent ce thème déterminant dans leur vote). Ces résultats révèlent l’absence d’effet MeToo notable dans l’ensemble de l’électorat féminin, malgré une très forte mobilisation des plus jeunes.
4/ Emmanuel Macron arrive en tête des intentions de vote (25% des femmes ont l’intention de voter pour lui) malgré un bilan mitigé en matière de droits des femmes : moins d’une Français sur deux (47%) est satisfaite de l’action du président de la République.
5/ La fin du mythe de la prime à la « virilité » dans la compétition pour l’élection présidentielle : 41% des femmes ayant l’intention de voter pour une femme déclarent que le genre de leur candidate est déterminant dans leur choix. Il existerait donc aujourd’hui une prime à la féminité dans une dynamique d’habilitation des femmes dans le politique.
L’ANALYSE COMPLÈTE DE LOUISE JUSSIAN DE L’IFOP
Face à l’ascension dans les sondages d’un candidat aussi ouvertement misogyne qu’Éric Zemmour, la question se pose de savoir comment l’électorat féminin appréhende la candidature de l’auteur du Premier sexe (2006) et, plus largement, quel rôle vont jouer les enjeux relatifs aux droits des femmes et à la lutte contre le sexisme dans cette première campagne présidentielle de l’ère post-MeToo.
Dans une pré-campagne souvent marquée par une concurrence entre hommes et femmes au sein de chaque camp (ex : Y. Jadot versus S. Rousseau pour la primaire EELV, X. Bertrand versus V. Pécresse pour la primaire LR, E. Zemmour versus M. Le Pen pour les nationalistes), on peut se demander si le genre des candidat(e)s joue encore un rôle dans un processus de décision électorale marqué cette année – il fait le rappeler – par des appels à « la virilité » (J.-M. Le Pen, juin 2021[1]) ou des assertions selon lesquelles « les femmes n’incarnent pas le pouvoir » (Éric Zemmour[2]).
Confirmant les enseignements tirés de grandes enquêtes publiées récemment, une étude de l’Ifop menée pour le magazine Elle auprès de 2 000 personnes montre que si l’électorat féminin n’échappe pas à une certaine extrême-droitisation, il n’en n’exprime pas moins une forte aversion à l’égard d’Eric Zemmour, qui fait craindre a beaucoup d’électrices une remise en cause des droits des femmes, droits qui constitueront pour les jeunes femmes de la génération #MeToo le critère déterminant de leur vote le 10 avril 2022.
Un électorat féminin moins perméable au zemmourisme
Cette étude Ifop pour Elle confirme la réémergence du « radical right gender gap » (expression signifiant une adhésion moindre des femmes à l’extrême droite par rapport aux hommes) en la candidature d’Éric Zemmour, mise en lumière récemment dans de grandes enquêtes (ex : étude Ifop pour la LICRA[3], étude Ipsos-Cevipof-Fondation Jean Jaurès[4])
Le scrutin présidentiel de 2017 semblait avoir confirmé le nivellement des choix électoraux selon le genre. Marine Le Pen était en effet parvenue à capter l’électorat féminin sous sa candidature alors que la droite radicale avait toujours pâti d’un plus faible engagement du vote féminin. A six mois du premier tour de l’élection présidentielle de 2022, la chute du mur entre les femmes et l’extrême droite semble se confirmer comme le donnent à voir les intentions de vote (toutes précautions d’interprétation gardées dans l’analyse de ces dernières à ce stade de la campagne). Les partis comme le Rassemblement national (RN) ne font plus office de repoussoir auprès des femmes ; les votes de l’électorat féminin en leur faveur ont connu une forte augmentation depuis 2012. A cette époque, le bloc de la droite nationale populiste représentait 19% du vote féminin, pour ensuite s’élever à 27% en 2017 et atteindre aujourd’hui 34%. L’hostilité des femmes envers le RN n’est plus. Ce phénomène est sûrement boosté par la posture moins guerrière et plus apaisée affichée par Marine Le Pen par souci de présidentialisation, ainsi que par la précarisation accrue des femmes déjà en situation de fragilité, pour qui la gauche ne parvient plus à s’ériger en défenseuse si l’on observe ses difficultés à s’imposer dans les intentions de vote.
Toutefois, les données pré-électorales récoltées à ce stade révèlent une réactivation du gender gap à l’extrême droite en la candidature d’Éric Zemmour. Si Marine Le Pen était parvenue à neutraliser ce phénomène, le polémiste le ranime, sa candidature faisant office de repoussoir pour les femmes. Si l’élection présidentielle avait lieu demain, à l’instant t et selon le rapport de force actuel, ce sont 17% des hommes qui voteraient pour Eric Zemmour contre seulement 12% des femmes. Et le négatif photographique de ce résultat se retrouve dans les intentions de vote pour Marine Le Pen : 20% des femmes et 16% des hommes ont l’intention de voter pour elle, donnant à voir une différenciation selon le genre dans le vote d’extrême droite.
Source : Étude Ifop pour Elle réalisée par questionnaire auto-administré en ligne du 20 au 22 octobre 2021 auprès d’un échantillon de 1 030 femmes, extrait d’un échantillon national représentatif 2 002 personnes âgées de 18 ans et plus
Autre faiblesse de la base électorale du polémiste : les jeunes femmes « primo votantes ». En effet, un clivage générationnel émaille l’électorat féminin, et le poids de cette variable dans les choix électoraux semble presque se substituer à celui du genre dans les intentions de vote pour les autres bords politiques. Les femmes âgées de moins de vingt-cinq ans adoptent des comportements plus typiques que les autres générations, peut-être car leur récente politisation s’est opérée dans un contexte post-MeToo et rythmé par les marches pour le climat, en faisant un électorat encore à part. Quand on focalise sur le vote des femmes âgées de dix-huit à vingt-quatre ans, la hiérarchie entre les candidats semble s’inverser : Yannick Jadot recueille ainsi 22% de leurs intentions de vote quand sa candidature ne rassemble que 7% des voix chez l’ensemble des femmes. Quant à Eric Zemmour, il tombe à 7% des intentions de vote auprès de cette cible.
Source : Étude Ifop pour Elle réalisée par questionnaire auto-administré en ligne du 20 au 22 octobre 2021 auprès d’un échantillon de 1 030 femmes, extrait d’un échantillon national représentatif 2 002 personnes âgées de 18 ans et plus
Ainsi, Éric Zemmour, ou « l’agitateur » de cette pré-campagne, vient fractionner l’électorat d’extrême droite ; son ton guerrier et offensant envers les femmes l’empêchant de recueillir leur adhésion. Les électeurs et électrices de la droite nationaliste se retrouvent donc presque scindés en deux groupes : les femmes avec Marine Le Pen et les hommes avec Éric Zemmour.
Existe-t-il toujours un « vote des femmes » ?
Dans les années 1990, Janine Mossuz-Lavau[5] identifiait trois phases dans la construction du vote des femmes, depuis son acquisition dans les années 1940 jusqu’à l’époque contemporaine de la rédaction de son analyse. La première phase dite de « l’apprentissage » s’étalant jusqu’aux années 1960 se définit par une participation des femmes bien inférieure à celle des hommes, et par une orientation plus droitière de leur vote. La deuxième phase de « décollage » voit, dans les années 1970, une hausse de la participation féminine et une première réduction de l’écart entre les hommes et les femmes sur le vote de gauche. Et la troisième phase de « l’autonomie », dont le tournant des années 1980 ancre encore le virage vers la gauche du vote des femmes, met également en exergue une certaine hostilité de cette frange de l’électorat à l’égard des forces politiques d’extrême droite.
Aujourd’hui, et après le chamboulement du scrutin présidentiel de 2017, le vote des femmes s’inscrit-il toujours dans cet âge de l’autonomie ? Il serait impossible d’apporter ici une réponse, mais la précédente analyse d’un alignement de l’orientation du vote des femmes sur celui des hommes au travers de leur appétence pour l’extrême droite constitue un premier point de départ à cette réflexion. Un autre point de départ serait l’analyse du taux de participation des femmes aux scrutins des années 2010.
La phase d’autonomie conceptualisée par Janine Mossuz-Lavau met en exergue une quasi égale participation à des scrutins entre les hommes et les femmes. La variable du genre n’apparaitrait alors plus significative dans l’explication de l’abstention comme l’affirme Mariette Sineau. C’est en effet ce qui est mesuré depuis les années 1980 et qui se confirme lors des premiers tours des derniers scrutins présidentiels : en 2012, 79% des hommes se sont rendus aux urnes et 81% des femmes, et en 2017 ce sont 80% des hommes et 79% des femmes (sondages jour du vote, Ifop). C’est également ce que l’on observait en 2014 pour les élections municipales : 64% des hommes sont allés voter et 62% des femmes. Toutefois, 2015 et les élections régionales voient s’amorcer une baisse de la participation féminine sur les autres formes de scrutin que l’élection reine. Ainsi, aux élections régionales de 2015, ce sont 57% des hommes qui se sont déplacés pour voter contre 45% des femmes, soit un différentiel de 12 points, et aux élections européennes de 2019, nous retrouvons un écart de 8 points sur la participation. La crise du Covid apparait alors comme un catalyseur de cette baisse amorcée lors des précédents scrutins (12 points d’écart sur la participation aux élections municipales de 2020, et 6 points pour les dernières élections régionales), et met à jour la fragilité de l’engagement des femmes par rapport aux hommes dans le vote.
Eric Zemmour, le candidat qui inquiète deux femmes sur trois
Une des clefs d’explication de la réactivation de cette différenciation du vote entre les hommes et les femmes est à trouver dans la « zemmouro-scepticisme » exprimée par deux électrices sur trois.
Diverses études[6] ont montré que malgré sa capacité à capter son électorat dans quasi toutes les strates de l’opinion, la faiblesse de la candidature du polémiste réside dans sa difficulté à rallier le vote des femmes, réactivant ainsi une forme de « radical right gender gap » sur sa candidature, phénomène qui tendait pourtant à se résorber depuis ces dernières années. Pointé du doigts pour ses prises de position misogynes et violentes à l’égard des femmes, non seulement le polémiste souffre d’un déficit de voix chez les femmes, mais il provoque également chez elles une aversion forte. Ce sont en effet 66% des femmes qui se disent inquiètes pour leurs droits s’il était un jour élu à la présidence de la République. Cette « zemmouro-scepticisme » traverse largement toute la gent féminine, et imprègne particulièrement les femmes ayant une sensibilité féministe (70% d’inquiétude chez les « très féministes »).
Source : Étude Ifop pour Elle réalisée par questionnaire auto-administré en ligne du 20 au 22 octobre 2021 auprès d’un échantillon de 1 030 femmes, extrait d’un échantillon national représentatif 2 002 personnes âgées de 18 ans et plus
Les droits des femmes : un rôle déterminant du vote des jeunes électrices mais pas de l’ensemble des femmes
L’impact de cette crainte pour les droits des femmes est tout de même à nuancer car comme le montre l’étude Ifop pour Elle, toutes les femmes ne lui accordent pas la même importance dans la construction de leur vote.
Comparativement à 2017, la place des droits des femmes dans les déterminants du vote féminin semble relativement constante. En effet, ce sont toujours 47% des femmes qui jugent cet enjeu « déterminant » dans le choix de leur vote à l’élection présidentielle. Si le positionnement des candidats en matière de droit des femmes reste déterminant, ce dernier est à relativiser une fois mis en concurrence avec d’autres thématiques dont le poids dans le vote a augmenté depuis 2017. Ainsi, la santé (déterminante pour 71% des femmes) a, sous l’effet de la crise liée à la Covid-19, augmenté de 8 points depuis 2017, comme la lutte contre l’insécurité et la délinquance, qui a connu une hausse de 12 points (70% des femmes déclarent que c’est un enjeu déterminant).
Toutefois, cette hiérarchie des thématiques dans le déterminant du vote s’inverse totalement chez les femmes de moins de vingt-cinq ans. Beaucoup plus nettement touchées par le mouvement MeToo et l’émergence de collectifs féministes comme Nous toutes, les jeunes placent la défense des droits des femmes en tête de leurs déterminants du vote (86%, soit plus de 27 points depuis 2017). L’impact de la crise sanitaire se fait également sentir au sein de cette population (73% déclarent la santé comme déterminante, soit une hausse de 21 points depuis la dernière élection présidentielle). Enfin, depuis le dernier scrutin national, la protection de l’environnement s’est fortement imposée dans les ressorts du vote des jeunes femmes. Avec une hausse de 30 points, ce sont désormais 71% d’entre elles qui prendront en compte les positionnements des candidats sur la lutte contre le réchauffement climatique dans leur choix de vote pour 2022.
A contre-pied des idées reçues, c’est dans le vote des femmes les moins diplômées et les plus précaires que la défense de la condition féminine sera le plus déterminante : 52% des femmes ayant un diplôme inférieur au baccalauréat jugent cet enjeu déterminant, contre 38% de celle diplômées du supérieur. Pareillement pour les employées qui sont 51% à prendre en compte le droit des femmes dans leur vote, contre 31% des cadres et professions intellectuelles supérieures.
Ce résultat peut être compris comme la manifestation de la précarisation accrue des femmes étant dans des situations socio-professionnelles moins certaines et subissant une forme de double peine : celle de leur statut social plus précaire et celle de la domination subie incombant à leur genre.
La candidature d’Emmanuel Macron ne pâtit pas d’un jugement mitigé sur son action en faveur des droits des femmes
Preuve que l’aspect déterminant des droits des femmes ne traverse pas l’opinion féminine de manière homogène, Emmanuel Macron parvient, malgré un bilan mitigé en la matière, à se hisser, pour l’instant, en tête des intentions de vote des femmes et des féministes.
Au lendemain de son élection, Emmanuel Macron présentait la lutte pour l’égalité entre les hommes et les femmes comme la « grande cause du quinquennat ». A la veille du prochain scrutin, quel bilan les femmes en tirent-elles ?
Ce sont moins de la moitié des Françaises (47%) qui se disent satisfaites de l’action du président de la République concernant « l’amélioration des droits des femmes ». Ce résultat mitigé reste cependant important quand on le compare aux autres domaines d’action du chef de l’État. L’amélioration de la situation des femmes en France arrive en effet en deuxième position des secteurs vecteurs de satisfaction après l’entretien des relations avec l’Union européenne (56%). Toutefois, cette satisfaction ne semble pas traverser l’opinion féminine de manière homogène : les plus jeunes (qui, on l’a vu précédemment, sont particulièrement attachées à cette thématique) sont 39% à se déclarer satisfaites contre 50% des 35-49 ans. Ce résultat fluctue également selon le positionnement politique des femmes interrogées, et plus particulièrement qu’elles soient sympathisantes ou non de la majorité présidentielle (96% des partisanes de La République en marche sont satisfaites contre 37% des sympathisantes d’Europe-Ecologie-Les Verts ou 41% du Parti socialiste). Le degré de féminisme joue également sur leur rapport au bilan du chef de l’État et tend à relativiser sa bonne évaluation : plus les femmes interrogées sont féministes, moins elles s’avèrent satisfaites de l’action menée par le gouvernement (34% des « très féministes » contre 50% chez les « non féministes »).
Toutefois, ce bilan en demi-teinte ne semble pas se faire ressentir sur l’engagement des femmes à l’égard du président de la République puisqu’il recueille 25% des intentions de vote de ces dernières, le plaçant en première position chez les femmes. S’il apparaît « fort » chez ces dernières, il l’est particulièrement chez les électrices revendiquant une sensibilité accrue à la condition féminine puisque 31% des femmes « très féministes » ont l’intention de voter pour lui. Ces deux résultats « paradoxaux » donnent peut-être à voir la manifestation de deux formes de féminisme ne donnant pas la primeur aux mêmes problématiques, l’une étant satisfaite de l’action du gouvernement en matière de droit des femmes, l’autre jugeant ce bilan encore largement insuffisant au vu des enjeux et des promesses de début de mandat.
Source : Étude Ifop pour Elle réalisée par questionnaire auto-administré en ligne du 20 au 22 octobre 2021 auprès d’un échantillon de 1 030 femmes, extrait d’un échantillon national représentatif 2 002 personnes âgées de 18 ans et plus
Le mythe de la prime à la « virilité » dans la compétition présidentielle
Dans un modèle de société où l’identité particulière des individus semble de plus en plus prise en compte, chaque candidat à une élection présidentielle tente de se distinguer de ses adversaires sur ses traits de personnalité et d’appartenance. La virilité a longtemps été présentée comme une qualité incontournable d’un participant au « combat » pour l’Élysée. Flotterait alors l’idée qu’il existe une « prime à la virilité », idée aujourd’hui largement contestée par l’opinion publique.
En effet, 41% des femmes ayant l’intention de voter pour une femme en 2022 déclarent que le genre de cette candidate les a incitées à voter pour elle plutôt que pour un homme portant les mêmes idées. Il existe donc une « prime à la féminité » chez les femmes, mais aussi chez les hommes souhaitant voter pour une femme qui sont 43% à partager cette opinion. En négatif, la masculinité d’un candidat semble moins jouer, notamment sur le vote des femmes (15% des électrices potentielles d’un homme votent pour ce dernier du fait de son genre). Ce double résultat peut nous permettre de formuler l’hypothèse selon laquelle la prime au féminin dans le vote féminin s’inscrit dans une dynamique d’habilitation des femmes dans le politique par rapport aux hommes, en effet, leur présence à des postes électifs est plus courante.
De plus, le fait de voter pour une femme en raison de son identité de genre apparaît comme un choix « féministe ». En effet, les femmes déclarant avoir une sensibilité féministe sont plus nombreuses à prendre en compte ce critère que celles n’en déclarant aucune, et les plus militantes placent ce critère au premier plan (61% d’entre elles) lorsque deux candidats présentent des idées semblables. Le fait qu’aucune femme n’ait encore été élue à la présidence de la République peut appuyer cette démarche des électeurs et électrices à voter davantage pour l’une d’elle. Être un femme candidate à la présidentielle en 2022 ne semble plus représenter un handicap
Si ces résultats rendent caduques les « appels à la virilité »[7] de certains hommes politiques, le genre des candidats n’apparaît tout de même pas totalement déterminant au point de surclasser les propositions programmatiques et la personnalité de ces derniers dans les déterminants du vote.
Contrairement aux assertions d’Eric Zemmour selon qui « les femmes n’expriment pas le pouvoir »[8], la figure de la femme présidente de la République semble de plus en plus s’imposer dans l’opinion publique. La capacité des femmes à occuper de hauts postes électifs n’est plus frontalement questionnée par les Français puisque nous mesurons depuis les années 1980 un tournant dans la confiance accordée aux femmes pour assumer les fonctions de présidente de la République.
Ce sont ainsi près de huit Français sur dix qui déclarent leur confiance envers une femme pour mener le pays, et ce résultat imprègne dans les mêmes proportions aussi bien les hommes que les femmes. Non seulement l’ensemble des Français apparaît en adéquation avec l’idée qu’une femme puisse être présidente, mais il semblerait que ce taux soit supérieur à celui mesuré à l’égard des hommes. En effet, « seulement » 71% des femmes et 77% des hommes disent faire confiance à un homme pour tenir le rôle de président de la République, contre 80% des femmes et 81% des hommes qui déclarent faire confiance à une femme.
Toutefois, il convient de prendre ce résultat pour ce qu’il est, c’est-à-dire purement déclaratif, avec tous les biais que cela comporte. Ce phénomène déclaratif n’a en effet toujours pas abouti à l’élection d’une femme comme présidente de la République, et nous notons une autre forme de paradoxe : si l’idée qu’une femme est capable d’être présidente imprègne l’opinion publique féminine de manière quasi homogène, les femmes les moins diplômées semblent légèrement plus en retrait que les plus diplômées. Ces dernières sont aussi moins nombreuses à déclarer voter pour une femme parce que c’est une femme. Pour autant, on retrouve une partie de ces femmes moins diplômées dans l’électorat de Marine Le Pen, la femme politique rassemblant ces dernières années le plus de voix autour de sa candidature.
Sources :
[1] Jean-Marie Le Pen le 30 juin 2021.
[2] Eric Zemmour sur le plateau de BFMTV en mars 2013
[3] « Sociologie du « zemmourisme » : radiographie d’un nouvel électorat national-populiste », par François Kraus. Note de l’Ifop pour la Licra et la revue « Le DDV ».
[4] « Radiographie de l’électorat potentiel d’Éric Zemmour », par Antoine Bristielle et Tristan Guerra dans une enquête de la Fondation Jean-Jaurès intitulée « Le Dossier Zemmour : idéologie, image, électorat ».
[5] Mossuz-Lavau Janine. Le vote des femmes en France (1945-1993). In : Revue française de science politique, 43?? année, n°4, 1993. pp. 673-689.
[6] « Sociologie du « zemmourisme » : radiographie d’un nouvel électorat national-populiste », par François Kraus et « Radiographie de l’électorat potentiel d’Éric Zemmour », par Antoine Bristielle et Tristan Guerra.
[7] Jean-Marie Le Pen le 30 juin 2021.
[8] Eric Zemmour sur le plateau de BFMTV en mars 2013
Les écrits et déclarations d’Eric Zemmour dessinent assez nettement ses pensées…