Dans un travail publié dans le journal EMBO Molecular Medicine, le Dr Juan Iovanna (Inserm) et ses collègues du Centre de recherche en cancérologie de Marseille (CRCM) identifient une signature moléculaire simple qui permet d’orienter les patients vers le traitement qui sera le plus efficace compte tenu du profil moléculaire de leur tumeur.
Avec moins de 5 % de survie à 5 ans, le cancer du pancréas affiche les plus sombres pronostics de tous les cancers. A ce jour, la chirurgie reste le meilleur traitement possible pour les 15 à 20 % de patients dont la tumeur est opérable, avec une espérance de vie de 15 à 18 mois : des métastases malignes apparaissent fréquemment après l’opération. Au stade de développement métastatique, la durée de vie est alors estimée entre 3 et 6 mois. La chimiothérapie et la radiothérapie ne sont que faiblement efficaces.
Comme les autres cancers, le cancer du pancréas résulte de la combinaison de facteurs génétiques, épigénétiques (des modifications biochimiques du génome d’ADN) et environnementaux, qui provoquent des profils très hétérogènes de la maladie, avec des profils très contrastés de symptômes, de prédisposition à la formation de métastases, et de réponse aux traitements des patients. Du fait de cette hétérogénéité, il est très important de pouvoir stratifier les patients, à savoir de pouvoir distinguer différents types de patients en fonction de leur profil de susceptibilité aux traitements disponibles.
Labellisée par la Ligue nationale contre le cancer, l’équipe Inserm du Dr Iovanna a ainsi cherché à identifier des biomarqueurs, signatures moléculaires, qui permettent d’identifier les tumeurs pancréatiques sensibles au traitement par les molécules inhibitrices de l’activité de l’oncogène c-Myc comme par exemple JQ1. Cette famille de molécules, en plein développement par les laboratoires pharmaceutiques, empêche l’activité de la protéine c-Myc, qui est nécessaire à la progression tumorale d’environ un tiers des tumeurs pancréatiques. Ces tumeurs sont extrêmement dépendantes de l’activité c-Myc et donc très sensibles à ses inhibiteurs.
Deux groupes de patients ont ainsi pu être distingués sur la base du niveau d’expression de 16 gènes, un groupe qui présente un niveau élevé de 10 gènes, signature qui permet d’identifier les tumeurs qui présentent des niveaux élevés de c-Myc et qui sont particulièrement sensibles à JQ1, et un groupe qui présente un niveau élevé de 6 autres gènes, signature qui permet d’identifier les tumeurs qui présentent de faibles quantités de c-Myc et qui sont résistantes à JQ1.
Cette signature devrait permettre la mise au point de tests peu coûteux, et de proposer à certains patients, sur la base de l’analyse moléculaire de biopsies obtenues au moment du diagnostic, des traitements dits ciblés – ciblés ici sur la protéine c-Myc – plus efficaces qu’une chimiothérapie classique et non discriminante.
Référence :
Gene Expression Profiling of Patient-Derived Pancreatic Cancer Xenografts predicts sensitivity to the BET bromodomain inhibitor JQ1: Implications to individualized medicine efforts.
Bian B., Bigonnet M., Gayet O., Loncle C., Maignan A., Gilabert M., Moutardier V., Garcia S., Turrini O., Delpero J-R., Giovannini M., Grandval P., Gasmi M., Ouaissi M., Secq V., Poizat F., Nicolle R., Blum Y., Marisa L., Rubis M.,
Raoul J-L., Bradner J-E., Qi J., Lomberk G., Urrutia R., Saul A., Dusetti N., Iovanna J.
EMBO Molecular Medicine, 2017. doi: 10.15252/emmm.201606975
http://embomolmed.embopress.org/cgi/doi/10.15252/emmm.201606975