Pénurie de médicaments : quels sont les 4 000 médicaments en rupture de stock ?

Depuis plusieurs années, les pénuries de médicaments s’accentuent. Quels sont les médicaments en rupture de stock ? Réponses.

La France, comme de nombreux autres pays, fait face à une inquiétante pénurie de médicaments. Mais quelles sont les causes profondes de cette situation et comment a-t-elle évolué au fil des ans ? Quels sont les médicaments en rupture de stock dans les pharmacies ?

Évolution des pénuries de médicaments au fil des années

L’ampleur des pénuries de médicaments s’est accrue de manière significative au cours de ces dernières années. D’après les chiffres de l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM), les pénuries de médicaments se sont nettement aggravées récemment. Et même les médicaments génériques.

Alors qu’en 2016, on comptait 405 pénuries, ce nombre a atteint 1 500 en 2019 et, a dépassé 2 400 en 2020 pour atteindre une rupture de stock de médicaments de 4 000. Certaines pénuries sont temporaires, mais d’autres durent plus longtemps, ce qui inquiète grandement les experts du secteur. Il y a donc urgence car le risque sanitaire est important et certaines décisions prises par le passé affectent maintenant la disponibilité des médicaments en France, qui sont parmi les moins chers en Europe.

« Je souffre d’arthrite rhumatoïde depuis plusieurs années. Le médicament qui me permettait de gérer mes douleurs a été en rupture de stock pendant trois mois dans toutes les pharmacies où je suis allées. J’ai dû essayer des alternatives, mais aucune n’était aussi efficace. C’était dévastateur de sentir mon indépendance m’échapper à cause d’une pénurie. »

Martine, 58 ans, Nice

Causes des ruptures de stock des médicaments

Production centralisée : l’industrie pharmaceutique a décentralisé en grande partie la production de médicaments en Asie vers l’Inde et la Chine précisément pour bénéficier de coûts réduits, ce qui a accentué la dépendance mondiale vis-à-vis de ces deux pays. Par ailleurs, le conflit en Ukraine a perturbé la filière médicamenteuse, étant donné que Kiev fabrique plusieurs éléments essentiels pour le conditionnement des médicaments. Toute perturbation dans ces régions, que ce soit en raison de problèmes politiques, climatiques, ou d’épidémies, entraîne des pénuries mondiales de médicaments.

Le nombre de médicaments prescrits en chute libre

Problèmes de qualité : les rappels de médicaments en raison de préoccupations liées à la qualité, à leurs effets indésirables (bien qu’ayant eu une autorisation de mise sur le marché avec les essais cliniques idoines) ou à la contamination entraînent des pénuries temporaires.

Faible rentabilité de certains médicaments : certains médicaments plus anciens et peu coûteux ne sont pas aussi rentables pour les fabricants et les laboratoires pharmaceutiques, ce qui conduit à une réduction de leur production ou à l’arrêt complet de leur fabrication par les industriels du médicament. D’où les tensions d’approvisionnement et de commercialisation

Problèmes logistiques : les perturbations dans la chaîne d’approvisionnement, qu’il s’agisse de matières premières (molécules, principe actif, …) ou de la logistique de transport, entraînent des retards et des pénuries.

Augmentation de la demande : une demande soudaine et imprévue, comme cela a été le cas pendant la pandémie de COVID-19 pour certains médicaments chez les pharmaciens a épuisé les stocks rapidement.

Réglementations et politiques nationales : les décisions réglementaires, telles que les rappels ou les interdictions, ont aussi affectées la disponibilité des médicaments dans les pharmacies. De plus, les politiques nationales visant à réduire les coûts des médicaments dissuade l’industrie pharmaceutique de commercialiser certains produits dans des régions spécifiques.

« Chaque mois, je dois prendre un traitement pour mon ostéoporose. Quand mon pharmacien m’a appris qu’il était en rupture de stock, j’étais terrifiée à l’idée de ce qui pourrait arriver à mes os. Ces pénuries touchent les gens de manière profonde et personnelle.« 

Juliette, 52 ans, Lyon

Tous ces facteurs entrainent donc une pénurie de médicaments. Mais la crise sanitaire récente est l’un des facteurs majeurs expliquant cette rupture de stock en médicaments. UFC-Que Choisir, l’association de consommateurs, avait déjà tiré la sonnette d’alarme à ce sujet dans un rapport publié en novembre 2020. Il est particulièrement inquiétant de noter que ces pénuries touchent principalement les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (MITM). L’absence de ces traitements pourrait compromettre gravement la santé des patients.

Solutions proposées contre les médicaments en rupture de stock pour cet hiver

Face à la crise de l’hiver dernier, où des médicaments courants comme le paracétamol et l’amoxicilline étaient en rupture de stock en raison de plusieurs épidémies simultanées, des mesures ont été mises en place. En 2023, un tiers des Français a été touché par ces pénuries. C’est ainsi qu’au 18 octobre, les officines rencontraient déjà des tensions sur plusieurs traitements essentiels pour la saison hivernale, d’après un bilan de l’ANSM. Les réserves de certaines variantes d’amoxicilline, de paracétamol, de prednisolone et de fluticasone étaient réduites à moins d’une semaine, voire à seulement trois jours, alors qu’un stockage de plus de sept jours est habituellement considéré comme stable.

C’est ainsi que pour se préparer à l’hiver prochain, le ministre de la Santé, Aurélien Rousseau, a annoncé « la décision de redonner à ceux qui font la répartition la responsabilité que toutes les pharmacies, y compris les plus petites, aient accès à ces stocks« .

Selon un bilan de l’ANSM daté du 18 octobre, le salbutamol était le seul traitement hivernal dont les stocks industriels étaient en dessous des niveaux habituels. En fonction des tendances épidémiologiques, des informations sur l’approvisionnement et des retours des professionnels de santé, l’organisme de régulation pourrait envisager d’importer des traitements, de restreindre les exportations des médicaments fabriqués en France, ou même d’autoriser la réalisation de préparations magistrales – des traitements conçus spécifiquement en pharmacie pour un patient donné donc non plus en boite de comprimés ou de gélules). Cette dernière approche, déjà mise en place l’hiver précédent, pourrait aussi être adoptée par les pharmacies des hôpitaux si nécessaire. Quant à l’agence du médicaments, elle a lancé un plan spécial afin d’éviter un problème de santé publique. Il vise à surveiller de près les stocks de médicaments essentiels dans les officines tels que les antibiotiques et le paracétamol. Si nécessaire, il pourrait être envisagé d’importer des médicaments d’autres marchés.

D’autres initiatives ont également été annoncées par l’Agence du médicament (AMM), comme :

– une augmentation du prix de l’amoxicilline,

– la vente d’antibiotiques en doses uniques en cas de pénurie,

– et le rapatriement de la production de certains médicaments en France.

Enfin, l’Union européenne a également abordé cette question. Fin octobre, la Commission a présenté son plan pour adresser les pénuries de médicaments, mentionnant entre autres la création d’un mécanisme de solidarité européen pour les médicaments dès ce mois. D’autres initiatives évoquées comprennent des dérogations réglementaires à partir de 2024, telles que l’extension de la durée de vie de certaines molécules ou l’achat groupé de réserves de médicaments pour le prochain hiver au niveau de l’UE.

Ces mesures, selon certains experts, pourraient aider à résoudre la crise, mais seulement pour les médicaments concernés.

 « Mon père est cardiaque, et son médicament prescit par son médecin était en rupture de stock. C’était stressant de le voir s’inquiéter pour sa santé à cause d’un problème d’approvisionnement.« 

Hakim, 29 ans, Marseille

Quels sont les médicaments en rupture de stock ?

Voici les principaux médicaments en rupture de stock

Les traitements cardiaques

• Brevibloc 10 mg/ml : solution pour perfusion (poche de 250 ml)
• Spécialités Spironolactone Altizide 25 mg/15 mg : comprimé pelliculé sécable

Les traitements contre le diabète

• Novorapid Pumpcart 100 unités/ml : solution injectable en cartouche
• Minirin Spray 10 microgrammes par dose : solution endonasale en flacon pulvérisateur

Les médicaments antihypertenseurs

• Eupressyl LP 30 mg et 60 mg : gélule
• Mediatensyl LP 30 mg et 60 mg : gélule
• Spécialités à base de Valsartan : seul ou en association avec l’hydrochlorothiazide
• Trandate 5 mg/ml : solution injectable
• Urapidil 100 mg/20 ml : solution injectable

Les antibiotiques

• Ansatipine 150 mg : gélule
• Claventin : poudre pour solution injectable (I.V.)
• Linezolide Ohre Pharma 600 mg : comprimé pelliculé
• Timentin 3,1 g : poudre pour solution injectable (ticarcilline/acide clavulanique)
• Zerbaxa 0,1g/0,5g : poudre pour solution à diluer pour perfusion

Les médicaments contre les allergies

• Alyostal Venin de guêpe Polistes 110 microgrammes et 550 microgrammes : poudre et solvant pour solution injectable
• Alyostal Venin d’abeille Apis Mellifera 110 et 550 microgrammes : poudre et solvant pour solution injectable

Les anti-inflammatoires

• Dipentum 250 mg et 500 mg : comprimé
• Solumedrol 40 mg/2 ml : lyophilisat et solution pour usage parentéral

Les traitements hormonaux

• Alkonatrem 150 mg : gélule (chlorhydrate de déméclocycline)
• Depo Prodasone 500 mg : suspension injectable
• Octim 150 microgrammes/dose : solution pour pulvérisation nasale

Les médicaments pour le sevrage tabagique

• Champix 0,5 mg et 1 mg : comprimé pelliculé

Les antiépileptiques

• Gardenal 50 mg : comprimé (boîte de 30)
• Zonisamide Mylan 100 m : gélule

Les médicaments de la surcharge en fer

• Ferriprox 100 mg/ml : solution buvable

Les traitements oculaires

• Miochole 20 mg : poudre et solvant pour solution intraoculaire
• Visudyne 15 mg : poudre pour solution pour perfusion

Les traitements de l’ostéoporose

• Alendronate 10 mg : comprimé

Les médicaments contre les reflux gastro-oesophagien

• Cimetidine Arrow 200 mg : comprimé effervescent

Les médicaments anti-cancéreux

• Bleomycine Bellon 15 mg : poudre pour solution injectable
• Methotrexate Mylan 100 mg/ml : solution injectable (10 flacons de 10 ml et 10 flacons de 50 ml)
• Vitrakvi 20 mg/ml : solution buvable (flacon de 100 ml)
• Hycamtin 0,25 mg : gélule
• Javlor 25 mg/ml : solution à diluer pour perfusion (flacon de 10 ml)
• Belustine 40 mg : gélule
• Pemetrexed Fresenius Kabi, flacons de 100 mg et de 500 mg : poudre pour solution à diluer pour perfusion
• Tomudex 2 mg : poudre pour solution pour perfusion
• Paclitaxel Kabi 6 mg/ml : solution à diluer pour perfusion
• Zevalin 1,6 mg/ml : trousse pour préparations radiopharmaceutiques pour perfusion
• Mitomycine Accord 10 mg : poudre pour solution injectable, pour perfusion ou pour voie intravésicale
• BCG Medac : poudre et solvant pour suspension pour administration intra-vésicale

Les médicaments antihémorragiques

• Exacyl 1g/10ml : solution buvable
• Octafix 100 Ul/ml : poudre et solvant pour solution injectable
• Trasylol 500 000 UIK/50 ml : solution injectable

Les immunosuppresseurs

• Imeth 2,5 mg : comprimé

Les médicaments contre la détresse respiratoire

• Vectarion injectable : lyophilisat et solution pour préparation injectable

Les médicaments contre la maladie de Parkinson

• Comtan ® 200 mg : comprimé pelliculé (boîte de 60)
• Sinemet LP 200 mg/50 mg : comprimé à libération prolongée
• Parlodel 5 mg et 10 mg : gélule

Les médicaments du syndrome des jambes sans repos

• Ropinirole Mylan 0,5 mg : comprimé pelliculé

Les antipsychotiques

• Semap 20 mg : comprimé

Les antiparasitaires

• Pentacarinat 300 mg : poudre pour aérosol et pour usage parentéral

Cette liste des médicaments en rupture de stock est actualisée régulièrement. Consultez le site de l’ANSM pour les mises à jour.

 

 

Sophie Madoun