La perte de l’audition est insidieuse. En raison de mécanismes de compensation mis en place par le cerveau, il est possible de ne pas se rendre compte de ce changement et peu à peu de perdre le « contact des autres » puis le « fil de soi ». L’insuffisante prise en charge de la perte naturelle de l’audition par le corps médical a amené des générations à décrocher socialement et à entrer plus rapidement dans les démences séniles. Les aidants professionnels et familiaux sont aujourd’hui confrontés à l’une de ces générations.
Des études scientifiques et des témoignages à l’appui
Les études menées par le Pr Linh ont démontré les liens de corrélation entre perte de l’audition non traitée, dépression, chute des séniors et démence. Ces résultats se sont vus confirmer plus récemment par le travail du Pr Amiéva de l’équipe de l’Inserm de Bordeaux. La déficience auditive amène l’individu à perdre le « fil de soi ». Ce mécanisme est fort peu connu.
Michèle 72 ans, nouvellement équipée d’aides auditives évoque « on devient une autre sans s’en rendre compte ». Cette patiente ne communiquait plus par téléphone avec ses filles et se retirer des temps familiaux. Ses interlocuteurs finissaient par l’agacer. Au cours d’un parcours seniors, une autre patiente senior dynamique, prend conscience des impacts de la perte de l’audition et avoue être déstabilisée que l’on puisse prendre le risque de perdre en qualité de relation sociale et émotionnelle si l’on n’agit pas. Lionel, 44 ans, souffre d’acouphènes depuis son adolescence. Une perte auditive est également associée et l’amène à être en difficulté pour suivre les conversations.Pour fuir cette difficulté, il s’enferme dans son garage et bricole, seul. Il présente un état dépressif géré par une prescription d’antidépresseur. A l’évocation du port d’aides auditives, il se renferme puis évoque une crainte du regard de ses collègues au travail. Au cours de l’échange, il fait part de difficultés de couple et d’agacement de son épouse qui doit sans cesse répéter pour qu’il arrive à décrypter sa parole.
Perdre « le fil de soi » : un état pouvant être repoussé dans le temps
La réalité de la perte de l’audition est brutale. Elle est irréversible et évolutive. Mais si on la laisse agir, elle conduit à la rupture de communication. Dans ce processus le plus grand risque est de se retirer intérieurement et de se « déconnecter » du monde ; là où la démence prend le relais. Il suffit à se rendre dans les établissements d’accompagnement des aînés pour se confronter à cette rupture et se questionner sur la reproduction de ces schémas collectifs. La relation sociale est la plus puissante des stimulations cognitives.
L’association JNA alerte sur la nécessité de repérer les troubles de l’audition le plus tôt possible afin de mettre en place les solutions adaptées. La déficience auditive n’est pas anodine et concerne plus d’individus que les chiffres officiels ne le laissent à penser. Lors de la dernière campagne de dépistage menée au sein d’un grand groupe, 100 collaborateurs sur 400 se sont vus inviter à réaliser un bilan complet de leur audition chez un médecin ORL suite à suspicion de perte auditive pouvant générer des difficultés de discrimination de la parole.
Encore 1 Français sur 2 n’a jamais réalisé de bilan complet de son audition ou il y a plus de 10 ans. Le bon geste : le bilan auditif régulier à demander à son médecin traitant. L’association JNA a réalisé un spot de sensibilisation disponible en libre diffusion : journee-audition.org