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On les utilise pour perdre du poids, pour rester en bonne santé, augmenter ses performances sportives ou repousser les affres du temps… Eux, ce sont les compléments alimentaires. Plus de 600 de ces produits, réputés presque « miracles », sont mis sur le marché chaque mois en France. Un marché florissant qui a progressé de 20% en trois ans, pour atteindre quelque 1,2 milliard d’euros en 2013. Mais y a-t-il une réelle veille sanitaire suite à la commercialisation de ces compléments alimentaires? Eléments de réponse.

 

Alors que les ventes de compléments alimentaires explosent en France, Isoclin tire le signal d’alarme. La société de recherche indépendante, basée à Poitiers, dénonce l’absence de veille de sécurité alimentaire post-commercialisation de ces produits. Des produits qui pourtant ne sont pas sans danger pour la santé.

Mais ces fameux « aliments santé » sont-ils sans danger pour les consommateurs ?

Spécialisée en développement clinique et en suivi de sécurité des produits de santé, la société de recherche indépendante Isoclin, basée à Poitiers, observe le sujet à la loupe depuis plusieurs années. Ses conclusions sont sans appel : « La sécurité du consommateur est totalement ignorée par les industriels une fois le produit vendu. Les risques potentiels sont passés sous silence par les acteurs concernés qui préfèrent communiquer sur la qualité des produits en excluant toutes évaluations des risques liés à la consommation des produits », affirme haut et fort le Dr Hubert Taupe, pharmacien gérant d’Isoclin (1).

Quel est le dispositif de nutrivigilance ?

Pourtant, un cadre législatif existe bel et bien dans notre pays. En effet, depuis octobre 2010, l’Anses (2) a mis en place un dispositif national de nutrivigilance pour tous les compléments alimentaires. « La nutrivigilance, c’est s’assurer, tout au long de leur commercialisation, que les produits n’ont pas d’effets indésirables. S’il en survenait, c’est ensuite être en mesure d’évaluer s’ils sont ou non liés aux produits et être capable de prendre les mesures correctrices utiles», décrypte le Dr Taupe.

Dans ce cadre, la législation vise tous les acteurs de la filière : du fabricant au distributeur final, en passant par l’importateur ou le transformateur… Chacun d’entre eux à l’obligation de collecter et signaler tous les événements indésirables.

Alors justement, que s’est-il passé depuis 2010 ? « Absolument rien, lâche Hubert Taupe. Le risque n’est que partiellement recensé, et sous-estimé car mesuré par la seule frange des professionnels de santé qui relèvent les effets les plus graves. Les autres acteurs ne font remonter aucune information et n’applique pas la loi. Hélas, il n’existe aucune sanction. »

Pourtant, le risque est bien réel. « Nombre de ces produits viennent se substituer aux médicaments, sans pour autant bénéficier d’un suivi de sécurité alimentaire, poursuit le gérant d’Isoclin. Que peut-on dire des interactions avec d’autres produits, des intolérances, des allergies, des surdosages ou encore des effets indésirables rares, si on ne les recherche pas systématiquement ? D’ailleurs, ces événements indésirables sont recherchés et signalés dans de nombreux pays, notamment au Québec depuis 2005. »

Les outils de veille existent

Le sujet irrite d’autant plus Hubert Taupe que des outils de veille ont été développés spécifiquement pour les aliments de santé et sont disponibles. À l’image du système de pharmacovigilance conçu pour le médicament. Le problème, c’est qu’ils ne sont pas utilisés.

« Ce sont des outils simples et peu chers qui permettraient très facilement aux acteurs de la filière de faire remonter les effets indésirables depuis le consommateur vers les autorités de tutelle, comme l’exige la réglementation. En mai 2011, nous avons été contactés par l’ANSES et la DGCCRF (3) suite à nos travaux d’expérimentations cliniques entamés à ce sujet depuis 2006. On nous a demandé de proposer une solution simple de sécurité alimentaire post-commercialisation. Après un an de travaux, nous avons créé un outil de nutrivigilance en ligne (NutrivigiWeb) qui a été présenté officiellement en mai 2012 aux Journées Aliments et Santé de la Rochelle. Depuis, c’est le silence radio…»

À qui profite le « crime » ? Pourquoi les industriels renvoient-ils aux calendes grecques leur mise en conformité avec la loi ? Le business primerait-il sur le respect de la réglementation et la protection du consommateur ? Autant de questions qu’Isoclin pose aujourd’hui aux autorités de tutelles. « Nous avons décidé d’alerter l’ensemble des pouvoirs publics, élus et acteurs concernés sur cette situation qui ne peut plus durer. Ainsi, ils ne pourront pas dire, comme on a pu l’entendre par le passé dans certains scandales sanitaires, qu’ils ne savaient pas!», conclut le Dr Taupe.