De nombreuses pathologies gagnent à être suivies par une équipe multidisciplinaire intégrant différentes spécialités et professions médicales. Cela permet de fournir des soins complets et personnalisés aux patients, dans une plus grande sécurité. C’est le cas notamment pour les maladies cardiométaboliques chroniques, les cancers, le surpoids et l’obésité, ou encore les apnées du sommeil qui touchent une partie croissante de la population.
Augmentation de la complexité et de la spécialisation des soins, vieillissement de la population, hausse des comorbidités (nécessitant la prise en charge de patients souffrant de problèmes de santé multiples), incidence croissante des maladies chroniques (diabète, cancer, maladies cardiovasculaires) … Plusieurs facteurs ont contraint les professions médicales à adopter une approche de soins coordonnée et multidisciplinaire.
Quand multidisciplinarité rime avec efficacité
La prise en charge d’une femme enceinte diabétique qui développe une embolie pulmonaire est un exemple type de soins complexes nécessitant l’intervention de plusieurs professions et spécialités médicales. Dans un grand centre hospitalier, l’équipe soignante réunira ainsi autour de la patiente des infirmier(ère)s, une sage-femme, un obstétricien, un endocrinologue et un pneumologue. Dans un établissement de santé aux ressources plus limitées, l’équipe pourrait n’être composée que d’un(e) infirmier(ère), d’une sage-femme et d’un médecin… Mais dans tous les cas, il est important que tous ces intervenants agissent de manière coordonnée et veillent à bien communiquer les uns avec les autres.
De manière plus générale, qu’il s’agisse de prévention ou de traitement, les approches pluridisciplinaires, par lesquelles divers professionnels de santé de différentes spécialités collaborent pour offrir aux patients une prise en charge globale et individualisée, font depuis plusieurs années la preuve de leur efficacité. Plusieurs études scientifiques, citées par la Haute autorité de la santé (HAS), ont montré qu’« un travail d’équipe multidisciplinaire efficace dans la dispensation des soins peut avoir un impact positif sur la sécurité des patients ». Cette pluridisciplinarité permet d’obtenir « de meilleurs résultats en termes de santé et de qualité des soins, une diminution des erreurs médicales, une meilleure acceptation du traitement et une plus grande satisfaction du patient à l’égard des soins ». Le travail pluridisciplinaire a aussi des impacts positifs pour les professionnels au sein de l’équipe et pour l’équipe dans son ensemble.
En favorisant la détection précoce des complications et des plans de traitement efficaces, le travail d’équipe multidisciplinaire peut aussi réduire la durée des séjours à l’hôpital et les réadmissions inutiles, réduisant ainsi les coûts des soins de santé. De plus, il favorise la prévention, réduisant la probabilité d’apparition de problèmes de santé graves et coûteux à l’avenir.
Le travail en équipe multidisciplinaire a notamment été associé à de meilleurs résultats dans des domaines tels que les soins primaires et la cancérologie. Dans les soins de santé mentale, il permet également une approche holistique, prenant en compte à la fois les aspects psychologiques et physiques de la santé du patient, et peut ainsi améliorer le diagnostic, la planification du traitement et la gestion continue. La pluridisciplinarité contribue également à améliorer la gestion des maladies chroniques (qui touchent près de 15 millions de Français) car l’équipe peut définir le parcours de soin du patient et concevoir collectivement des plans de traitement efficaces intégrant tous les aspects de la santé du patient, favorisant l’adhésion aux plans de traitement et améliorant les résultats de santé.
Un suivi médico-diététique pour traiter l’obésité et les maladies associées
C’est le cas également pour le traitement de la surcharge pondérale, qui exige une étroite collaboration entre médecins et diététiciens. La perte de poids est en effet avant tout une question de santé, un élément du parcours de soin qui doit être encadré par des médecins et des diététiciens, dans une approche pluridisciplinaire.
L’enjeu de santé publique est majeur. En France, selon la Sécurité sociale, près d’une personne adulte sur deux (47 %) est en surpoids, et l’obésité touche 17 % de la population, soit plus de huit millions de personnes. Interrogée dans le Bulletin n°65 du Conseil national de l’Ordre des médecins, Anne-Sophie Joly, fondatrice du Collectif National des Associations d’Obèses (CNAO) explique que « le médecin généraliste et le pharmacien ont un rôle indispensable à jouer dans le parcours de soins des personnes en surpoids. Malheureusement, ils manquent à la fois de temps et de formation. Le médecin pourrait, par exemple, après avoir pris la mesure du tour abdominal, lancer la conversation pour amener son patient à parler ouvertement de sa situation ». Une nécessité tant la surcharge pondérale est souvent synonyme de complications et de pathologies associées. C’est notamment un facteur de risque majeur pour plusieurs maladies chroniques : maladies cardiovasculaires, diabète de type 2, hypertension artérielle, athérosclérose, maladies du foie (stéatohépatite non-alcoolique ou NASH), maladie rénale…
Cette approche pluridisciplinaire, entre médecine et diététique, est ainsi l’une des clés de la réussite du programme RNPC, qui a déjà pris en charge près de 100.000 patients en surcharge pondérale. Pour Rémy Legrand, le concepteur de ce programme médicalisé, dont l’efficacité a été prouvée par plusieurs études cliniques indépendantes, ce suivi médico-diététique « est indispensable pour placer les patients dans la zone de sécurité la plus totale (ce qui implique de connaître leur état clinique), pour identifier les raisons de la prise de poids ou de la résistance à la perte de poids (hypothyroïdie, altération du microbiote, mauvaise qualité du sommeil, stress, etc.), et enfin pour objectiver, tant pour les patients que pour leurs médecins, l’efficacité de la perte de poids par l’analyse des bilans biologiques successifs » et l’allègement de leur(s) traitement(s) médicamenteux .
Le rôle du médecin est en effet fondamental dans la méthode. La prise en charge d’un patient par un centre RNPC exige ainsi au préalable que son médecin ait été informé de son intention de suivre ce programme de perte de poids et que le patient dispose aussi des résultats d’un bilan biologique complet prescrit par son médecin. De plus, les diététiciens transmettent régulièrement des comptes-rendus très détaillés aux médecins qui suivent le patient afin de les informer de l’évolution de leur poids et de leur état de santé général. Le médecin peut ainsi adapter les traitements de son patient en fonction de la perte de poids. L’attention portée par le médecin à son patient est également un facteur de réussite. Si le médecin du patient n’est pas partie prenante, ne soutient pas activement son patient dans sa démarche de perte de poids, et n’insiste pas sur l’importance pour sa santé de stabiliser le poids perdu, le processus devient alors plus compliqué.
Une prise en charge pluridisciplinaire des troubles du sommeil
La prévention et le traitement des troubles du sommeil, et particulièrement des apnées du sommeil, exigent également une approche pluridisciplinaire. Concernant plusieurs millions de personnes de tous âges en France et largement sous-diagnostiquées selon les spécialistes, les pathologies du sommeil peuvent en effet avoir des conséquences sur tous les organes. Elles augmentent notamment le risque de maladies cardiovasculaires, d’hypertension artérielle et de diabète de type 2, a fortiori en cas d’obésité.
« Il est primordial d’améliorer le dépistage et la prise en charge pluridisciplinaire de ces pathologies », estime le Dr Marc Sapène, pneumologue et fondateur du Pôle d’exploration des apnées du sommeil (PEAS) à la Nouvelle Clinique Bel-Air de Bordeaux, également à l’initiative des Journées pratiques respiration-sommeil (JPRS), des rencontres qui rassemblent tous les professionnels de santé impliqués dans les pathologies du sommeil : cardiologues, ORL, kinésithérapeutes, infirmières, orthophonistes, diététiciens, chirurgiens-dentistes…
Tout l’enjeu du pôle d’exploration de Bordeaux est de favoriser cette pluridisciplinarité. Recevant des patients souffrant d’apnées ou d’autres troubles du sommeil (7.000 consultations par an et plus de 2.500 examens d’exploration du sommeil), ce pôle regroupe ainsi en un seul lieu tous les spécialistes des disciplines concernées : pneumologue, cardiologue, pédiatre, endocrinologue, psychiatre, diététicien… Tous formés aux spécificités des pathologies du sommeil.
Un retour à un sommeil de qualité engage donc de nombreux spécialistes et peut contribuer in fine à la perte de poids par exemple. Le Dr Sapène était invité au 3e Congrès RNPC au cours duquel il a rappelé que « le sommeil est un déterminant majeur et un modulateur de la santé » qui joue un rôle essentiel sur le métabolisme et le poids d’un individu. Ainsi, améliorer la qualité du sommeil permet d’obtenir de meilleurs résultats sur la perte de poids. Là encore, l’interdisciplinarité fait ses preuves.
Cette dernière est également essentielle pour les patients souffrant d’apnées du sommeil à composante cardiaque selon le Dr Sapène. Elle est aussi fondamentale pour la mise en place d’une orthèse d’avancée mandibulaire, en vue de favoriser l’ouverture des voies respiratoires en cas d’apnée obstructive, pour laquelle interviennent en complémentarité le chirurgien-dentiste, le chirurgien maxillo-facial, le kinésithérapeute… La prise charge de l’insomnie bénéficie également de la pluridisciplinarité du pôle pour que soient évaluées et traitées les différentes causes : apnées, retard de phase, difficultés psychologiques éventuelles…
« Stabiliser l’équipe pluridisciplinaire autour de ces pathologies du sommeil demandera d’inventer de nouveaux modes de management, estime ce spécialiste. Au Pôle Sommeil de Bel-Air, tous les professionnels collaborent en bonne intelligence… Le travail d’équipe est primordial et j’accorde une grande importance à l’implication de chacun dans les décisions et les modes de prises en charge ». Pour Marc Sapène, « la médecine d’excellence est nécessairement pluriprofessionnelle. Il n’existe pas d’exercice médical solitaire ».