Travailler alors que l’on souffre d’une polyarthrite rhumatoïde n’est pas une mince affaire. 68% des malades en recherche d’emploi ont perdu leur dernier poste à cause de la maladie. Les raisons : la méconnaissance de la maladie, le manque d’aménagement du travail, la prise en charge globale des malades Pourtant des droits et des aides existent. Explications.
Alors que s’ouvriront prochainement le 27ème Congrès Français de Rhumatologie (du 7 au 9 décembre) et les 2èmes Rencontres Nationales sur les Rhumatismes (les 5 et 6 décembre), l’ANDAR (Association Nationale de Défense contre l’Arthrite Rhumatoïde) et UCB dévoilent les résultats de l’étude PRET(1) (Polyarthrite Rhumatoïde et Travail). Menée auprès de 488 patients de moins de 60 ans identifiés par 90 rhumatologues, cette étude fait ressortir un déficit d’information de la médecine du travail sur la pathologie et ses enjeux, une coordination insuffisante entre les différents acteurs de la prise en charge et une méconnaissance des aménagements possibles et des aides financières qui peuvent soutenir leur mise en place. Forts de ce constat, l’ANDAR et UCB éditent un livret d’information pour aider les patients à mieux connaître leurs droits, les aides existantes et les accompagner dans leurs démarches auprès des différentes parties prenantes (rhumatologue, médecin traitant, médecin du travail, employeur…).
La polyarthrite rhumatoïde, une maladie qui nécessite des aménagements de conditions de travail et, pourtant, 26% des patients estiment leurs besoins insatisfaits
Les conséquences de la polyarthrite rhumatoïde sur le travail des patients sont souvent sous-estimées et insuffisamment prises en charge comme l’explique le Docteur Martine GIROS, médecin du travail à Paris : « Cette pathologie requiert des aménagements de poste pour éviter d’aggraver les symptômes mais aussi, et c’est très important, pour permettre aux phases de stabilisation de se poursuivre en maintenant les conditions qui les ont favorisées. » Pourtant 26% des patients interrogés ont déclaré estimer que leur besoins étaient insatisfaits, et pour cause : ils ne sont que 38% à bénéficier ou avoir bénéficié d’aménagement de leur poste de travail. Un bilan aggravé par un important déficit d’information. « Il faut admettre que la médecine du travail n’est pas très bien formée à connaître et reconnaître cette pathologie d’autant plus que les patients ne se confient pas spontanément », continue le Dr Giros. « Durant mes 32 ans d’activité, j’ai croisé nombre de salariés concernés; des salariés qui devaient mener une vie professionnelle presque normale alors qu’ils souffraient d’une pathologie lourde et invalidante.
La polyarthrite rhumatoïde, une pathologie menaçant le maintien de l’emploi Les chiffres de l’étude PRET sont sans appel :
- 75% des patients inactifs déclarent être sortis définitivement du marché du travail en raison de leur pathologie ;
- 49% des patients actifs font état d’arrêts de travail dans les 12 derniers mois
- 1 patient sur 3 ignore l’aide possible de l’AGEFIPH(4)
- Près de 7 patients sur 10 en recherche d’emploi attribuent cette situation à leur maladie.
Mieux informer sur la pathologie, sur les aides et leur financement : une nécessité !
La situation des salariés atteints de polyarthrite rhumatoïde pourrait s’améliorer en renforçant la communication entre les différences instances en présence pour le Docteur Stéphanie RIST : « Tout est question de coordination. Le médecin du travail et le rhumatologue doivent se parler, échanger, en plaçant toujours le patient au centre de la démarche. Nous devons interroger notre patient sur ses conditions de travail et contacter la médecine du travail si nous voyons qu’il y a matière à proposer des aménagements.» Un avis partagé par le Docteur Martine GIROS qui précise : « La médecine du travail et le rhumatologue ont un rôle clé c’est juste, mais le service du personnel également, de même que les CHSCT(3) et les assistantes sociales. Ce sont tous des acteurs de l’amélioration des conditions de travail des salariés dans l’entreprise. C’est la concertation et le travail commun de l’ensemble de ces instances qui permettent de bâtir des projets d’aménagements efficaces, dont le financement pourra être soutenu par l’AGEFIPH(4) par exemple ». Les aides sont parfois le seul rempart contre une impossibilité d’exercer son travail. Anne-Sophie, patiente experte en témoigne : « Suite à une intervention chirurgicale, je n’ai plus pu me servir de l’embrayage dans mon véhicule… Je ne sais pas comment j’aurais fait sans l’aide financière qui m’a été accordée pour financer l’aménagement de mon poste de conduite. Je n’aurais pas eu connaissance de cette aide sans l’intervention de mon médecin du travail qui m’a permis de continuer à exercer ma profession en me proposant, quand cela était nécessaire, des aménagements. Du siège du bureau au clavier en passant par un congé de longue maladie fractionné, il a anticipé mes besoins, en concertation avec mon rhumatologue qui établissait à sa demande les certificats nécessaires. J’ai été diagnostiquée en 1999 à l’âge de 20 ans et opérée de nombreuses fois, mais je mène ma carrière sereinement, sans rupture, c’est donc possible. »
Pour en savoir plus : un livret d’information à disposition des patients
L’ANDAR et UCB mettent à disposition des patients un livret d’information détaillé sur les résultats de l’étude PRET, les droits des patients, les aides et démarches, le rôle de chaque interlocuteur, des témoignages patients… Ce livret a pour objectif d’aider les patients à prendre les bonnes décisions tout au long de leur parcours professionnel et de leur permettre de mieux communiquer sur ce sujet auprès des différentes parties prenantes (médecin traitant, rhumatologue, médecin du travail et employeur). Dans cette dynamique, l’ANDAR et UCB continueront en 2015 à travailler avec les patients souffrant de polyarthrite rhumatoïde et les médecins pour aboutir à la création d’outils de dialogue facilitant la gestion de leur maladie avec leur activité professionnelle.
La polyarthrite rhumatoïde, une pathologie douloureuse et invalidante
La polyarthrite rhumatoïde est une pathologie fréquente qui concerne 0,31% de la population(2). Généralement diagnostiquée chez des patients âgés de 40 à 60 ans, elle évolue lentement et par poussée pour aboutir, en l’absence de traitement, à la destruction des articulations. Elle se caractérise par un gonflement des articulations, des douleurs, des raideurs et une difficulté à se mobiliser : l’ankylose. Le Docteur Stéphanie RIST, rhumatologue à Orléans précise : « À ces symptômes déjà invalidants s’ajoute un état de fatigue important et surtout permanent qui aggrave le retentissement de la maladie sur la qualité de vie des patients. »
Sources
(1) L’étude PRET (Polyarthrite Rhumatoïde et Travail) menée par l’ANDAR et UCB est une étude observationnelle, transversale rétrospective, qualitative et quantitative, réalisée auprès d’un échantillon national de patients souffrant de Polyarthrite Rhumatoïde et en âge de travailler. Réalisée sous l’égide d’un comité scientifique pluridisciplinaire, elle a impliqué 144 médecins et 488 patients de moins de 60 ans identifiés par 90 rhumatologues. Elle a été menée entre janvier et avril 2013.
(2) Guillemin F. et al. Pervalence of rheumatoid arthritis in France : 2001. Ann Rheum Dis 2005;64:1427-1430.
(3) Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT).
(4) Association de Gestion du Fonds pour l’insertion des Personnes Handicapées.