L’association « l’Enfant Bleu » œuvre depuis près de 20 ans contre les situations de maltraitance vécues par des enfants. Trois ans après avoir confié à Harris Interactive la réalisation d’une première étude sur le sujet, à l’automne 2014[1], l’Enfant Bleu a souhaité réaliser une nouvelle mesure pour mieux comprendre les représentations actuelles des Français sur la maltraitance des enfants.
Quels sont les principaux enseignements de cette enquête ?
- La lutte contre la maltraitance des enfants reste identifiée comme un objectif unanimement (97%) prioritaire aux yeux des Français.Plus précisément, 77% des personnes interrogées qualifient même cette cause de « tout à fait prioritaire ». Soit des proportions plus élevées encore qu’en 2014 (93% prioritaire, 61% « tout à fait »). À titre de comparaison, dans un contexte marqué par « l’affaire Harvey Weinstein », la lutte contre les violences faites aux femmes se voit attribuer un niveau de priorité certes important et également en progression, mais qui reste marginalement moins élevé (95% prioritaire, dont 69% « tout à fait »).
- Les Français portent sur la maltraitance un regard empreint de pessimisme: une très large majorité juge le phénomène fréquent (73%), traversant tous les milieux sociaux (92%) et n’étant pas du tout en voie de disparition (seulement 16% le pensent). La maltraitance est également identifiée comme un sujet peu évident à aborder : 79% le qualifient de « tabou », et seuls 31% estiment que le phénomène est facile à définir. En découle une forte attente à l’égard de la puissance publique, dont l’action est jugée insuffisante à l’heure actuelle : seuls 29% des Français estiment que les pouvoirs publics prennent suffisamment en compte la maltraitance des enfants.
- Interrogés sur leur propre enfance, 22% des Français relatent des événements assimilables à de la maltraitance[2]. La plupart de ces victimes auto-déclarées (16%) témoignent d’une maltraitance de nature sexuelle, qui consiste principalement en des attouchements, surtout vécus par des jeunes filles. 8% font état d’une maltraitance psychologique (menaces, insultes, humiliations), 5% de violences régulières (coups) et enfin 3% de négligence répétée (soins, hygiène).
Certaines personnes ayant connu à elles seules plusieurs types de maltraitance, le total dépasse donc 22%. Parmi ces victimes déclarées de maltraitance, 32% témoignent d’actes exclusivement commis par une personne extérieure à leur famille, 27% d’actes commis uniquement au sein de leur propre famille, quand 41% évoquent des maltraitances à la fois à l’intérieur et en dehors du noyau familial. Au total, ce sont donc 68% des victimes déclarées qui signalent une maltraitance ayant eu lieu au moins en partie dans leur propre famille.
- Interrogés sur leur propre enfance, 22% des Français relatent des événements assimilables à de la maltraitance[2]. La plupart de ces victimes auto-déclarées (16%) témoignent d’une maltraitance de nature sexuelle, qui consiste principalement en des attouchements, surtout vécus par des jeunes filles. 8% font état d’une maltraitance psychologique (menaces, insultes, humiliations), 5% de violences régulières (coups) et enfin 3% de négligence répétée (soins, hygiène).
- Parmi ces personnes se déclarant victimes de maltraitance, quelle qu’elle soit, deux tendances lourdes apparaissent. En premier lieu, le silence est de rigueur : moins d’une personne sur cinq (19%) déclare avoir parlé de la maltraitance au moment des faits.Ceux qui se sont exprimés se sont principalement adressés à leurs parents, et dans une moindre mesure à un autre membre de leur famille ou à un autre enfant. En second lieu, ceux qui ont parlé de leur maltraitance n’ont pas tous vu leurs problèmes s’interrompre, loin s’en faut. Seuls 43% affirment que la maltraitance s’est arrêtée en totalité, 18% en partie, et 34% déclarent qu’elle s’est poursuivie. 49% ont le sentiment d’avoir été aidés après s’être exprimés, quand 48% se sont sentis dépourvus.Plus concrètement, parmi les personnes déclarant avoir été victimes de maltraitance et en avoir parlé, seules 55% affirment avoir bénéficié d’une procédure d’aide suite à leurs révélations (principalement un éloignement de l’auteur, 27%). Au sein des Français affirmant avoir témoigné d’une situation de maltraitance, seuls 17% déclarent avoir bénéficié d’un suivi thérapeutique.
- Au-delà de leur expérience personnelle, les Français estiment que la maltraitance des enfants constitue un phénomène répandu dans leur entourage direct (famille proche, amis) ou indirect (famille élargie, voisins, collègues).
Ainsi, 47% des Français estiment probable, voire certain, qu’il y ait dans leur entourage au moins une personne ayant été victime de maltraitance durant l’enfance. Ce diagnostic alarmant est plus fréquent concernant l’entourage indirect, comme les collègues (30%), les voisins (28%) ou les amis (26%). Cependant, l’institution familiale n’apparaît pas épargnée, qu’il s’agisse de la famille élargie (24%) ou proche (21%). En revanche, rares sont ceux qui identifient une victime de maltraitance durant l’enfance au sein de leur propre foyer (6%).
- Au-delà de leur expérience personnelle, les Français estiment que la maltraitance des enfants constitue un phénomène répandu dans leur entourage direct (famille proche, amis) ou indirect (famille élargie, voisins, collègues).
- Plus préoccupant encore, 36% des Français estiment même qu’au cours des dernières années, un cas de maltraitance d’enfant s’est probablement ou certainement produit dans leur entourage.À nouveau, les voisins (19%) et les collègues (17%) constituent les sources de maltraitance identifiées comme les plus probables. Soulignons toutefois qu’il s’agit davantage d’une hypothèse que d’un constat : jamais plus de 3% des Français se déclarent certains d’une maltraitance récente dans leur entourage.
- D’ailleurs, lorsque l’on interroge ces Français soupçonnant un cas de maltraitance récent dans leur entourage, la moitié indiquent ne pas avoir adopté de comportement particulier face à ce soupçon: 19% reconnaissent directement ne pas être intervenus, quand 30% estiment qu’ils n’étaient pas en capacité d’intervenir, par manque de preuves. Chez ceux admettant ne pas être intervenus, les arguments avancés tournent principalement autour de la peur de se tromper (40%), d’une non-connaissance de l’identité de l’enfant ou de son entourage (25%), ou du sentiment que cela ne les regardait pas (18%).
- Cette forme d’inertie se cumule à des choix discutables de la part des personnes qui déclarent être intervenues : ces dernières se sont bien souvent refusées à sortir du cercle privé, privilégiant des discussions entre adultes proches (27%), avec l’enfant victime (14%) voire avec l’auteur présumé (11%). Tandis que les solutions institutionnelles sont peu citées, qu’il s’agisse des services sociaux (9%), de la police (6%), des professionnels de santé (5%), des associations (3%) ou du numéro d’appel national, le 119 (3%).
- En cohérence avec leur méconnaissance des bonnes pratiques en matière de maltraitance, les Français estiment majoritairement n’être « pas suffisamment informés » sur ce sujet (57%). La Brigade des mineurs, le 119 et la démarche de « signalement au Procureur de la République » disposent certes d’une certaine notoriété : plus de 60% des Français affirment en avoir déjà entendu parler.
Mais leur connaissance est probablement confuse : moins d’une personne sur deux déclarent voir précisément ce dont il s’agit. Le CRIP (28%) et la démarche de « transmission d’information préoccupante » au Conseil Départemental (45%) sont quant à elles identifiées par moins d’un Français sur deux.
- En cohérence avec leur méconnaissance des bonnes pratiques en matière de maltraitance, les Français estiment majoritairement n’être « pas suffisamment informés » sur ce sujet (57%). La Brigade des mineurs, le 119 et la démarche de « signalement au Procureur de la République » disposent certes d’une certaine notoriété : plus de 60% des Français affirment en avoir déjà entendu parler.
- Enfin, les parents interrogés dans le cadre de cette enquête sont 60% à indiquer avoir déjà abordé le sujet de la maltraitance avec leur(s) enfant(s). Dans la plupart des cas, cet échange s’est noué spontanément, sans occasion particulière (59%).Parmi les principaux éléments pouvant déclencher une telle discussion, figurent toutefois les faits divers médiatiques (34%) et des événements particuliers dans la vie de l’enfant (32%), que ce soit à l’école, ou dans d’autres cadres, comme le sport par exemple. Il est moins courant qu’une discussion parent-enfant sur la maltraitance ait lieu suite à une question de l’enfant (20%), après le visionnage d’un film ou d’une séquence de télévision (19%), après des campagnes de sensibilisation à l’école (16%) ou dans les médias (10%).Au final, les Français se déclarent quasi-unanimement favorables (90%) à ce que le sujet de la maltraitance soit abordé systématiquement avec les élèves dans le cadre de l’école. Et ce qu’ils aient eux-mêmes des enfants âgés de moins de 18 ans (89% favorables), ou non (90% favorables).
[1] Enquête Harris Interactive pour l’Enfant Bleu, réalisée en ligne du 23 au 25 septembre 2014, auprès d’un échantillon de 1 004 personnes représentatif de la population française majeure.
[2] Dans le cadre de cette enquête, le terme « victimes de maltraitance » désigne les personnes déclarant avoir été, durant leur enfance, régulièrement victimes de coups/menaces/insultes, d’absence de soins ou d’hygiène ; ou avoir été au moins une fois victimes de viol/attouchements sexuels. Que ces actes aient été exercés par un membre de la famille ou une personne extérieure, par un adulte ou par un mineur.
Retrouvez les résultats de notre sondage avec notre note d’analyse et notre rapport
Enquête réalisée par Harris Interactive en ligne du 18 au 20 octobre 2017. Échantillon de 1 030 personnes, représentatif des Français âgés de 18 ans et plus. Méthode des quotas et redressement appliqués aux variables suivantes : sexe, âge, catégorie socioprofessionnelle et région de l’interviewé(e).