Un jeune sur deux a déjà consommé de la marijuana au cours de sa vie. L’étude Ifop pour High Soociety confirme la banalisation de l’usage du cannabis chez les jeunes. Et ceci dans tous les aspects de la vie, sa consommation ne relevant plus strictement du domaine du festif auquel est souvent associé culturellement le « pétard ». Le cannabis, mais aussi d’autres types de drogues, s’exportent également dans d’autre temps de la vie quotidienne : par exemple dans le couple, durant les moments de solitude mais aussi aux heures de travail, que ce soit en présentiel ou en télétravail. Le tout avec des conséquences souvent nuisibles constatés par les jeunes consommateurs eux-mêmes.
Jeunes et cannabis, les chiffres clés
Une expérimentation accrue du cannabis qui va pair avec celle des drogues dures
– Aujourd’hui, un jeune sur deux (50%) de moins de 25 ans a déjà consommé au moins une fois dans sa vie une drogue (cannabis, cocaïne, ecstasy, proto…).
– Mais pour la plupart, il s’agit de drogue « douce » de type herbe, cannabis ou marijuana. En effet, 47% ont déjà fumé du cannabis dans leur vie, dont près d’un sur quatre (22%) au cours des douze derniers mois.
– Cette consommation de cannabis se diffuse lentement mais surement si l’on en juge par la proportion croissante de jeunes majeurs qui en ont déjà pris dans leur vie : 56% chez les jeunes de 18 à 24 ans, soit une hausse de 9 points en douze ans (baromètre santé publique France – 2005).
– Le protoxyde d’azote, plus communément appelé « gaz hilarant » ou « proto », s’impose quant à lui comme le deuxième produit psychoactif le plus consommé chez les jeunes de moins de 25 ans (11%).
– Plus inquiétant, l’expérimentation des drogues dures n’est plus aussi marginale qu’il y a douze ans : cocaïne (7%, +3,6 pts depuis 2005), MDMA (7%, +3 pts), LSD (6%, +4,6 pts) ou amphétamines (6%, +5 pts) semblent tous en hausse chez les jeunes de 18-24 ans depuis 2005.
En couple, au travail… Un usage qui se retrouve au-delà des temps festifs et amicaux
– Plus de deux consommateurs de drogue sur cinq (42%) en ont déjà consommé au travail ou sur un lieu d’études. Et dans le cadre professionnel stricto sensu, on note aussi que 21% des consommateurs de cannabis en ont déjà fumé en télétravail, 22% en présentiel et 16% avant un entretien d’embauche
– Plus d’un jeune consommateur sur deux (51%) a déjà fumé du cannabis uniquement avec son partenaire (51%) et un sur quatre avant un RDV amoureux
– Deux jeunes sur cinq ont déjà expérimenté au moins une drogue avant une relation sexuelle (40%), beaucoup pour se détendre (34%) que pour être performant (15%).
Des expériences qui peuvent susciter des regrets et une sensation de dépendance
– Une peu plus de la moitié des expérimentateurs de drogue ont déjà regretté leur consommation (51%), surtout les consommateurs réguliers (66%).
– Plus d’un quart des jeunes consommateurs reconnaît s’être déjà senti dépendant ou addict à une drogue (26%).
– Plus d’un tiers des personnes ayant déjà pris de la drogue lors d’un rapport sexuel l’ont déjà regretté (35%), sachant que les regrets sont plus élevés dans la gent féminine (39%) que masculine (29%).
Les principaux enseignements de l’enquête les jeunes et le cannabis
A) LA CONSOMMATION DE CANNABIS MAIS AUSSI D’AUTRES DROGUES SE BANALISE CHEZ LES JEUNES
1 / La moitié des 15-24 ans reconnaît avoir déjà consommé de la drogue
Aujourd’hui, 50% des jeunes ont déjà consommé au moins une fois de la drogue. Le plus souvent il s’agit de marijuana : 47% des 15-24 ans ont déjà consommé du cannabis au cours de leur vie. Près d’un quart (22%) sont même des consommateurs actuels (c’est-à-dire ayant consommé du cannabis au cours de l’année). Les principaux consommateurs actuels sont les jeunes ouvriers (33%) mais aussi cadres (28%) et sympathisants de partis de gauche (EELV : 32%, PS : 31%). Et bien souvent les consommateurs s’essayent à différentes substances : 52% des expérimentateurs de drogues dures ont aussi consommé du cannabis dans l’année.
Le cannabis est de très loin la drogue la plus consommée par les 15-24 ans, devant le gaz hilarant/Proto (11% des jeunes en ont consommé au cours de leur vie) dont l’utilisation comme euphorisant est un phénomène de mode récent chez les jeunes. Viennent ensuite des drogues dures telles la cocaïne, l’ecstasy ou le LSD (5% d’expérimentateurs parmi les jeunes pour chacun), dont l’ampleur de la consommation peut paraître plus anodine mais est en réalité croissante ces quinze dernières années.
2 / La consommation juvénile de cannabis et surtout de drogue dure progresse nettement sur les quinze dernières années
Depuis 2005, la consommation de cannabis parmi les jeunes majeurs a progressé assez nettement (56% des 18-24 ans en ont consommé au cours de leur vie, +8 pts). Plus inquiétant encore, l’expérimentation de différentes drogues dures a au moins doublée sur la période. C’est le cas de la cocaïne (7%, +3,6 pts en quinze ans), de l’ecstasy (7%, +3 pts), du LSD (6%, +4,6 pts) ou encore des amphétamines (6%, +5 pts).
3 / Les cercles amicaux : principaux mais pas uniques vecteurs de diffusion de la drogue parmi les jeunes
Si près d’un jeune consommateur sur deux (48%) s’est déjà procuré de la drogue auprès d’amis, le réseau amical est loin d’être la seule source d’approvisionnement qu’il leur est possible de mobiliser. Près d’un tiers a ainsi pu s’en procurer auprès de camarades d’études (35%) ou auprès d’un dealer déjà connu auparavant (31%). Un quart des jeunes consommateurs (25%) s’en sont également déjà procuré auprès d’un dealer qu’ils ne connaissaient pas auparavant.
Le terrain professionnel n’est pas épargné : les consommateurs ayant travaillé avec des collègues sont un sur cinq (20%) à s’être déjà procuré de la drogue auprès d’au moins l’un d’entre eux. Autres terrains facilitant la banalisation de l’usage des drogues : 17% des jeunes consommateurs s’en sont déjà procuré légalement à l’étranger (par exemple aux Pays-Bas, une possibilité qui sera bientôt également peut-être offerte par l’Allemagne concernant le cannabis) et 12% en ont obtenu sur internet.
B) COUPLE, SOLITUDE, TRAVAIL : UNE CONSOMMATION QUI SE RETROUVE AU-DELÀ DES TEMPS FESTIFS ET AMICAUX
4 / La consommation de cannabis se retrouve au-delà des contextes festifs et amicaux
Une large majorité des consommateurs de cannabis en a déjà fumé avec des amis (88%) ou à une fête (85%). C’est le cas lors d’occasion festives notamment pour 91% des consommateurs de 15 à 17 ans, 96% des jeunes ouvriers consommateurs et 99% des consommateurs réguliers. Pour autant, si ces contextes sont presque incontournables pour les fumeurs de cannabis, nous retrouvons des proportions loin d’être négligeables de jeunes ayant consommé dans d’autres contextes.
Ainsi, un jeune consommateur sur deux ayant déjà été en couple a déjà fumé du cannabis uniquement en compagnie de son partenaire (51%) et un quart avant un rendez-vous amoureux (25%). Plus inquiétant, deux jeunes consommateurs sur cinq ont déjà fumé seuls (39%, et 33% des consommateurs d’autres drogues en ont déjà pris seuls également). Autre point particulièrement dangereux : près d’un quart des jeunes consommateurs ont déjà fumé du cannabis avant de prendre le volant (23%, et 20% pour les autres drogues).
Le travail n’est pas non plus épargné : 22% des jeunes consommateurs (ayant une expérience professionnelle) ont déjà fumé du cannabis avant ou pendant leurs horaires de travail. Ce chiffre est même de 33% pour les consommateurs d’autres drogues ! De même, 21% des jeunes concernés ont déjà consommé du cannabis alors qu’ils télétravaillaient, avec 39% dans ce cas pour les expérimentateurs d’autres drogue.
5 / Contextes professionnels et lieux d’études ne sont pas des terrains tabous pour une part non négligeable des jeunes consommateurs
Plus de deux jeunes consommateurs sur cinq (42%) ont déjà consommé de la drogue au travail ou sur un lieu d’études. Ramené à l’ensemble de la population, cela signifie qu’un jeune sur cinq s’est déjà drogué au travail ou sur un lieu d’étude. Les motifs de cette consommation sont en premier lieu (34%) la détente (qu’il s’agisse de plaisir ou de supporter un environnement stressant) avant le fait d’être dépendant (16%) ou encore la volonté d’être plus performant (16%).
6 / Pour les jeunes chez qui la drogue est présente dans le cadre de la sexualité, celle-ci est davantage consommée dans une optique de plaisir que pour la performance
Deux cinquièmes des jeunes de 15 à 24 ans ayant déjà expérimenté au moins une drogue en ont déjà pris avant une relation sexuelle (40%, et même 45% parmi les consommatrices). Contrairement aux idées reçues, il s’agit là moins d’une logique de performance (15%) que de plaisir. En effet, un tiers ont déjà consommé de la drogue avec un rapport sexuel afin de se détendre (34%) et un quart pour le côté aphrodisiaque (27%).
C) ENTRE ADDICTIONS ET PROBLÈMES DE LIBIDO : LES CONSEQUENCES NEGATIVES CONCRETES DE LA RECHERCHE D’EVASION PAR LA DROGUE
7 / Plus de la moitié des jeunes expérimentateurs ont déjà rencontré au moins une expérience négative à la suite de la consommation de drogue
Un peu plus de la moitié des expérimentateurs de drogue ont déjà regretté leur consommation (51%). Une expérience tout particulièrement présente parmi les consommateurs réguliers de cannabis (66%) et les profils parmi lesquels se retrouvent le plus de consommateurs (ouvriers : 72%, cadres : 52%). Un bon quart des jeunes consommateurs a d’ailleurs déjà regretté ce qu’il avait dit ou fait sous drogue (28%, 45% des consommateurs réguliers de cannais et 35% des consommateurs de 15 à 17 ans).
Une part non négligeable des jeunes ayant déjà consommé de la drogue avant un rapport sexuel rapportent avoir eu dans ce contexte des expériences négatives. Il est déjà arrivé à plus de deux sur cinq d’entre eux que de la drogue casse leur libido (43%). En outre, un tiers a déjà regretté d’avoir eu un rapport sexuel avec quelqu’un sous drogue (35% dont 39% des jeunes consommatrices concernées).
8 / Danger plus important encore, l’addiction guette une proportion non négligeable des consommateurs
Au-delà des mauvaises expériences précédemment évoquées, plus d’un quart des jeunes consommateurs reconnaît s’être déjà senti dépendant ou addict à une drogue (26%, dont 8% « tout à fait » dépendant). Parmi ces consommateurs addict (ou l’ayant déjà été) se retrouvent bien évidemment surtout les consommateurs les plus réguliers de cannabis (53%) mais aussi les catégories les plus défavorisées : consommateurs ouvriers (62%), musulmans (41%), de banlieue populaire (38%) ou encore peu diplômés (36%).
9 / Des campagnes de prévention visibles mais à l’efficacité modérée
Les trois-quarts des consommateurs de drogue ont déjà été exposés à une campagne de prévention contre les drogues (75%). En revanche, celles-ci ont été inefficaces pour une majorité car seuls 29% des jeunes concernés ont réduit ou arrêté leur consommation suite à une de ces campagnes (15% ont arrêté, 14% ont diminué leur consommation). Un effet pas à la hauteur du problème de santé publique que représente les drogues chez les jeunes, donc, mais un effet pas totalement nul. Près de la moitié des ouvriers concernés (45%) ou consommateurs habitant une banlieue populaire (44%) ont tout de même réduite voire mis un terme à leur consommation après avoir été exposés à une de ces campagnes.
LE POINT DE VUE DE GAUTIER JARDON DE L’IFOP
Au-delà du cadre festif, illustré récemment par le phénomène du proto consommé en soirées étudiantes, l’usage de drogues chez les jeunes s’exporte à d’autres temps de la vie quotidienne. Cette banalisation a tout lieu d’inquiéter. En effet, comme le relèvent les docteurs spécialisés en psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, le cerveau des « adolescents « continue à connaître un développement important jusqu’à l’âge d’environ 25 ans et de ce fait, la consommation de cannabis, tout spécifiquement dans cette tranche d’âge, confère un risque spécifique en termes de dépendance (fréquence et intensité), mais aussi en termes d’impact cérébral, cognitif et émotionnel. »[1]. Un constat valide également pour les autres drogues. A ce titre, la prévention auprès de ce public est une absolue nécessitée même si elle n’a aujourd’hui qu’un impact encore limité.
« Étude Ifop pour High Society réalisée par questionnaire auto-administré en ligne du 10 au 15 novembre 2021 auprès d’un échantillon de 1 205 personnes, représentatif de la population française âgée de 15 à 24 ans résidant en France métropolitaine. »