Une équipe de chercheurs issus du CNRS (link is external), du CEA (link is external), des universités Paris Diderot, Paris Descartes (link is external), Paris-Sud (link is external)1, Harvard Medical School et Lebanese American University, a découvert un nouveau système de réparation des dommages causés à l’ADN par les dérivés toxiques du glucose appelés glyoxals. Leur fixation sur les guanines (G), l’un des quatre composants A, T, G, C de la séquence d’ADN, entraîne mutations et cancers. La protéine DJ-1, antiparkinson, répare les guanines endommagées par les glyoxals, prévient l’apparition de mutations, et pourrait être la cible de nouveaux agents anticancéreux. Ces résultats sont parus dans la revue Science, le 8 juin 2017.
Notre patrimoine génétique est constamment menacé par des toxiques externes, comme les rayons UV ou la fumée de tabac, et des toxiques endogènes, tels que les radicaux libres, dérivés nocifs du métabolisme de l’oxygène ou les glyoxals, dérivés nocifs du métabolisme des sucres. Ces derniers, les glyoxals endommagent l’ADN du fait de leur réactivité chimique, et entrainent mutations et cancers.
La protéine DJ-1, cible d’une nouvelle classe d’anticancéreux ?
La guanine est la principale cible de la glycation, qui consiste en la fixation covalente d’une molécule de glyoxal. La glycation des guanines modifie leur structure et leur réactivité, et entraîne des troubles médicaux. Alors qu’une guanine G s’apparie normalement avec une cytosine C, une guanine ayant subi la glycation s’apparie avec une adénine A, une guanine G ou une thymine T, entrainant une erreur dans la séquence d’ADN. La protéine produite à partir d’ADN modifié par glycation aura potentiellement une activité altérée ou nulle, et sera alors responsable de maladies. La protéine DJ-1, dénommée aussi Park7, protège quant à elle les cellules contre l’oxydation et la glycation. Sa déficience entraîne l’apparition précoce, vers 40 ans, de la maladie de Parkinson.
Les résultats de l’équipe animée par Gilbert Richarme, professeur de l’université Paris Diderot à l’Institut Jacques Monod (Université Paris Diderot / CNRS), montrent que DJ-1 répare les guanines endommagées par glycation, en dégradant le glyoxal fixé sur ces guanines, restaurant ainsi des guanines intactes. DJ-1 nettoie les guanines libres avant leur incorporation dans l’ADN, évitant l’incorporation dans l’ADN de guanines défectueuses, et répare aussi les guanines déjà incorporées dans l’ADN. DJ- 1 agit donc comme nettoyeur des nucléotides libres et de l’ADN.
DJ-1 et ses homologues existent chez tous les organismes, bactéries, plantes, animaux. Il est également démontré qu’une diminution du niveau de DJ-1 dans les bactéries et les cellules humaines entraîne l’apparition de mutations et de coupures dans l’ADN. De plus, DJ-1 répare les nucléotides impliqués dans la synthèse de l’ARN, ainsi que les ARN eux-mêmes.
La réparation par DJ-1 de l’ADN endommagé par glycation serait aussi importante pour la cellule que la réparation de l’ADN oxydé2. Dans la mesure où les cellules cancéreuses subissent jusqu’à 100 fois plus de dommages affectant leur ADN que les cellules saines, des inhibiteurs de la réparation d’ADN sont utilisés dans la lutte anticancéreuse. De cette manière, DJ-1 pourrait être la cible d’une nouvelle classe d’anticancéreux.
Par sa capacité à réparer les protéines (découverte par la même équipe en 2015), DJ-1 serait impliqué dans la prévention de nombreuses maladies telles les maladies d’Alzheimer et de Parkinson, le diabète, l’athérosclérose, l’hypertension, les maladies rénales, la cataracte, les dégénérescences rétiniennes et les maladies autoimmunes. Par sa capacité à réparer l’ADN, DJ-1 serait impliqué dans la prévention des cancers.
Bibliographie
Guanine glycation repair by DJ-1/Park7 and its bacterial homologs (link is external). Science, 8 juin 2017.
Gilbert Richarme, Cailing Liu, Mouadh Mihoub, Jad Abdallah, Thibaut Leger, Nicolas Joly, Jean-Claude Liebart, Ula Jurkunas, Marc Nadal, Philippe Bouloc, Julien Dairou, Aazdine Lamouri.
Sources :
1 Ces travaux impliquent des chercheurs de l’Institut Jacques Monod (Université Paris Diderot / CNRS), de l’Institut de biologie intégrative de la cellule (link is external) (CNRS/CEA/Université Paris Sud), du Laboratoire de chimie et biochimie pharmacologiques et toxicologiques (link is external) (CNRS/Université Paris Descartes) et du laboratoire Interfaces, traitements, organisation et dynamique des systèmes (CNRS/Université Paris Diderot).
2 La réparation de l’oxydation des guanines oxydées, connue depuis une vingtaine d’années, fait intervenir des nettoyeurs de nucléotides qui transforment les nucléotides triphosphate oxydés en nucléotides monophosphate oxydés, ayant perdu l’énergie nécessaire à leur incorporation dans l’ADN. La réparation des guanines oxydées incorporées dans l’ADN fait intervenir des enzymes réalisant leur détachement de l’ADN (excision de base), suivi de leur remplacement par une guanine intacte grâce à une ADN polymérase (ce processus est dénommé réparation par excision de base).