Qui doit parler de sexualité aux enfants ? Parents ou école ? Ce débat essentiel aborde le consentement, la prévention et le rôle des familles et enseignants. Éclairage complet.

 

La sexualité des enfants et adolescents : un sujet au cœur des familles

« Maman, comment on fait les bébés ? » Cette question, Sixtine, mère de famille, ne l’oubliera jamais. Elle était démunie lorsque sa fille de 4 ans lui a demandé. Cette scène illustre un dilemme bien connu : qui doit parler de sexualité aux enfants et à quel moment ?

Depuis 2001, la France impose l’éducation à la sexualité dans les écoles, du CP à la terminale, à raison de trois séances par an. Pourtant, dans la pratique, cette obligation est souvent ignorée, principalement en raison de l’opposition de certaines familles ou d’une application inégale dans les établissements. Alors, à qui revient cette responsabilité cruciale ?

 

Parents ou enseignants : des visions contrastées

Pour beaucoup, comme les Associations Familiales Catholiques (AFC), la réponse est claire : « Les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants. Ils connaissent leur maturité et les valeurs à transmettre. » Pascale Morinière, présidente de l’AFC, insiste sur le rôle fondamental des familles pour aborder ce sujet intime. Pourtant, certains parents se sentent démunis face à ce défi, comme Florence, mère d’une ado de 14 ans : « Je n’ai pas les mots. Je suis soulagée que l’école prenne le relais. »

Pour l’école, parler de sexualité ne signifie pas se substituer aux familles mais compléter leur rôle. « L’éducation à la sexualité est essentielle pour promouvoir l’égalité, prévenir les violences sexuelles et développer une vision respectueuse des relations », affirme Myriam Vial, inspectrice pédagogique en sciences de la vie et de la Terre. L’Union Nationale des Associations Familiales (Unaf) soutient cette approche, appelant à une coéducation où parents et enseignants travaillent main dans la main.

 

Défis sociétaux et rôle des tiers

En 2024, l’accès précoce des enfants à la pornographie inquiète. Selon l’Arcom, un adolescent sur trois a déjà consulté des contenus pornographiques avant 12 ans. « La pornographie formate les jeunes au non-consentement, et l’école a un vrai rôle à jouer », explique le gynécologue Israël Nisand. Pour ce dernier, les parents doivent poser des bases morales, mais un tiers qualifié est indispensable pour transmettre les connaissances.

Le dialogue en famille est parfois un défi. « Les adolescents sont souvent gênés de parler sexualité avec leurs parents », souligne Patrice Huerre, pédopsychiatre. Il recommande de passer par des supports externes comme des livres ou des films pour initier la discussion. Des initiatives comme Cycloshow ou Mission XY, qui organisent des ateliers pour préados et parents, aident à instaurer un dialogue apaisé.

 

Que disent les experts ?

Pour Inès Pélissié du Rausas, spécialiste de l’éducation affective, la clé est d’adapter le discours à l’âge et à la maturité de l’enfant. En maternelle, l’éducation se concentre sur le respect du corps et de l’intimité. Au primaire, on aborde les émotions et les relations interpersonnelles. Au collège, les jeunes commencent à comprendre les enjeux de la sexualité, et au lycée, la réflexion critique sur des situations complexes est encouragée.

 

Le consentement, un apprentissage dès le plus jeune âge

Le concept de consentement est au cœur des discussions. « Il est crucial d’enseigner aux enfants que certaines parties de leur corps sont privées et doivent être respectées », explique Claude de Saint Léger, conseillère conjugale. Cette notion va au-delà des interactions physiques : elle s’applique aussi aux gestes du quotidien, comme demander avant de faire un bisou.

 

Une éducation à réinventer

L’éducation affective et sexuelle n’est plus seulement une question de prévention des MST ou des grossesses non désirées. Elle doit inclure des notions de respect, d’égalité et d’acceptation de soi. Des parents comme Jeanne, victime d’abus dans son enfance, militent pour une éducation précoce et ouverte : « Je veux que mes filles sachent poser des mots sur leur expérience et aient les outils pour se protéger. »

En s’appuyant sur les parents, l’école et les experts, l’éducation sexuelle des enfants peut devenir un levier d’épanouissement et de prévention, essentiel dans un monde où les repères évoluent.

 

Retrouver le dossier complet sur la « sexualité enfants qui doit en parler ? » dans le magazine La croix de ce 11 décembre.