1 enfant sur 450 en France souffre d’un cancer. Et 20% des cancers ne peuvent être guéris. Le Professeur Gilles Vassal, Directeur de la Recherche Clinique de l’Institut G. Roussy, Président de l’ITCC (Innovative Therapies for Children with Cancer) et Président de SIOPE (société européenne d’oncologie pédiatrique), nous explique le cancer de l’enfant et appelle à la mobilisation de tous.

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Santécool – Le cancer de l’enfant est-il, ses dernières années, en recrudescence ?

Pr. Vassal – L’incidence des cancers pédiatriques est stable. Il y a 20 ans, une augmentation du nombre de tumeurs cérébrales avait été observée avec l’introduction du scanner et de l’IRM.

Quels sont les cancers les plus répandus ?

Pr. Vassal

1.    Les leucémies

2.    Les tumeurs cérébrales

3.    Les lymphomes,

4.    Puis les neuroblastomes et les sarcomes des muscles et des os.

 

Pensez-vous que l’environnement, l’alimentation, la vaccination soient en partie responsables de ces cancers?

Pr. Vassal – Il n’y a pas de facteurs carcinogènes connus des cancers de l’enfant et de l’adolescents à l’opposé des cancers de l’adultes.

C’est d’ailleurs probablement pour cela qu’ils surviennent dans l’enfance, voire dans la première année de vie.

Il n’y a aucune preuve que l’environnement, l’alimentation, la vaccination sont responsables des cancers de l’enfant et de l’adolescent.

Bien sûr ceci n’inclut pas le risque lié à l’exposition de l’enfant et de l’adolescent aux UV ou à d’autres facteurs de l’environnement et le risque de développer un cancer à l’âge adulte.

La vaccination anti HPV proposée aux adolescentes a pour but d’éviter les infections aux HPV qui sont à l’origine des cancers du col.

 

Estimez-vous qu’une alimentation délétère de la femme enceinte (pesticides, édulcorants de synthèse…) aient un rôle dans le développement du cancer de l’enfant ? Si oui, lesquels et pourquoi ?

Pr. Vassal – Il n’y a pas de démonstration que l’alimentation de la femme pendant sa grossesse a un rôle dans le développement des cancers.

 

Lorsque l’on a eu un cancer étant enfant sommes-nous susceptibles de subir une récidive ou de développer de nouveaux cancers ?

Pr. Vassal – Pour tout cancer, y compris les cancers pédiatriques, il y a un risque de rechute. Au-delà de 5 ans sans rechute, le patient est considéré comme guéri. Dans certains cancers comme le lymphome de Burkitt, un patient est guéri s’il n’a pas rechuté dans les 12 mois du diagnostic. 80% des enfants et adolescents sont guéris avec les traitements actuels.

Une faible proportion des cancers de l’enfant survient dans le cadre d’une prédisposition génétique au cancer, souvent alors dans le cadre d’une prédisposition familiale au cancer. Certains de ces enfants peuvent alors avoir plusieurs cancers successivement.

L’adulte guéri d’un cancer pédiatrique peut développer des cancers de l’adulte en particulier s’il s’expose aux carcinogènes connus comme le tabac, les UV,…….

 

La recherche pour trouver de nouveaux médicaments est très chère et le nombre d’enfants victimes de cancer est tout de même rare, pensez-vous qu’il existe un lobby pharmaceutique empêchant la possibilité de trouver de nouveaux traitements ?

Pr. Vassal – 3000 enfants décèdent chaque année en Europe d’un cancer. Le cancer reste la première cause de mortalité par maladie au-delà d’un an malgré les progrès majeurs réalisés au cours des 40 dernières années dans les traitements.

Les progrès des 40 dernières années ont été réalisés par la recherche académique faite par les oncologues et hématologues pédiatres en utilisant les médicaments disponibles dans les pharmacies des hôpitaux. Les industriels n’ont pas développé de médicament anticancéreux chez l’enfant. En effet , les cancers de l’enfant sont rares, voire très rares, et ne constituent pas un marché permettant un retour sur investissement pour les industriels . Il ne s’agissait pas d’un lobby pharmaceutique anti-cancers pédaitriques. Simplement, les cancers de l’enfant n’étaient pas dans les stratégies de développement des industriel, qui ne sont pas des entreprises philantropiques.

En 2007, la réglementation pédiatrique européenne a été mise en place (7 ans après que le Parlement Européen, présidé par Madame Veil, ait voté la résolution), obligeant les industriels à étudier leur médicament chez l’enfant lorsqu’il y a un besoin pédiatrique et leur donnant une récompense s’il le font.

Cinq ans après cette réglementation a changé le champ du développement des médicaments pédiatriques, mais n’a pas encore atteint ses objectifs, en particulier en oncologie pédiatrique pour deux raisons principales :

         Les plans d’investigation pédiatriques que les industriels doivent développer ne répondent pas de façon adéquate aux besoins des enfants ayant un cancer

         elle porte sur les médicaments qui sont développés chez l’adulte mais n’incitent pas au développement de médicaments spécifiques des cancers pédiatriques.

Où en est la recherche ?

Pr. Vassal – Elle progresse en France, en Europe et au niveau international. Il y a en effet une vraie dynamique de travail de recherche en réseaux tant pour la recherche fondamentale que pour le recherche clinique.

Les chercheurs découvrent de plus en plus les altérations des gènes et des protéines qui caractérisent les tumeurs de l’enfant. C’est essentiel pour identifier des cibles pour de nouveaux médicaments. Mais les nouvelles thérapies ciblées commencent seulement à être étudiées chez l’enfant en Europe, dans des réseaux de recherche clinique pour le développement des innovations thérapeutiques. L’accès aux nouveaux médicaments reste difficile, malgré la réglementation européen. Des parents font encore des sacrifices importants pour emmener leur enfant aux US et participer à un essai thérapeutique.

Une autre recherche se met en place : elle porte sur les survivants, les adultes guéris d’un cancer pédiatrique, et les complications à long terme des traitements qu’ils ont reçu pour leur cancer pédiatrique. Elle cherche à diminuer la toxicité des traitements tout en gardant leur efficacité. Elle cherche à identifier les facteurs de risque, en particulier génétique, de ces complications à long terme. Elle cherche à diagnostiquer très trop les complications des nouveaux médicaments pour mettre en place des approches préventives et correctives.

 Il faut plus que doubler les efforts de recherche pour atteindre les objectifs : guérir plus et mieux les enfants et les adolescents.

                                                                                 

                                                                                                                                                                                                       Entretien réalisé par Sophie Madoun