96 % de l’eau du robinet en France contient des polluants éternels, ces substances toxiques persistantes comme les PFAS, posant de graves risques pour la santé publique et l’environnement. Explications.
Une récente menée par l’association de consommateurs UFC-Que Choisir et Générations Futures a révélé une présence généralisée de substances perfluoroalkylées (PFAS), surnommées polluants éternels, dans l’eau du robinet. Ces composés chimiques, réputés pour leur persistance et leur toxicité, sont détectés dans 96 % des communes analysées en France, soulevant de graves préoccupations sanitaires et environnementales.
Que sont les PFAS et pourquoi sont-ils problématiques ?
Les PFAS (Per- and Polyfluoroalkyl Substances) forment une famille de plus de 4 700 composés chimiques utilisés pour leurs propriétés imperméabilisantes et antiadhésives. On les retrouve dans :
- Les emballages alimentaires gras (ex. : boîtes de fast-food).
- Les textiles résistants à l’eau (ex. : vêtements de pluie, moquettes).
- Les ustensiles de cuisine antiadhésifs.
Cependant, ces substances, appelées « polluants éternels », ne se dégradent pas dans l’environnement et s’accumulent dans les écosystèmes et les organismes vivants. Selon Générations Futures, « les PFAS sont l’exemple parfait de substances produites pour leur utilité industrielle, sans prise en compte de leur impact à long terme sur la santé et la nature. »
Polluants éternels dans l’eau du robinet en France ?
L’étude a analysé 30 communes françaises, testant la présence de 33 PFAS différents dans l’eau potable. Les résultats montrent une contamination quasi omniprésente :
- TFA (trifluoroacétate), un résidu de certains pesticides, a été détecté dans 24 prélèvements sur 30, notamment à Paris, Poitiers et Orléans.
- À Tours et Rouen, jusqu’à 11 PFAS différents ont été identifiés dans un seul prélèvement.
Par exemple, dans une commune proche de Rouen, la concentration totale des PFAS est de 95 ng/l, juste en dessous de la limite française. Mais si l’on applique les normes danoises (2 ng/l), cette eau serait jugée impropre à la consommation.
La France est-elle plus impactées par les polluants éternels que d’autres pays ?
En France, la réglementation prévoit une limite de 100 ng/l pour la somme de 20 PFAS à partir de 2026. En comparaison :
- États-Unis : une limite bien plus stricte de 4 ng/l pour 2 PFAS rendrait 6 prélèvements français non conformes.
- Danemark : une norme de 2 ng/l pour 4 PFAS disqualifierait 15 prélèvements sur 30, y compris dans des grandes villes comme Lyon et Bordeaux.
Ces différences soulignent le retard de la France en matière de protection des consommateurs face à ces substances.
Quels sont les impacts des PFAS sur la santé ?
Selon l’étude, les PFAS présentent des risques pour la santé, même à de faibles concentrations. Ces substances sont associées à plusieurs pathologies :
- Cancers : certains PFAS, comme le PFOA, sont classés comme cancérigènes possibles par l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA) et l’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES) comme les cancers hormono-dépendants (cancer du col de l’utérus, cancer du sein, cancer de la prostate,…).
- Dysfonctionnement hormonal : les PFAS perturbent le système endocrinien entraînant des problèmes de fertilité et de développement.
- Maladies thyroïdiennes : une exposition prolongée augmente les risques de dysfonctionnement de la thyroïde.
- Système immunitaire affaibli : des études montrent que les enfants exposés aux PFAS réagissent moins bien aux vaccins.
Dans une étude américaine menée en 2020, des taux élevés de PFAS ont été corrélés à une augmentation de 30 % du risque de cancer du rein chez les adultes.
Pourquoi la réglementation française est-elle insuffisante ?
Les résultats montrent que la réglementation française est trop permissive. D’après UFC-Que Choisir,
« les normes actuelles permettent aux distributeurs d’eau de se conformer sans réellement protéger les consommateurs.
Le TFA (trifluoroacétate), par exemple, excède les seuils européens applicables aux pesticides dans 20 prélèvements sur 30, mais il n’est pas encore intégré dans les contrôles réglementaires en France ».
En outre, il manque des données toxicologiques complètes pour évaluer les effets cumulés des PFAS sur la santé.
Exemples concrets : une eau potable qui inquiète
Dans les environs de Bordeaux, un prélèvement a révélé une concentration de 150 ng/l pour la somme des PFAS. Ce chiffre dépasse largement les normes danoises et met en évidence les limites de la réglementation française.
« Si cette eau était servie dans une cantine scolaire danoise, elle serait immédiatement interdite », souligne un expert de Générations Futures.
Comment les consommateurs peuvent-ils se protéger des polluants éternels dans l’eau du robinet ?
Les particuliers peuvent limiter leur exposition aux PFAS en adoptant certaines pratiques :
- Utiliser un filtre à eau : les filtres à charbon actif ou osmose inversée réduisent la concentration de certains PFAS dans l’eau potable.
- Éviter les produits contenant des PFAS : préférez les ustensiles de cuisine certifiés sans PFOA ou les emballages alimentaires sans fluor.
- Vérifier la qualité de l’eau : certaines communes publient des rapports détaillés sur la qualité de l’eau potable.
Les recommandations des experts
Face à ces constats, UFC-Que Choisir et Générations Futures proposent plusieurs mesures :
- Inclure le TFA dans les contrôles réglementaires, avec des limites spécifiques.
- Adopter des normes plus strictes, alignées sur les recommandations européennes et internationales.
- Renforcer les contrôles industriels, en exigeant une réduction des rejets de PFAS dans l’environnement.
- Interdire les pesticides classés comme PFAS, souvent utilisés en agriculture.
Ces recommandations s’appuient sur des études internationales qui montrent qu’il est possible de réduire considérablement les niveaux de PFAS grâce à des technologies modernes de filtration.
Sources :
Attention PFAS : voici pourquoi ces polluants éternels sont dangereux pour notre santé
Sophie Madoun