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FIPRONIL : L’ANSES N’A PAS LE DROIT DE CONCLURE A L’ABSENCE DE RISQUE

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Au moment où vont se tenir les États Généraux de l’Alimentation, l’affaire des œufs au fipronil illustre la nécessité d’avoir un nouveau regard sur les risques environnementaux et sur le rôle joué par l’alimentation dans ces risques.

 

 

Le rapport de l’ANSES publié le 11 août dernier conclut à un risque négligeable mais les autorités continuent néanmoins de retirer les œufs et les produits dérivés et de tuer les volailles contaminées. L’opinion est à juste titre en droit de se demander où est la vérité. Il serait plus cohérent de parler en fonction de la nature du risque, ce qui passe par la différentiation claire entre le risque aigu et le risque chronique, mais aussi devrait amener à pointer les insuffisances de connaissances pour répondre à la question du risque. Le risque aigu correspond à la probabilité d’observer un effet sanitaire à court terme.

Pour le fipronil, il est faible si on extrapole à l’humain les effets observés chez l’animal et au regard des cas d’intoxication humaine décrits dans la littérature. Le risque chronique correspond à la probabilité d’effets survenant des années, voire des décennies plus tard, à la suite d’une exposition qui peut même être de courte durée, notamment si elle a lieu pendant la grossesse. Pour juger de l’ampleur du risque chronique, il faut évaluer : – les différents effets possibles – les différentes sources d’exposition

Dans le cas du fipronil, les normes utilisées pour juger du risque reposent sur les études de toxicité chronique chez le rat et un effet (convulsions) dont l‘intensité augmente avec la dose. ll existe une dose à laquelle cet effet ne survient pas, ce qui permet de déduire une norme en appliquant des facteurs de sécurité. Le discours des autorités repose sur cette norme.

Le fipronil entrainerait des cancers de la thyroïde

Mais est-ce bien l’effet le plus pertinent ? La perturbation des hormones thyroïdiennes est mise en évidence chez le rat, avec notamment la survenue de cancers de la thyroïde à la plus forte dose. C’est ce qui a conduit l’Agence de Protection de l’Environnement des États-Unis à classer le fipronil comme cancérogène possible. Cet effet n’a pas été retenu pour servir de base à la définition d’une norme au motif que le mécanisme serait spécifique au rat. Ce point est aujourd’hui remis en cause.

Des données nouvelles font apparaître le fipronil comme perturbateur endocrinien notamment des hormones thyroïdiennes à partir d’un autre mécanisme. Dans ce cas, il faut juger du risque par rapport aux autres substances susceptibles d’avoir le même effet, voire évaluer l’effet cocktail (sur 28 pesticides testés, 15induisent cet effet). La question mérite d’être prise en compte sérieusement car le cancer de la thyroïde progresse partout dans le monde (doublement en 10 ans) et notamment en France (taux multiplié par 5 depuis 1980). Or on ne peut pas continuer d’expliquer cette progression par le simple effet du dépistage.

Quelles sont les autres sources d’exposition ?

Pour juger du risque lié au fipronil, il faut connaître toutes les sources d’exposition car l’organisme humain ne fait pas la différence entre ce qui vient des œufs et ce qui vient d’autres sources. Une source d’exposition potentielle importante est celle liée aux animaux domestiques. Il est paradoxal de continuer d’utiliser le fipronil comme antipuces chez les chiens et les chats sans s’interroger sur la contamination humaine, car, par principe, un animal domestique se caresse et la substance passe ainsi sur la peau, voire peut être ingérée chez l’enfant qui va se sucer les doigts. L’animal domestique va aussi transférer le fipronil dans l’habitation. Une étude américaine a montré une présence dans les poussières domestiques 15 fois plus élevée que dans celles de l’air extérieur. Avec quelles conséquences du point de vue exposition pour la famille, notamment pour les jeunes enfants ? Il faut par ailleurs aujourd’hui connaître les différentes sources d’exposition notamment via les produits dérivés des œufs. Le fipronil s’accumule dans les graisses. Une exposition de courte durée peut ainsi contribuer à une exposition de longue durée car le fipronil va être relargué petit à petit à partir de la dose stockée dans les graisses.

En conclusion

Au vu des questions posées notamment celles concernant la perturbation endocrinienne ou les autres sources d’exposition, il n’est pas possible aujourd’hui de dire comme le fait le rapport de l’ANSES que le risque à long terme est négligeable sans apporter des réponses à ces questions. De façon plus générale, cette affaire montre que si notre système de sécurité sanitaire est performant sur le plan du risque à court terme, principalement celui de type biologique, il n’est par contre pas suffisamment adapté à la lutte contre le risque chimique à long terme. Cela montre la nécessité d’une politique ambitieuse de Santé environnementale pour pouvoir répondre rapidement aux questions posées pour évaluer le risque chronique. Cette question doit être débattue à l’occasion des États Généraux de l’Alimentation pour penser un nouveau modèle alimentaire qui ne se soucie pas de produire toujours plus mais aussi de produire mieux c’est-à-dire en ne nuisant pas à la santé.

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