Une alimentation déséquilibrée est associée à un dérèglement du microbiote intestinal qui favorise les maladies métaboliques comme le diabète. Des chercheurs de l’Inserm, de Sorbonne Université, de l’AP-HP et d’INRAE en collaboration avec une équipe suédoise, montrent que des changements dans la composition du microbiote intestinal entraînent une augmentation des niveaux sanguins d’une molécule appelée le propionate d’imidazole, au sein d’une large cohorte européenne. Cette molécule est connue pour rendre les cellules de l’organisme résistantes à l’insuline. Résultat, un dérèglement du microbiote favorise le diabète de type 2.

L’alimentation joue un rôle important dans la composition du microbiote intestinal. En effet, à partir des aliments consommés, les bactéries intestinales produisent des composés organiques, les métabolites, qui peuvent avoir un impact sur la santé s’ils sont présents en trop grande ou trop faible quantité dans l’organisme. En effet, un dérèglement du microbiote favorise le diabète de type 2.

Des études ont précédemment montré que les changements dans la composition du microbiote intestinal et la production de certains métabolites peut directement influencer le développement du diabète de type 2.

Elles ont par exemple mis en avant qu’une quantité plus faible des bactéries productrices d’un acide gras connu pour améliorer la sensibilité à l’insuline, le butyrate, est associé à un risque de diabète plus élevé.

D’autres travaux récents suggèrent qu’une altération du microbiote intestinal dérègle le métabolisme de l’histidine, un acide aminé présent dans de nombreux aliments, ce qui entraîne une élévation des niveaux d’un métabolite ; le propionate d’imidazole. Cette molécule bloque l’action de l’insuline, l’empêchant de diminuer les quantités de sucre dans le sang.

L’étude publiée dans Nature Communications confirme ces résultats initiaux dans une large cohorte européenne regroupant 1990 participants originaires de France, Allemagne et Danemark. Il s’agit de la cohorte METACARDIS pilotée par l’Inserm dont l’objectif est d’étudier l’impact des changements du microbiote intestinal sur l’apparition et la progression des maladies cardio-métaboliques et des pathologies associées. « METACARDIS est une base de données unique et précieuse dans le sens où elle nous permet d’accéder à des caractéristiques très détaillées sur chacune des personnes enrôlées dans la cohorte avec de nombreuses précisions phénotypiques, métaboliques et génétiques bactériennes », souligne Karine Clément, médecin, enseignante-chercheuse en nutrition à Sorbonne Université et coordinatrice du projet.

Avec ses collègues, la chercheuse montre que dans la cohorte, les sujets atteints de pré-diabète[1] ou de diabète de type 2 présentent effectivement des niveaux plus élevés de propionate d’imidazole dans le sang. Le microbiote intestinal de ces personnes est par ailleurs caractérisé par un appauvrissement important en bactéries.

Les chercheurs suggèrent que ces altérations de la composition bactérienne du microbiote seraient liées à une alimentation peu équilibrée. Elles entrainent un dérèglement du métabolisme de l’histidine qui entraîne à son tour l’augmentation du propionate d’imidazole et donc des problèmes de régulation de la glycémie. Il y a alors un risque plus élevé de développer un diabète de type 2.

Un dérèglement du microbiote favorise le diabète de type 2. « Notre étude suggère que les individus qui ont une mauvaise alimentation ont une augmentation du propionate d’imidazole et qu’il y a une association claire entre la composition appauvrie du microbiote, l’alimentation et le diabète de type 2. Elle vise à faire passer un message de prévention, en soulignant qu’une alimentation plus variée permet d’enrichir le microbiote. Cette étude a aussi des implications thérapeutiques puisqu’on pourrait envisager à l’avenir développer des médicaments modifiant la synthèse de certains métabolites dont le propionate d’imidazole », explique Karine Clément.

Plusieurs questions de recherche continuent à se poser et devraient être élucidées dans de futurs travaux s’appuyant sur la cohorte METACARDIS. Les chercheurs veulent notamment comprendre comment l’élévation d’un ou plusieurs métabolites peuvent prédire, chez les personnes diabétiques, le risque de développer d’autres complications comme par exemple des problèmes cardiovasculaires. Ils veulent également étudier comment l’élévation des niveaux de propionate d’imidazole chez les personnes en situation de pré-diabète pourrait augmenter le risque de devenir diabétique plus tôt dans leur parcours clinique.

Ce large projet de recherche, qui repose sur une étroite collaboration entre plusieurs équipes scientifiques européennes, a reçu un soutien de la communauté européenne (7ème projet cadre Européen FP7-Metacardis), ainsi que de la Fondation Leducq.

 

[1] Le pré-diabète est un trouble glycémique à un stade moins avancé que le diabète proprement dit.  Pour ces personnes, la glycémie à jeun se situe entre 1,10 g/L et 1,25 g/L (une glycémie normale à jeun est inférieure à 1,10 g/L). Le risque de développer un diabète de type 2 ultérieurement est augmenté.

Source : INSERM