Il n’est pas question d’instaurer de nouvelles dérogations au secret médical », affirme le docteur Jean-Marie Faroudja, président de la section éthique et déontologie, en réponse à la proposition du ministre de l’Intérieur de mobiliser les psychiatres face au terrorisme. A lire dans La Croix.
« Il est clair que le secret médical c’est quelque chose de sacré mais en même temps, il faut trouver le moyen qu’un certain nombre d’individus, qui effectivement souffrent de troubles graves, ne puissent pas commettre des attentats », a déclaré mardi 22 août sur BFM TV le ministre de l’intérieur. La veille, un homme en « processus psychotique » avait tué une personne et en avait blessé une autre en fonçant au volant de son véhicule sur deux abribus.
Le 18 août, Gérard Collomb avait déjà évoqué le sujet sur RTL, soulignant sa volonté de « mobiliser l’ensemble des hôpitaux psychiatriques (et) des psychiatres libéraux, de manière à essayer de parer à cette menace terroriste individuelle ». Selon lui, des « protocoles » pourraient être développés pour faire face à un « certain nombre de gens [qui] ont des délires autour de la radicalisation islamique ». Une proposition à laquelle le docteur Faroudja oppose une fin de non-recevoir
La Croix : Que pensez-vous de cette volonté du ministère de l’intérieur de mobiliser les psychiatres face au terrorisme ?
Jean-Marie Faroudja : Nous sommes très sensibles à la nécessité de tout faire pour lutter contre le terrorisme. Et nous avons fait en février dernier un rapport sur la question du secret médical face à un patient pouvant présenter des risques de radicalisation violente. À partir de notre réflexion sur le sujet, nous disons aujourd’hui au ministre de l’intérieur qu’il n’est pas question de mettre en place de nouvelles dérogations au secret médical. Le respect de ce secret est un pilier de notre exercice. Y déroger, c’est rompre le lien de confiance avec les patients. Et sans confiance, on ne peut pas soigner.
Cela signifie-t-il qu’un médecin, au nom du secret médical, ne doit pas signaler un patient dont il pense qu’il peut commettre un acte terroriste ?
J.-M. F. : Nous ne sommes pas irresponsables. Nous estimons qu’il est possible de se délier de ce secret mais dans des situations très particulières : celui d’une situation où un patient peut présenter un danger immédiat et imminent pour sa vie ou celle d’autrui. Dans ce cas, le médecin se doit d’agir en citoyen et de faire un signalement. Mais il n’y a pas besoin de changer la loi pour cela. Le médecin peut agir dans le cadre de l’article 223-6 du code pénal, qui s’applique à tous les citoyens. Il prévoit une peine de cinq ans de prison toute personne qui « s’abstient volontairement » d’empêcher, « par son action immédiate », un crime ou un délit avec atteinte à l’intégrité corporelle.
Donc, vous estimez que les psychiatres doivent refuser la proposition de Gérard Collomb ?
J.-M. F. : La mission d’un médecin, y compris un psychiatre, n’est pas de collaborer avec la police. Elle est de soigner ses patients. S’il estime être face à un danger imminent, le médecin peut signaler. Mais, à mon sens, il ne doit pas le faire pour un patient qui présente des signes de radicalisation à partir du moment où celui-ci est hospitalisé. Car dans ce cas, il n’existe pas de danger imminent de passage à l’acte terroriste. Et surtout, de manière plus générale, il faut éviter de diffuser l’idée que les malades mentaux sont des terroristes en puissance.
Pierre Bienvault