Loi Duplomb : un décret controversé menace la santé et l’environnement. Peut-on encore l’annuler ? Analyse juridique, calendrier, pétition.
Adoptée le 8 juillet 2025, la loi Duplomb sur les pesticides continue de susciter l’indignation. En parallèle de la mobilisation citoyenne record, un recours juridique vise à faire annuler le décret d’application n°2025-629. Peut-on encore agir pour protéger la santé et l’environnement ? Oui, et voici pourquoi.
Que contient la loi Duplomb et quel est le problème ?
Plusieurs substances actives sont concernées par cette accélération des procédures, notamment des pesticides néonicotinoïdes tels que l’acétamipride. Interdit dans de nombreux pays, ce pesticide est soupçonné d’avoir des effets nocifs importants sur la santé humaine et sur la biodiversité.
Quels sont les effets de l’acétamipride sur la santé ?
- Neurotoxicité : des études ont mis en évidence des troubles neurologiques chez les personnes exposées à l’acétamipride, incluant des pertes de mémoire, des troubles de l’attention et des cas d’empoisonnement aigu (source : étude publiée dans Environmental Health en 2018, intitulée “Effects of Neonicotinoid Pesticide Exposure on Human Health PMC5289916).
- Effets sur la reproduction : l’exposition chronique à certains néonicotinoïdes est associée à des perturbations hormonales et à des risques accrus de malformations congénitales.
- Risques environnementaux : l’acétamipride nuit gravement aux abeilles, perturbant leur orientation et leur système nerveux, ce qui affecte directement la pollinisation et la biodiversité selon l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA).
Malgré ces effets la loi Duplomb permet au ministère de l’Agriculture de demander une évaluation accélérée de ces substances, parfois au mépris des données scientifiques disponibles. C’est pourquoi de nombreux scientifiques, associations et citoyens s’alarment des conséquences de cette loi sur la santé publique et l’environnement.?
La loi Duplomb, adoptée le 8 juillet 2025, vise à « renforcer la souveraineté agricole de la France ». Dans les faits, elle permet une accélération des procédures d’autorisation de mise sur le marché de certains pesticides dits stratégiques, en lien avec des menaces pesant sur la production agricole.
L’un de ses points les plus controversés concerne l’article qui modifie le rôle de l’ANSES, l’agence indépendante chargée d’évaluer les risques sanitaires et environnementaux. Initialement supprimé par le Parlement, ce mécanisme a été réintroduit par décret : il donne au ministère de l’Agriculture le pouvoir d’imposer à l’ANSES une liste prioritaire de produits phytopharmaceutiques à évaluer plus rapidement.
Le problème majeur, c’est que cette intervention directe de l’État met sous pression l’indépendance scientifique de l’ANSES, en introduisant des critères économiques et politiques dans les décisions de santé publique. Cela pourrait conduire à autoriser plus facilement des pesticides pourtant controversés.
Pourquoi le décret d’application de la loi Duplomb est-il contesté ?
Le décret 2025-629, adopté le jour même du vote de la loi Duplomb, modifie le fonctionnement de l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire). Il impose à l’agence de prioriser certaines demandes de mise sur le marché de pesticides jugés urgents par le ministère de l’Agriculture, sur la base d’une liste établie unilatéralement par ce dernier.
Ce mécanisme permet à l’exécutif d’imposer des autorisations plus rapides pour des pesticides jugés stratégiques, au détriment d’une évaluation scientifique indépendante.
Peut-on annuler le décret de la loi Duplomb ? Analyse juridique
Un recours a été déposé devant le Conseil d’État par l’association Agir pour l’environnement, défendue par Maître Corinne Lepage. Ce recours vise à faire annuler le décret, sur la base de deux arguments clés :
Une atteinte à l’indépendance de l’ANSES
Le décret impose à l’ANSES de modifier ses calendriers d’examen selon une liste fixée par le ministère, ce qui constitue une immixtion politique dans un processus scientifique. Cela contrevient au principe d’indépendance de l’agence.
Un décret pris à contre-courant du vote parlementaire
Durant les négociations, le Parlement avait exprimé des réserves sur ce type de tutelle. Le décret réintroduit par voie réglementaire ce que les députés avaient expressément écarté, ce qui pose un problème d’équilibre des pouvoirs.
Le recours au Conseil d’État pour faire annuler le décret
Le Conseil d’État est la plus haute juridiction administrative en France. Il peut annuler un décret s’il estime qu’il excède le cadre fixé par la loi ou viole des principes fondamentaux.
En l’occurrence, le recours met en avant :
- l’illégalité du décret au regard des missions de l’ANSES,
- la rupture d’égalité devant l’accès à l’expertise scientifique,
- la priorisation de critères économiques sur les critères sanitaires.
Quand la décision du Conseil d’État sera-t-elle rendue ?
Le recours a été déposé le 22 juillet 2025. Le délai moyen pour une telle procédure est de 6 à 8 mois. En général :
- L’instruction écrite dure 2 à 4 mois,
- Une audience publique est organisée entre 4 et 6 mois après le dépôt,
- La décision est rendue 2 à 3 semaines après l’audience.
Une décision pourrait donc intervenir entre janvier et mars 2026.
Existe-t-il d’autres recours juridiques ou administratifs ?
Oui. En plus du Conseil d’État, plusieurs autres leviers peuvent être activés :
- Saisine du Président de la République : Emmanuel Macron peut demander un réexamen du décret ou une suspension s’il estime que la décision met en péril la santé publique.
- Recours devant le Défenseur des droits : pour atteinte au droit à un environnement sain.
- Questions prioritaires de constitutionnalité, QPC (procédure permettant de contester la conformité d’une loi à la Constitution devant le Conseil constitutionnel): si un requérant estime que la loi ou son application porte atteinte à un droit fondamental garanti par la Constitution.
- Saisine de la Commission européenne : en cas de violation du droit environnemental européen.
Décret loi Duplomb annulé : quels effets si le Conseil d’État tranche ?
Si le Conseil d’État annule le décret, cela entraînerait :
- la restauration de l’indépendance de l’ANSES dans le processus d’autorisation,
- la neutralisation d’une des mesures les plus controversées de la loi,
- un précédent juridique important pour la protection de la santé publique.
Cependant, la loi Duplomb elle-même resterait en vigueur. C’est donc un combat ciblé contre son décret d’application.
Mobilisation citoyenne contre le décret de la loi Duplomb
La pétition citoyenne contre la loi Duplomb a recueilli plus de 1,6 million de signatures au 22 juillet 2025. Cette mobilisation record témoigne d’une prise de conscience collective sur l’enjeu sanitaire et d’un rejet de l’opacité des décisions gouvernementales.
Ce soutien massif pourrait peser dans l’analyse du Conseil d’État, en renforçant la dimension politique du dossier.
En résumé : annuler le décret, un levier pour limiter la loi Duplomb
Élément | Statut |
---|---|
Loi Duplomb | Votée le 8 juillet 2025 |
Décret 2025-629 | Contesté devant le Conseil d’État |
Annulation possible ? | Oui, sur base juridique |
Impact d’une annulation | Restauration de l’indépendance ANSES |
Mobilisation citoyenne | 1,6 million de signataires |
Décision attendue | Janvier à mars 2026 |
FAQ – Peut-on encore faire annuler le décret loi Duplomb ?
Pourquoi ce décret est-il aussi critiqué ?
Parce qu’il permet au ministère de l’Agriculture d’imposer ses priorités à une agence indépendante, sans justification scientifique transparente.
Le Conseil d’État peut-il vraiment l’annuler ?
Oui, s’il juge que le décret outrepasse la loi ou contrevient aux principes de neutralité administrative.
Et la loi Duplomb alors ?
Elle resterait en vigueur, mais son application serait freinée. L’annulation du décret serait une victoire concrète pour les défenseurs de la santé et de l’environnement.
Les 1,6 million de signatures peuvent-elles faire pencher la balance ?
Politiquement, oui. Elles montrent que l’opinion publique refuse ce recul sanitaire. Juridiquement, elles montrent l’importance du sujet pour l’intérêt général.
Y a-t-il d’autres recours possibles ?
Oui : saisir le Président de la République, le Défenseur des droits, soumettre une QPC ou alerter la Commission européenne.
Où signer la pétition contre la loi Duplomb ?
En ligne : https://petitions.assemblee-nationale.fr/initiatives/i-3014
Sophie Madoun