Vous pensez que pour réussir l’échec est à proscrire ? Normal, c’est ce que la pédagogie classique nous serine depuis notre plus tendre enfance. Mais il n’en n’est rien ! Explications.

Saviez-vous que Michael Jordan a raté plus de 9 000 paniers et perdu 30 matchs ? Que Charles Darwin, a échoue en faculté de médecin et en biologie puis à réussi pour se rapprocher vers le désir qui était le sien : être un formidable naturaliste et paléontologue. Que Steve Jobs après avoir été renvoyé d’Apple a rebondit de plus belle et a créé les produits incontournables qui ont fait la gloire de la marque. Que Bowie et Prince ont connu bon nombre d’échec et que c’est grâce à ceux-ci qu’ils ont réussi et sont devenus les stars que l’on connait. Ce genre d’exemple ne manque pas !

La France n’a pas intégré l’Erreur : il y a une véritable peur de celle-ci, dans notre pays. Pourtant, les chercheurs ont montré que l’erreur est une nourriture pour notre cerveau.

Mais qu’est-ce qu’une erreur ? Ce que l’on appelle Erreur relève d’une double production : celui qui l’a produit et celui qui l’interprète. Ce jugement peut être très variable et relatif. Prenez un exercice de mathématique, un élève peut avoir la bonne réponse mais peut être également sanctionné s’il ne suit pas les règles conventionnelles édictées par son professeur. L’erreur est donc observée comme un décalage par rapport à une norme. Les enseignants ne cherchent jamais à voir, ce qui dans ce ratage, peut-être prometteur, singulier et parfois annonciateur de quelque chose d’intéressant.

Des répercussions délétères chez les enfants

Cette façon d’enseigner engendre, chez les enfants :

– une mauvaise estime de soi,

– un manque d’autonomie face à l’erreur,

– une passivité.

De plus, il ne faut pas confondre erreur avec sanction ou punition. On sait aujourd’hui que la punition augmente la peur, le stress, le sentiment d’impuissance. Il est déplorable de constater, que non seulement, l’enseignement classique ne valorise pas l’erreur mais la sanctionne. Pourtant, comme le dit la sagesse populaire « Il n’y a que celui qui ne fait rien qui ne se trompe jamais ».

Il faut changer de regard sur l’échec. Il est dans le fondement de la réussite : il peut augurer le succès. Mais l’enseignant ne le voit pas.

Apprendre c’est échouer

Il ne faut pas oublier que le temps de l’apprentissage est le tâtonnement et l’expérimentation. Si on n’accepte pas de prendre le temps de travailler sur ses erreurs, celles-ci reviennent en boomerang. Et le stress induit bloque le processus d’apprentissage. Le but de l’école est que les élèves progressent et apprennent. Il faut encourager la prise de risque. Cela est très probant en philosophie, l’élève qui ne prend pas de risque ne pourra pas découvrir certaines théories, concepts ou idées. Dans son ouvrage Panser l’erreur à l’école : de l’erreur au dysfonctionnement alerte, Yves Reuter, professeur de didactique en français donne l’exemple suivant : « lors d’une conjugaison un élève dit : « ils prenassent » mais il est important de voir s’il a bien compris l’emploi du passé simple dans un texte, ce qui, là, est fondamental. Et souvent, c’est le cas, et on passe à côté. D’autre part, l’élève qui dit : il prena, a compris, plus ou moins, ce qu’est le passé simple mais il ne s’aligne pas dans le cadre d’une conjugaison qui est moins régulière que l’autre. C’est-à-dire que dans les erreurs, il y a à la fois des choses qui ont été comprises et d’autres sur lesquelles ça achoppe. Le but est de comprendre comment on articule cela au mieux dans l’apprentissage de l’élève ».

On dit aux enfants « tu as fais une erreur et le but maintenant est de ne pas la refaire » mais cela est très anxiogène pour l’enfant parce qu’il y a des domaines où l‘on échoue systématiquement. Ou presque ! L’enfant  peut être amené à généraliser et à se dire « si je rate dans tel ou tel domaine c’est que je suis nul ». C’est un réflexe cognitif. Mais il ne faut pas oublier, qu’il  y a plusieurs facettes dans notre personnalité.  Il est primordial de prendre en compte cet aspect. Je suis multiple, je suis pluriel. Il est important d’apprendre au petit à se connaitre. Car on ne peut pas être bon partout. L’échec n’est pas l’échec de ma personne.

Le savoir est vivant, singulier, ouvert, dans les écoles actives. Et l’enseignant salue ce que les traditionalistes appelleraient erreur. Et sachez que reconnaitre une erreur ne prend pas plus de temps ! L’échec est la source de toute réussite. Tous les chercheurs en sciences cognitives savent que l’erreur est tout à fait normale et même salutaire pour progresser. Elle permet de comprendre ce que l’on a raté. Il y a une dimension positive pour l’élève lorsqu’il se rend compte qu’il a fait une erreur. Créer les conditions de surprise en classe est donc essentiel. il est possible de progresser au sein de son échec. Rappelons-nous ce que disait Becket pour aller vers le succès « on peut rater mais en moins pire » !

 

Sophie Madoun

 

Panser l’erreur à l’école : de l’erreur au dysfonctionnement, Yves Reuter – Lharmatan

Les écoles alternatives, les pédagogies de la bienveillance, Sophie Madoun – Editions Grancher, 15 euros