110 cancérologues ont lancé ce jour un appel pour dénoncer le coût exorbitant des nouveaux traitements anti-cancer alors même que le coût de la recherche – développement diminue. Pour eux, cela remet en cause « l’équité d’accès des patients aux traitements innovants des cancers » et menace de nous conduire, comme cela est déjà le cas avec le traitement contre l’hépatite C le Sovaldi, vers un système de soin de rationnement rompant avec l’égalité d’accès pour tous.
Comme Michèle Rivasi l’a dit dans son ouvrage* et dans le cadre de son opération Mains propres sur la santé, 56 médicaments sont déjà commercialisés à un prix public supérieur à 1650 euros la boîte. 70% de ces traitements concernent les traitements contre le cancer.
Aussi, dans l’étude comparée du prix du médicament France / Italie, il apparaît que la France pourrait réaliser 18,6 millions d’euros d’économies par an en alignant le coût du Glivec (antileucémique très utilisé de chez Novartis) sur celui de l’Italie. Idem pour le Zytiga (médicaments contre le cancer de la prostate commercialisé par Janssen-Cilag) qui présente un prix en pharmacie de 3612,58 euros en France contre 3011,21 euros en Italie soit une économie potentielle de 16,7 millions d’euros pour la caisse de la Sécurité sociale.
Il faut rappeler que la facture de la politique du médicament est en grande partie responsable du déficit structurel de la Sécurité sociale avec des dépenses qui culminent à 34 milliards d’euros en France quant l’Italie offre les mêmes garanties sanitaires pour une dépense en matière de médicaments n’atteignant que 18 milliards d’euros.
Les causes de cette inflation du coût du médicament sont connues :
- opacité des instances de fixation du prix ;
- sur-prescription médicamenteuse et sous prescription des génériques ;
- foisonnement de conflits d’intérêts entre l’industrie pharmaceutique, les médecins, les politiques et haut-fonctionnaires…
Les solutions existent pour en finir avec l’explosion des prix du médicament en France
- Il faut tout d’abord garantir l’indépendance de l’expertise et des systèmes de sécurité du médicament ;
- puis revoir la composition des instances d’évaluation, de fixation du prix (CEPS) et de remboursement (Commission de la transparence de la HAS) des médicaments souffrant de trop de porosité avec l’industrie pharmaceutique ;
- enfin, il convient de revoir le suivi des médicaments et la pharmacovigilance (le danois Peter Gotzsche –responsable de l’Institut Cochrane- considère par exemple sur la base de méta-analyses s’appuyant sur la littérature médicale internationale que certains nouveaux médicaments anti-cancers nuiraient aux chances de survie de certains patients et entraîneraient des effets délétères en fin de vie).
La France pourrait aussi faire baisser drastiquement le prix de ces médicaments en recourant à la licence d’office (dite aussi licence obligatoire) –où en menaçant d’y recourir, l’effet dissuasif doit jouer dans le rapport de force à instaurer entre pouvoirs publics et industrie pharmaceutique- comme le prévoit l’article L613-1 du code de la propriété industrielle. En effet, en vertu de cet article et des accords de l’Organisation mondiale du commerce, le gouvernement français a le droit de délivrer des licences d’office. C’est-à-dire que la France peut légalement autoriser des laboratoires pharmaceutiques concurrents à produire des génériques des anticancéreux vendus hors de prix. C’est ce qu’avait d’ailleurs fait l’Inde et le Brésil en créant des copies d’AZT au moment de l’épidémie du SIDA.
Il est grand temps de répondre au lobbying institutionnel des multinationales de la Big-Pharma et à la faiblesse des moyens de contrôle démocratique dans l’exécution des politiques de santé publique en remettant les laboratoires à leur juste place : celle d’innover, de guérir et non de nourrir exclusivement et abusivement ses actionnaires en spéculant sur la santé des citoyens et en utilisant l’innovation thérapeutique comme un jackpot financier.
*Le racket des laboratoires pharmaceutiques et comment en sortir, Michèle Rivasi, Serge Rader, Marie-Odile Bertella Geffroy -Les Petits Matins, 14 euros
Michèle Rivasi