Une étude de l’université de Würzburg (Allemagne) et de l’Institut Pasteur (France) déchiffre les mécanismes de l’émergence d’une épidémie de méningococcie chez des hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH). Ces résultats sont publiés dans la revue en accès libre PLOS ONE.
La méningococcie touche généralement des enfants et des adolescents et provoque des méningites et des sepsis. En 2013, une épidémie internationale a été observée chez des HSH aux États-Unis et en Europe. Des vaccinations ont alors été recommandées afin de protéger les populations à risque en
France, en Allemagne et aux États-Unis.
Cette nouvelle étude a rassemblé des microbiologistes moléculaires du Centre national de référence des méningocoques de l’Institut Pasteur (France) et des universités de Würzburg, Münster et Greifswald (Allemagne), ainsi que des épidémiologistes du Robert Koch-Institut (Allemagne) et de
l’Institut de veille sanitaire (France).
Ces chercheurs se sont intéressés au génome entier des souches isolées au cours de l’épidémie et ont comparé la totalité des protéines exprimées à celles détectées dans des échantillons d’autres patients. Les équipes mobilisées ont montré qu’en Allemagne et en France, l’épidémie résultait d’un variant de méningocoques n’ayant évolué que récemment. « L’émergence de cette souche révèle que les méningocoques sont extrêmement souples et qu’ils modifient très rapidement leur phénotype afin de s’adapter efficacement à de nouvelles conditions », déclare Ulrich Vogel, responsable du laboratoire de référence des méningocoques de l’université de Würzburg.
Ce nouveau variant présentait des modifications spécifiques qui permettaient sa croissance sans oxygène, une aptitude commune aux gonocoques, mais rarement observée chez les méningocoques.
Cette découverte a soulevé l’hypothèse de l’adaptation des méningocoques à la voie de transmission génito-urinaire alors que la transmission classique des méningocoques se fait par les gouttelettes respiratoires. « Bien que des études de cas d’infections génito-urinaires aient été publiées à plusieurs reprises, nous émettons une hypothèse mécaniste sur comment l’adaptation à la niche génitourinaire a pu se développer », indique Muhamed-Kheir Taha, responsable du Centre national de référence des méningocoques de l’Institut Pasteur.
Par ailleurs, les chercheurs avaient préalablement observé, à de rares occasions, des infections génito-urinaires isolées de souches étroitement apparentées chez les groupes concernés de HSH.
Toutefois, il apparait évident que la nouvelle souche a amélioré sa capacité à se multiplier dans le sang, augmentant sa virulence par rapport aux échantillons génito-urinaires. La reconstruction détaillée des mécanismes évolutifs sous-jacents de cette importante épidémie de méningococcie démontre la polyvalence des méningocoques et souligne l’importance de la surveillance actuelle de la maladie pour une adaptation des stratégies de vaccination.
Sources :
Evolutionary events associated with an outbreak of meningococcal disease in men who have sex with men, PLOS ONE, 11 mai 2016
Muhamed-Kheir Taha1*, Heike Claus2†, Martin Lappann2†, Frédéric J. Veyrier 1†¥ , Andreas Otto3†, Dörte Becher3, Ala-Eddine Deghmane1, Matthias Frosch2, Wiebke Hellenbrand4, Eva Hong1, Isabelle Parent du Châtelet5, Karola Prior6, Dag Harmsen6, Ulrich Vogel2*
1 Institut Pasteur, Invasive Bacterial Infections Unit and National Reference Center for meningococci, Paris, France
2 University of Würzburg, Institute for Hygiene and Microbiology, Reference laboratory for meningococci and
Haemophilus influenzae, Würzburg, Germany
3 Ernst-Moritz-Arndt-University, Department of Microbial Proteomics and Mass Spectrometry, Greifswald,
Germany
4 Robert Koch Institute, Immunization Unit, Berlin, Germany
5 Institut de Veille Sanitaire, Saint Maurice, France
6 University of Münster, Department of Periodontology, Münster, Germany
* corresponding authors †These authors contributed equally to this work.
S.C.